Elle trouve quelques éléments de réponse
sur la carrière des enfants en situation de rue au
Sénégal. En s'intéressant aux raisons du départ du
milieu familial et aux conditions de vie dans la rue, quelques études
dévoilent ainsi en partie le parcours de ces enfants.
Un étude menée par le Samu Social du
Sénégal dans les rues de Dakar se penche en particulier
sur
ces étapes de la carrière des enfants. On distingue les
enfants qu' un certain nombre de causes va
80 Unicef, Banque Mondiale et BIT, op cit, p. 27
81 Unicef, Banque Mondiale et BIT, op cit, p. 27
82 Ibid, p. 28
pousser à la rue, et ceux que la rue va attirer
à elle. Dans le premier cas, les premiers facteurs sont la fragilisation
des liens familiaux. Les divorces et les familles recomposées, ou
l'arrivée d'une nouvelle femme pour le père dans le foyer sont
autant de facteurs qui peuvent contribuer à créer un climat
néfaste aux yeux de l'enfant. Une autre régularité mise en
évidence dans les cas présentés dans cette étude
est la répétition de fugues. Parfois de plus en plus longues, ces
dernières vont faire s'éloigner progressivement l'enfant de son
milieu familial d'origine, et ainsi le faire s'ancrer de plus en plus
durablement dans la rue. Ainsi, la découverte de la rue se fait
progressivement, jusqu'à ce qu'au terme d'un bilan (entre la rue et la
famille par exemple), elle lui apparaissent comme plus apte que le milieu
d'origine à répondre aux besoins de l'enfant, qu'ils soient
affectifs, matériels, identitaires, ou en terme de reconnaissance, etc.
Les migrations sont aussi un élément que l'on retrouve au travers
de l'histoire de ces enfants. Par exemple, les migrations familiales qui se
font pour des raisons économiques, pour fuir les sécheresses,
trouver du travail dans les villes, etc. Certains enfants proviennent de la
campagne. Leurs parents les auront placés chez un membre de la famille
en ville. C'est donc cette nouvelle situation que va rencontrer l'enfant qui va
progressivement le pousser à la rue. Par exemple, l'enfant peut se
retrouver être la personne à tout faire de la maison d'accueil.
Sur lui vont peser, plus que sur les autres enfants de la maison, certaines
charges, peut-être certaines violences, qu'il jugera injuste et ne va pas
supporter. Il en va de même pour les migrations des daaras saisonniers,
où les marabouts, accompagnés de leurs talibés, arrivent
en ville, soit de façon temporaire, soit avec la volonté de s'y
sédentariser. Mais « les récits des enfants mentionnent
pourtant moins la sécheresse des terres que la dureté des
relations familiales et les violences subies au sein du foyer
d'éducation (maison ou daara), comme motif décisif du
départ »83. Ces éléments vont donc jouer
en faveur de la création d'un contexte qui va pousser l'enfant dans la
rue. A leurs côtés, on peut parfois voir des
éléments qui vont attirer l'enfant vers la rue. Parmi ces
facteurs, on trouve les représentations que les enfants ont de la ville,
comme une aubaine, un lieu où la vie est facile. Ces
représentations, suggérant l'Eldorado que peut représenter
la ville pour l'enfant, viennent accentuer un milieu d'origine
déjà repoussant. Un deuxième facteur attrayant pour
l'enfant est la présence d'une ou plusieurs personnes, servant de
référence à l'enfant. Ainsi, l'accueil, l'initiation et
les récits de la rue de cette personne sont des éléments
qui constituent un avant-goût prometteur de la vie dans la rue, et vont y
attirer l'enfant. Voilà donc deux perspectives complémentaires
(facteurs poussant à la rue et attraits de la rue pour l'enfant) qu'il
nous faut tenir pour éclairer les trajectoires de ces enfants au moment
de leur arrivée.
Il nous faut aussi faire cas des talibés mendiants, qui
sont dans une situation particulière. Ils se
83 Fatou Dramé, Nàndité . Enquête sur
les enfants des rues à Dakar , Samusocial Sénégal - UNICEF
Sénégal ,Dakar , 2010, p. 65
retrouvent confiés au marabout très jeunes,
dans le but d'y apprendre le Coran et les valeurs de l'Islam. Dans la
majorités des cas, c'est un membre de la famille, souvent le
père, qui décide d'envoyer son fils dans un daara. Dans son
enquête, Human Right Watch constate que la moyenne d'âge
d'arrivée dans les daaras est de sept ans84. Les plus jeunes
n'ont parfois que trois ans. A cette âge, la rupture avec le milieu
familial les place alors en situation de dépendance vis à vis du
marabout. Ces enfants, en contact avec la rue, constituent donc des cas
d'arrivées forcées, de part leurs placements dans les daaras qui
leur imposera une présence dans la rue.