II-2-Le problème de la surliquidité du
système bancaire
Les systèmes bancaires de l'UEMOA ont connu à
partir du milieu des années 80 deux principales réformes : l'une
liée à la restructuration des établissements bancaires, et
l'autre au changement de politique monétaire. S'inscrivant dans un
contexte de libéralisation financière, ces réformes
avaient pour objectif de restaurer la liquidité des banques
sinistrées par la crise bancaire des années 1989 et de permettre
un meilleur financement de l'économie. Si le premier objectif a
été atteint, le deuxième à l'évidence reste
loin des ambitions des réformateurs. Un des effets de la
libéralisation financière a été de produire un
excès de liquidités du système bancaire. Ce
phénomène, apparu au milieu des années 1990, souligne
l'existence d'un problème d'adéquation entre l'offre et la
demande de crédit en Afrique subsaharienne.
Dans la zone UEMOA, la surliquidité du système
bancaire peut être observée à travers le niveau de ces
réserves excédentaires 16 . Ce qui permet
d'apprécier l'importance de la surliquidité constituée par
les banques (tableau 2), même si cela connait une baisse depuis 2005,
elle demeure non négligeable. Cependant, cette mesure néglige une
partie de la surliquidité que les banques pourraient conserver
elles-mémes. Si l'on retient dans le contexte de l'UEMOA, elle montre
sans conteste la surliquidité de son système bancaire.
16 Il s'agit des réserves
constituées par les banques dans les comptes de la BCEAO hormis les
réserves obligatoires.
Tableau 2 : Evolution des Réserves
Excédentaires (RE) de l'UEMOA
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
Année
R.E en milliards de FCFA
288 233 391 418 478 360 205
Source : Rapports Annuels de la Zone franc
2003-2006.
Les crédits accordés par les banques sont
effectivement inférieurs aux dépôts (131,4% en 2003) dans
l'ensemble des pays membres de l'UEMOA (tableau 3). Ce qui signifie qu'elles
ont globalement une préférence pour la liquidité.
Tableau 3 : Ratio dépôts /crédits
accordés aux pays de l'UEMOA (en %)
Année Benin Burkina Côte Mali Niger
Sénégal Togo UEMOA
Faso d'Ivoire
2002
|
172,9
|
120,1
|
100,5
|
123,4
|
125,9
|
123,8
|
139
|
109,5
|
2003
|
137,8
|
120,8
|
102,3
|
125,9
|
126,8
|
131,5
|
131,5
|
131,4
|
2004
|
138,9
|
116,7
|
102
|
122,4
|
131,3
|
135,5
|
129,4
|
109,3
|
Source : Construit par l'auteur à partir des
données de la BCEAO
Cependant, même si Éboué (1998) attribue
la surliquidité au manque d'opportunités d'investissement dans le
secteur privé et au comportement passif des banques, on peut retenir
quelques facteurs qui permettent d'expliquer cet état de fait : la
préférence pour les banques à financer le court terme et
la nature des dépôts auprès du système bancaire.
Les graphiques 1 et 2 permettent d'avoir une idée sur
la surliquidité bancaire de la zone. En effet le système bancaire
ne disposant que des dépôts majoritairement à vue, et dans
un environnement d'asymétrie information ne peut que se contenter du
financement des activités de court terme.
Graphique 1: Crédits à
l'économie ventilés selon leur durée initiale(en milliards
de FCFA)
Milliards de FCFA
4000
2000
6000
8000
0
Crédit a l'economie ventilée selon leur
durée
Années
crédit
crédit à court terme
crédit à moyen et long terme
Source : Construit par l'auteur à partir des
données de la BCEAO
Ainsi, de façon générale les banques de
la zone UEMOA manquent de capitaux de long terme. Ce qui fait qu'aujourd'hui
ces institutions éprouvent des difficultés à convertir
leurs liquidités en des projets risqués,
précisément le financement des activités du secteur
informel.
Graphique 2: Structure des dépôts
du secteur bancaire de la zone UEMOA (en milliards de FCFA).
Structure des dépots du secteur bancaire de la
zone UEMOA de 2006 à 2009
Milliards de FCFA
|
5000 4000 3000 2000 1000 0
|
|
Depot à vue Depot à terme
|
Années
Source : construit par l'auteur à partir des
données de la BCEAO
En plus de ces principales causes de la surliquidité
bancaire, on peut aussi noter l'afflux important des capitaux. En effet, le
système bancaire étant favorable au financement des entreprises
tournées vers l'extérieur, celles-ci se sont
développées et ont plus ou moins contribué à
l'augmentation de la liquidité d'ensemble de la zone à travers le
commerce extérieur et en fonction de l'environnement international
(cours des matières premières et cours des monnaies de cotation
de ces matières). En outre, les transferts des émigrés
constituent une part importante aussi des entrées de capitaux (environ
400 milliards en 2007 au Sénégal17).
En somme, il est évident que la surliquidité du
système bancaire de l'UEMOA constitue un obstacle important à
l'activité économique. Depuis 2003, son recyclage est
amorcé. Il est essentiellement imputable aux recours des États
à l'endettement interne à travers les émissions des bons
du trésor et d'emprunts obligataires. La question du financement des
entreprises, particulièrement les PME et du secteur agricole, reste donc
entière.
Pour les théories de la libéralisation
financière, le désengagement du gouvernement du
secteur financier permettra une concurrence accrue qui aura pour
conséquence l'harmonisation des
17 Source : UEMOA, 2009
taux d'intérêt, mais également la
réduction de la marge bancaire. Qu'en est-il de la zone UEMOA ?
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