3.4.2. Iatrogénies médicamenteuses chez la
femme enceinte
3.4.2.1. Risques pour la mère
Les modifications pharmacocinétiques induites par la
grossesse peuvent entraîner une baisse des concentrations sanguines de
certains médicaments. On peut ainsi assister au
déséquilibre d'un traitement médicamenteux
préalablement instauré chez la mère. Ce
déséquilibre, s'il aboutit à une reprise de la maladie de
fond, peut être préjudiciable à la mère, et par voie
de conséquence pour le futur enfant [94].
3.4.2.2. Risques pour le futur enfant
Le risque de toxicité médicamenteuse encouru par le
futur enfant dépend de la période de la grossesse correspondant
à l'exposition.
- Période préimplantatoire J0
-J12
C'est une période pendant laquelle l'oeuf, encore
formé de cellules indifférenciées et multipotentes, a peu
d'échanges avec l'organisme maternel : on parle de la «loi du tout
ou rien» qui se traduit par une absence d'effets toxiques pour l'oeuf ou
au contraire une fausse couche très précoce pouvant passer
inaperçue [19 ; 73 ; 89].
- Période embryonnaire
J13-J60
C'est la période d'organogenèse. La mise en
place des organes se déroule selon un calendrier très
précis. C'est la période où le risque
tératogène médicamenteux est plus élevé.
L'embryon est exposé à des malformations qui surviennent par des
mécanismes dits généraux ou particuliers [78].
Les mécanismes généraux peuvent
impliquer :
· une action au niveau des cellules foetales (actions sur
l'ADN, l'ARN messager, les ribosomes et le système enzymatique) ;
· une action chez la mère par modification du
métabolisme (glycémie, cholestérolémie, etc.) ;
· une action directe sur l'embryon par accumulation de
métabolite toxique. Les mécanismes particuliers font
intervenir des facteurs pouvant favoriser la survenue de
tératogenèse médicamenteuse parmi lesquels nous pouvons
retenir :
· les facteurs génétiques dont le rôle
tératogène a été mis en évidence chez
l'animal.
· les facteurs maternels :
> l'âge : le risque est plus élevé chez
les femmes d'âge inférieur à 16ans ou supérieur
à 35 ans,
> l'état nutritionnel ;
> le stress ;
> les maladies (diabète, épilepsie, HTA,
etc.).
- Période foetale (J 61-
Fin)
C'est une période de maturation et de croissance des
organes en place. Les effets délétères d'une exposition
médicamenteuse ne seront pas forcément visibles à la
naissance mais pourront être révélés plus
tardivement. Les anomalies qui vont résulter d'une exposition à
un agent tératogène à cette période seront plus
fonctionnelles qu'anatomiques [19 ; 73 ; 78 ; 89].
Les manifestations des atteintes sont fonction du système
affecté :
* Système nerveux central : syndrome gris
(chloramphénicol), syndrome de sevrage (benzodiazépines),
convulsions (théophylline, isoniazide), retard de développement
(antiépileptiques) ;
* Système cardiovasculaire : fermeture
prématurée du canal artériel (AINS), hémorragies
néonatales (barbituriques, anticoagulants oraux), bradycardie
(bêtabloquants) tachycardie (bêtastimulants) ;
* Système endocrinien : hypothyroïdie (lithium,
iode) ;
* Squelette : retard de développement (cyclines) ;
* Organes de sens : ototoxicité (aminosides).
- Période périnatale
Les effets observés sont dus à la rupture de
l'unité materno-placento-foetale au moment de l'accouchement et à
l'immaturité du système enzymatique du nouveau-né. On peut
observer [19 ; 73 ; 89] :
* une toxicité néonatale par accumulation :
hypotonie, sédation, troubles de la succion avec les
benzodiazépines ;
* un syndrome de sevrage à la naissance après
exposition prolongée aux benzodiazépines et aux opiacés
entre autres.
La figure 3 montre la nature du risque médicamenteux pour
le futur enfant en fonction de l'âge de la grossesse.
Figure 3 : Risques médicamenteux
pour le futur enfant en fonction de l'âge de la grossesse (D'après
ENNEZAT PV. 2005)
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