CHAPITRE I : FONDEMENTS THEORIQUES ET EMPIRIQUES DE LA
RELATION EPARGNE-INVESTISSEMENT
L'objectif de ce chapitre est de présenter les
fondements théoriques et empiriques de la relation entre épargne
et investissement. Deux sections sont traitées. La première
section présente les débats anciens à partir des auteurs
majeurs sur la relation épargne-investissement. La deuxième
section porte sur les controverses récentes sur la causalité
entre épargne et investissement dans l'optique financière en
distinguant l'analyse traditionnelle de celle postkeynésienne de la
finance.
SECTION 1 : LES DEBATS ANCIENS SUR LA RELATION ENTRE
EPARGNE ET INVESTISSEMENT
Selon la littérature macroéconomique, les
déterminants de l'épargne ne sont pas les mêmes que ceux de
l'investissement. L'épargne dépend principalement du revenu et du
patrimoine tandis que l'investissement dépend de la rentabilité
et du risque (Chouchane-Verdier, 2001). Or, bien que l'épargne et
l'investissement découlent de deux décisions
indépendantes, ils seront nécessairement égaux
ex-post en économie fermée (Solow, 1956 ; Swan, 1956).
Le mécanisme d'ajustement entre ces deux variables se fait soit par le
revenu, soit par les taux
d'intérêt, soit par les deux. Les choses sont plus
complexes dans une économie ouverte oül'introduction des
flux de capitaux ex-post suscite la distinction entre l'épargne
nationale et l'investissement intérieur.
En effet, l'épargne n'est pas forcément
utilisée pour l'investissement intérieur. Elle peut être
investie à l'étranger. Dans le cas d'une mobilité parfaite
des capitaux, l'épargne de chaque pays se dirigera vers la partie du
monde qui offre le taux de rendement le plus élevé (Lucas, 1988).
D'où, une augmentation de l'épargne nationale se traduira
principalement par un fort excédent des paiements courants (ou par une
réduction de leur déficit) plutôt que par une augmentation
de l'investissement intérieur et de la croissance.
I-L'epargne et l'investissement dans l'économie :
les débats théoriques
Le point de vue que la causalité va de l'épargne
à l'investissement est compatible avec les modèles de croissance
classique et néoclassique, tandis que l'hypothèse que
l'investissement cause l'épargne est principalement associée
à la macroéconomie keynésienne.
I-1-L'épargne comme un préalable à
l'investissement
En macroéconomie classique, la croissance de la
production dépend d'abord et avant tout de l'investissement, qui
à son tour dépend du taux d'épargne. Dans ce cas,
l'interaction entre la demande et l'offre de fonds prétables
détermine le niveau d'investissement. La demande de fonds
prêtables ou la demande d'investissement est une fonction négative
du taux d'intérêt réel. L'offre de fonds prétables
ou l'épargne est une fonction positive du taux d'intérêt
réel. En conséquence, un déplacement vers la droite de la
fonction de demande d'investissement se traduira par une hausse des taux
d'investissement et une augmentation du niveau d'équilibre de
l`investissement et de l'épargne, dont l'ampleur dépend de la
sensibilité des taux d'intérêts de l'épargne.
Toutefois, l'investissement peut aussi augmenter en raison d'un
déplacement vers la droite de la courbe de l'épargne. Si la
courbe de la demande d'investissement est parfaitement inélastique
l'investissement est indépendant de l'épargne. Ainsi, pour les
(néo)classiques, l'épargne permet de financer les investissements
supplémentaires. L'ajustement entre l'épargne et l'investissement
s'explique par les effets conjugués de la loi des
débouchés de Say et par le jeu du taux d'intérêt.
Pour Turgot (1766) comme pour Smith (1776), l'épargne est
considérée comme automatiquement consacrée au financement
de l'investissement.
Hayek (1931) montre pour sa part comment une économie
peut parvenir à une structure de production plus capitalistique. La
solution pertinente est que « les consommateurs épargnent et
investissent une somme de monnaie ». Les gens seront
récompensés de leur effort d'épargne lorsque, au terme
d'un détour de production allongé, ils
bénéficieront d'un montant supplémentaire de biens de
consommation.
Plus récemment dans les théories de croissance
exogène, Solow (1956) montre que sous les hypothèses d'une
fonction de production à facteurs substituables et de flexibilité
des prix, l'économie converge vers un état stationnaire. Mais la
question qui se pose est de savoir comment dépasser cet état
stationnaire. Les solutions possibles sont l'augmentation de la
productivité du capital et l'augmentation de l'épargne
nécessaire à l'accroissement de
l'investissement. Cette dernière solution pose le
problème du montant d'épargne nécessaire pour un niveau de
vie optimal car une trop forte épargne risque d'entraîner une sous
consommation chronique et mettre fin à l'expansion.
En résumé, tous les modèles d'inspiration
(néo)classique concluent au rôle préalable de
l'épargne pour une croissance soutenue. Mais qu'en pensent les
modèles d'inspiration keynésienne ?
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