2.3. La scolarisation et le travail des enfants
Dans une dynamique d'urbanisation, les difficultés de
scolarisation et le travail des enfants sont deux facteurs inhérents aux
difficultés des familles au Sénégal. Ces
éléments sont aussi un élément de contexte à
prendre en compte lorsque l'on traite la question des enfants en situation de
rue.
Au Sénégal, avec près de deux tiers de la
population analphabète, la scolarisation est un enjeu important et un
vaste chantier. Si la situation s'améliore progressivement, il reste
encore de grandes disparités en ce qui concerne l'accès à
l'école et la poursuite des études. Les recherches et les
rapports institutionnels pointent en effet, plusieurs aspects. D'abord, le taux
de scolarisation sera différent suivant la localisation de la famille.
En effet, le taux de scolarisation est plus important en ville qu'à la
campagne. Cela est notamment dû à la proximité de
l'école, qui est un facteur déterminant, car pour les familles,
« le coût de déplacement est un facteur limitant de
l'accès à l'éducation »48. Ainsi,
d'après un rapport du BIT et de l'ANSD, « 80% des enfants
scolarisés dans l'enseignement primaire habitent à moins de 30
minutes de leurs établissements scolaires »49. Dans ce
même rapport, il est dit que la scolarisation est de 50,5% en milieu
rural et de 83,6% milieu urbain50. Un autre élément
discriminant est le sexe. En effet, les filles sont « soumises a une
surveillance parentale plus stricte, aux travaux domestiques quotidiens et aux
contraintes socioculturelles (mariages précoces) »51, et
sont donc moins poussées aux études que les garçons. Leur
accès à l'enseignement supérieur est lui aussi plus
limité que chez leurs homologues masculins. Tous ces facteurs sont
d'autant plus aggravant chez les familles les plus touchées par la
pauvreté. Par exemple, on observe que les filles issues de
ménages pauvres ont un accès encore plus limité à
l'éducation que chez les ménages aisés. Si la
scolarisation augmente de manière générale, le taux
d'abandon reste lui très important. « Près d'un enfant
âgé de 7 à 14 ans sur neuf (8,4%) a déjà
abandonné l'école »52. D'après
l'étude de l'ANSD, les deux principales causes de l'abandon sont
l'insertion précoce sur la marché du travail, et l'échec
scolaire.
47 Christine Oppong, les systèmes familiaux et la crise
économique, in Adepoju Aderanti (éd.), La famille africaine,
Paris, Karthala, 1999 p. 227 et 228
48 Cissé F., Daffé G., Diagne A., Les
inégalités dans l'accès à l'éducation au
Sénégal , Consortium pour la Recherche Economique et Sociale,
Universite Cheikh Anta Diop de Dakar, p. 114
49 BIT/ANSD, Enquête Nationale sur le Travail des Enfants
au Sénégal, Rapport national d'analyses, Dakar, Agence Nationale
de la Statistique et de la Démographie, 2007, p. 15
50 Ibid, p. 14
51 Cissé F., Daffé G., Diagne A., op cit,
p. 114
52 BIT/ANSD, op cit, p. 14
Le travail des enfants, en particulier les activités
domestiques, est intimement corrélé à la scolarisation.
« Près d'un tiers des enfants âgés de 10 à 14
ans ont entamé leur vie professionnelle »53. Les travaux
effectués sont de différents types. Il y a d'abord les
activités domestiques, qui permettent de libérer du temps aux
parents, afin qu'ils puissent se consacrer à des activités
rémunératrices. Mais ces travaux domestiques, qui touchent
surtout les filles, ont aussi une fonction de socialisation, pour
préparer les enfants à assumer leurs futures tâches
familiales. Ces aussi le cas des travaux effectués dans la domaine de
l'agriculture et de la pêche, qui ont aussi valeurs de transmission et de
socialisation. Les autres types de travaux sont le commerce, la restauration,
l'hôtellerie et enfin les manufactures. Là encore, des
disparités sont observables entre les campagnes et la ville, où
les enfants « courent 84,1% moins le risque de travailler
»54. Les enfants travaillent en moyenne trente heures par
semaine, mais les enfants dans les milieux urbains et les garçons,
effectuent le plus souvent des travaux de longue durée.
Ces deux phénomènes sont donc liés, et
les situations sont d'autant plus graves que les familles sont pauvres. Les
conditions économiques difficiles, les milieux familiaux instables et
parfois violents, entraînant ainsi des inégalités
d'accès à l'éducation et le travail précoce sont
les éléments les plus importants que nous souhaitions relever.
Dans beaucoup de situations, comme dans celles que nous étudions, ce
sont ces facteurs familiaux, sociaux, économiques et politiques qui
constituent un terreau défavorable aux enfants, et participent ainsi aux
conditions de départ des enfants dans la rue55.
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