Section III - Les Fondations, garantes du bon
fonctionnement de la mission d'éducation
Les fondations ont été, depuis le début
de l'Ïuvre d'apostolat au Chili, un des outils utilisés par
l'institution, pour multiplier ses ressources, et pour aider à
développer ses actions dans l'éducation. La prélature ne
possede rien, comme elle ne cesse de l'affirmer, et les fondations ne sont
à personne, ce sont des initiatives totalement indépendantes de
groupes de personnes, qui demandent postérieurement à la
création de la fondation, une orientation spirituelle à l'Opus
Dei. L'idée est que les membres de l'Opus Dei, une fois formés
spirituellement, commencent à développer de maniére
spontanée des activités d'apostolat. Du moins, c'est ce que les
membres de l'Ïuvre prétendent.
Cela dit, on se rend compte que les fondations restent
extrêmement liées à l'Opus Dei. Elles ont toutes
été crées par des numéraires ou des
surnuméraires, et les membres de ses conseils de direction sont en
général exclusivement des membres de l'Ïuvre, même si
par exception, on peut y trouver un coopérateur trés proche de
l'institution.
§ I Ð Le financement de l'action
éducative
La majorité de ces fondations vise à initier et
à développer les tâches éducatives dans lesquelles
est engagée l'institution. Certaines ont pour but l'assistance aux plus
défavorisés, l'aide au travail éducatif dans les quartiers
pauvres, par exemple, et
d'autres possédent des terrains, des bâtiments,
etc, et servent de réservoirs de fonds aux institutions
éducatives.
Elles sont par essence conservatrices. En effet, les
fondations au Chili ont des statuts trés rigides, qui les
empêchent de changer de maniére substantielle leurs objectifs au
cours de leur existence, ce qui les préserve de modifications majeures
lors de changements de direction, par exemple. Elles sont donc les garantes de
la durée du travail d'apostolat dans le temps.
Comme ce sont toujours des entités à but non
lucratif, elles sont en grande partie exemptées d'impôts, et selon
la loi de donations culturelles, dite loi Valdés d'incitation à
l'art et à la culture25, les dons d'entreprises aux
fondations sont exemptés de 50% d'impôts.
Les plus évidentes de ces fondations sont les
associations d'amis créées avec chaque institution
éducative: il existe ainsi une association d'amis des colleges SEDUC et
une association d'amis de l'université Los Andes, par exemple.
L'association d'amis du college Tabancura, par exemple, publie
sur le site internet de l'écol e les actions qu'elle a menées
pendant l'année. En 2010, elle avait fourni une aide pour le financement
de l'infrastructure sportive du college, aidé au financement des travaux
bénévoles d'été, des éléves
engagés dans des compétitions d'athlétisme, avait
acheté du matériel de sport, aidé à l'achat de
cadeaux de no`l pour les professeurs, financé et crée l'annuaire
téléphonique du college, et aidé à rénover
certaines parties de l'école26.
En effet, bien que beaucoup dénoncent les apports
financiers et fiscaux de l'Etat à des ensembles pédagogiques
confessionnels, dans lesquels l'éducation est manifestement
utilisée pour répandre la foi, l'Etat chilien n'a jamais
cessé de soutenir économiquement ces institutions
éducatives, leur assignant des terrains, et fournissant des subventions
pour chaque éléve27. Le coüt mensuel par
éléve à l'université Los Andes est presque quatre
fois plus élevé que les subventions étatiques.
L'association d'amis, crée avec l'université, a maintenant trois
branches : l'association d'amis- pe rson nes , dirigée par Rafael
Valdés Guilisasti, l'association d'amis-entreprise, dont le
président est Ronald Brown Fernandéz, et l'association
d`amis-étudiants, avec à sa tête Ignacio Ruiz-Tagle Mena.
Par leur biais, les étudiants en médecine peuvent par exemple
effectuer leurs stages à l'hôpital paroissial de San Bernardo, et
dans des
25 Loi n° 18.985, de 1990, article 8.-modifiée par
les Lois n1/4 19.721, de 2001 y
n1/4 19.885, de 2003
26
www.tabancura.cl
27 SCHUFFENEGUER, Humberto Lagos, Chile y el mito del
estado laico, Icthus el Editor, 2005, p 55.
28
cliniques privées aux noms gardés secrets . En
plus de ces associations, qui drainent les dons parfois énormes
accordés à l'université, des sa naissance, le conseil de
direction a signé deux larges accords de coopération, l'un avec
l'Université Catholique de Santiago, et l'autre avec l'Université
de Navarre, qui appartient à l'Îuvre, tandis que les fondations
font le lien entre elles, grâce à un personnel commun, et
entretiennent la collaboration.
Les fondations proprement dites ont donc trés souvent
pour objectif l'éducation et la formation culturelle et morale des
personnes, sans but lucratif. Elles peuvent créer des
établissements éducatifs ou administrer ceux qui existent
déjà, créer ou gérer des résidences
étudiantes, des centres de formation culturelle, des moyens de
communication, des bibliothéques ou encore des laboratoires. La
fondation Alameda, par exemple, a démarré avec un capital de 53
millions 500 mille pesos, dont 500 millions investis par l'entrepreneur
numéraire Nicolás Hurtado Vickuña. Le reste a
été apporté par les autres actionnaires, tous membres de
l'Îuvre, dont l'ingénieur Enrique Bone Sato, qui fut le premier
directeur du conseil d'administration. Son statut du 7 décembre 1994
stipule que Ç sous l'inspiration chrétienne, la fondation a pour
fins de créer, organiser, et soutenir des établissements
éducatifs pour les enfants de familles à faibles revenus, par
elle-même ou en collaboration avec d'autres personnes naturelles ou
juridiques È29. La fondation est propriétaire de la
résidence Alameda, et de divers clubs de jeunesse. Si elle
s'éteint, tous ses biens seront liquidés et passés
à la fondation éducative Los Olmos, crée en 1976, par le
premier surnuméraire chilien, Eduardo Infante Rengifo, qui en fut
également le premier président. La fondation Los Olmos est
elle-même propriétaire de la résidence universitaire
Alborada et de la résidence La Cañada, à Concepci--n.
Quant à la fondation d'éducation et de
développement social Los Lagos, elle a été
créée sur un terrain donné par Alicia Fleishman de Silva,
une des femmes qui accueillit le premier prêtre de l'Ïuvre à
son arrivée au Chili. Depuis, la fondation, installée dans le
quartier Recoleta, de classes moyennes à défavorisées,
posséde El Salto, une polyclinique, qui soigne gratuitement les voisins
du secteur, et un centre d'appui à la famille, dans les mêmes
bâtiments, qui donne des cours aux femmes au foyer, pour les aider
à trouver un travail. La direction de la fondation a toujours
été entiérement féminine, comme celle de Fontanar,
une des plus anciennes fondations de
28 ESCOBAR, Jaime, Ç La puissance de l'Opus Dei È,
La situation de l'Eglise au Chili, DIAL Diffusion de l'information sur
l'Amérique Latine n°2567,16 juin 2002, p 7
29 MONCKEBERG, Maria Olivia, ouvrage précité,
p388.
l'Opus Dei, créée en 1965, quand la ligne
d'action de l'Ïuvre au niveau international était de revaloriser le
service à la personne et d'améliorer les qualifications du
personnel domestique30. Au commencement, la fondation s'appelait
L'Académie, et avait ses locaux sur la place Brazil, dans la zone pauvre
de la ville. Quand elle se transfére à Vickuña Mackenna
229, elle change de nom et devient Fontanar. C'est une fondation
d'éducation technique professionnelle, à but non lucratif, qui
vise à donner une formation académique, humaine et spirituelle au
personnel domestique. Son actuelle directrice est la numéraire Rosita
Errázuriz Ruiz-Tagle. Si une de ces deux fondations venait à
être dissoute, tous ses biens seraient également liquidés
et passeraient aux mains de la fondation chilienne pour la culture.
La fondation chilienne pour la culture est elle-même une
des premières initiatives liées à l'Opus Dei au Chili:
créée en 1957, son statut précise qu'elle a pour but de
faciliter l'éducation scientifique, culturelle, spirituelle, etc, de
toute personne, sans but lucratif. Elle recoit beaucoup de donations, et
centralise plusieurs types d'actions: elle posséde et dirige
l'école agricoles Las Garzas, dont nous parlerons plus bas, la maison de
retraite Antullanca, dans le quartier de La Dehesa, et est propriétaire
de plusieurs terrains à Santiago, et même de quelques locaux
commerciaux, dont deux laveries, dans le centre de la capitale. Son directeur
est un numéraire: Rodrigo Hoyl Moreno.
Ces fondations ne sont qu'un petit exemple, trés en
decà de la réalité. Elles sont extrêmement
nombreuses, et la plupart du temps dissimulées derrière des
sociétés anonymes. Leur action est primordiale dans le soutien
économique aux institutions éducatives de l'Opus Dei, et elle
explique en partie d'oü viennent les capitaux mis en Ïuvre par tous
ces établissements, au financement parfois trés obscur. En effet,
l'apport financier de l'Etat ou des collectivités territoriales reste
trés mineur, même si certaines municipalités comme celle de
Las Condes, un quartier riche de Santiago, est trés active dans son
soutien à ces établissements, sürement parce que le maire
Francisco de Maza est coopérateur de l'organisation. Le
précédent maire, Carlos Larra'n, faisait, lui, partie de l'Opus
Dei.
Les financements privés mis en Ïuvre sont donc
trés importants, et dans une grande partie, ne sont pas vraiment rendus
publics. Tony Adams, entrepreneur partenaire de la chambre industrielle
chilienne, confirme que les liens sont extrêmement forts entre l'Opus Dei
et la chambre31. Il ajoute même que donner de l'argent
à des fondations éducatives provoque chez les salariés une
bonne impression. En effet,
30 MONCKEBERG, Maria Olivia, ouvrage précité,
p395
31 SAID Marcela, L'Opus Dei, une croisade
silencieuse, documentaire, 2003
l'Îuvre recoit de l'argent de toutes sortes d'individus,
sans vraiment se demander s'il
32
s'agit d'argent propre, selon Marcela Sa ·d . Ricardo
Claro, par exemple, est un entrepreneur, principal actionnaire du groupe Claro,
qui posséde plusieurs journaux, une chaine de télévision
et plusieurs autres entreprises. Bien connu pour être un fervent
défenseur du Général Pinochet, il fut d'ailleurs un des
conseillers économiques du gouvernement sous la Dictature, et a eu des
liens établis avec la DINA, la police secrete du régime. Cet
homme aux actions trés controversées a fait de trés
importants dons à l'Opus Dei, qui les a acceptés alors même
que Ricardo Claro était accusé dans plusieurs affaires et en
cours de procés.
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