Partie I - Entretenir et renouveler l'organisation
Le plus important pour L'Opus Dei, c'est
précisément l'institution elle-même. Effectivement, le
premier but d'une organisation telle que la prélature personnelle est de
se maintenir, voire de grandir, de former ses adhérents, et d'en
convaincre d'autres. C'est pourquoi l'Opus Dei dirige en premier lieu ses
efforts vers l'éducation, indispensable dans un pays nouvellement
conquis, comme le Chili, pour faire conna»tre l'Îuvre de Dieu et
engendrer de nouvelles vocations. Non seulement donc, l'institution doit
s'occuper de ses fidéles, et leur assurer une éducation de
qualité tout au long de leur vie pour leur permettre d'accéder
à des postes de pouvoir, mais elle a également le devoir de se
préoccuper du renouvellement et de l'augmentation du nombre de ses
membres.
Chapitre I - Former les enfants de la grande famille de
l'Opus Dei
L'Opus Dei se veut certes une grande famille. Pourtant, quand
il s'agit de former ses membres, la meilleure éducation est impartie aux
enfants des numéraires et surnuméraires. En aucun cas elle ne
s'adresse aux numéraires auxiliaires ou aux agrégées, qui
ont droit à un traitement différent, de par leur statut social
inférieur. Les colleges SEDUC, l'université Los Andes,
financés par les Fondations, sont les outils qu'utilise l'Opus Dei pour
hisser ses membres vers les plus hauts échelons de la
société.
Section I - Accompagner et eduquer la progeniture de
l'organisation durant toute son enfance
Selon le fondateur de l'Opus Dei, San Josemar'a, l'%oge le plus
important pour tous est l'enfance, lui qui écrivait Ç Les
enfants n'ont rien à eux; tout est à leurs parentsÉet
ton
2
Pére sait toujours trés bien comment administrer
son patrimoineÈ. En effet, il est du devoir du Pére, entendu ici
comme le pére biologique mais aussi spirituel de l'enfant, de le guider
dans la vie et de lui enseigner ce qu'il sait. C'est pourquoi il est important
pour l'institution de diriger un certain nombre de ses activités vers
les enfants, pour que le plus tTMt possible dans leur vie ils commencent
à être formés aux principes de l'Îuvre.
2 ESCRIVA DE BALAGUER, Josemar'a, Le Chemin, Le Laurier,
maxime n°867
C'est la raison d'être des clubs de jeunesse et des
écoles corporatives de l'Opus Dei, assez nombreux au Chili.
§ I - Les clubs et associations pour enfants et
adolescents
Cours de guitare, de tennis, de golf, week-ends à la
montagne ou vacances à la mer, l'Opus Dei n'est jamais en mal
d'activités pour enfants, dirigées principalement vers ses
jeunes. L'intégralité des enfants de surnuméraires
chiliens, et ils sont légion, participent à ce genre
d'amusements. En effet, selon San José Maria, les enfants doivent vivre
des leur naissance entourés des valeurs chrétiennes chéres
à l'Opus Dei, et des leurs 3 ans, ils peu vent et doivent être
éduqués en partie par les prêtres de l'organisation, par le
biais d'activités ludiques.
L'idée, dans le fond, est toujours la même: la
personne, à tous les %oges de sa vie, doit être occupée et
son esprit concentré sur quelque chose de précis. Les jours et
les minutes sont comptés dans l'Opus Dei, et on n'est pas libre de son
temps. Selon l'Ïuvre fondatrice de l'institution, Ç Le Chemin
È de San Josemar'a Escriva de Balaguer, tout notre temps doit
être offert à Dieu. Ce n'est pas étonnant, alors, que ce
temps doive être valorisé au maximum, car il a pour but d'attirer
la gratitude de Dieu sur les activités humaines de chacun. Pour les
jeunes enfants de familles de surnuméraires, le choix le plus rationnel
pour leurs parents est donc de les laisser s'enrichir des valeurs
chrétiennes au contact de numéraires et surnuméraires de
l'Opus Dei qui consacrent leur temps à former de jeunes esprits. Pour
cela, étant donné que les enfants en bas %oge ne sont pas encore
occupés par l'école, l'Îuvre tente de remplir leurs
journées au moyen de ces clubs de jeunesse, répartis
stratégiquement dans un éventail trés large
d'activités et d'occupations diverses, toutes plus alléchantes
les unes que les autres. Au Chili, c'est Juan Cox Huneeus, numéraire de
la première heure, qui a été l'artisan de leur
création et de leur déploiement. Directeur du premier college
Opus Dei pour hommes, il a des son entrée dans l'organisation,
accordé beaucoup d'importance au développement de ces clubs de
jeunesse.
Au cours des entretiens menés, tous les membres de
l'Opus Dei interrogés ont déclaré avoir participé
à ce genre d'activités, en général durant une
trés longue période de leur enfance et adolescence, parfois par
intermittence. Tout est fait pour faciliter la fréquentation de ces
clubs par les enfants de surnuméraires: les horaires sont trés
larges, du lundi au samedi, tous les jours aprés l'école, et le
samedi toute la journée. Les groupes d'éléves dans chaque
classe sont trés réduits, et l'apprentissage en
général trés efficace. De plus, les
classes sont menées de maniére trés pédagogique, le
but étant que les enfants se divertissent tout en évoluant dans
un milieu religieux, sans trop le remarquer. Les professeurs, qui sont souvent
des prêtres de l'Îuvre ou des numé raires ou
surnuméraires spécialisés dans un domaine artistique ou
sportif, sont toujours trés proches des enfants, qu'ils connaissent
individuellement. Katixa Mellado, ex numéraire originaire de Santiago,
de mere surnuméraire et de pére catholique non membre, mais
tolérant envers leurs pratiques, déclare ainsi avoir
commencé à fréquenter ces clubs trés tTMt, vers ses
4 ans, emmenée par sa mere le week-end, avec ses 7 fréres et
sÏurs. Elle assistait à des cours de théâtre, et
surtout de guitare, passion qu'elle a conservé depuis, alors que sa
sÏur Nadia prenait des cours de danse qui lui ont ensuite permis d'entrer
au Théâtre Municipal de Santiago. < Dans les cours, le nombre
d'éléves était trés réduit, ce qui
permettait de vraiment progresser. Mes cinq amies de la classe de guitare ont
toutes continué à pratiquer au moins jusqu'à leurs 18ans.
Nous étions six, trés soudées, et notre professeur
était toujours la même. È3
Déclare-t-elle. De plus, dans un contexte de
généralisation progressive des séjours en vaca nces, les
jeunes qui fréquentent ces clubs sont toujours ravis de profiter des
occasions de week-ends à la mer ou à la montagne, des
séjours < dans le Sud È, (c'est à dire au Sud de
Santiago, dans la région comprise entre Talca et Puerto Montt,
région trés verte que les Chiliens apprécient tous
beaucoup, et qui est trés prisée pour les vacances
d'été). <Chaque année, je partais une semaine
prés de Pucon, dans le Sud, avec le club de Los Leones. J'adorais ces
séjours, oü nous vivions au milieu de la nature, et passions nos
journées à faire du sport, à visiter et à prier.
Comme je ne partais pas en vacances avec mes parents, c'était un grand
moment de dépaysement4 È dit Katixa. En effet, au
Chili, même les familles appartenant aux catégories sociales
aisées ne partent pas beaucoup en vacances, car les congés
payés sont de seulement trois semaines, et les semaines de travail, de
40h, au minimum, ce qui laisse moins de temps au loisir. <Bien
évidemment, rajoute Katixa, durant la journée, nous faisions des
priéres communes et assistions à des cercles de réflexion,
les mêmes qu'à Santiago5. È
Malgré cette ambiance bon enfant, Katixa avoue
s'être éloignée de ces clubs vers l'âge de 13-14 ans,
durant ce qu'elle appelle sa <période de rébellion contre Dieu
È. <Pendant quelques mois, je ne mettais plus les pieds à Los
Leones (la rue oü
3 Voir annexe n°1
4 Voir annexe n°1
5 Voir annexe n°1
était situé le club de jeunesse qu'elle
fréquentait, dans un quartier favorisé), pour montrer à
Dieu que je n'étais pas d'accord avec certaines choses; les mendiants
dans la rue, les chiens abandonnés, ca me faisait de la peine et
malgré les explications des prêtres, je ne parvenais pas à
l'accepter. De plus, j'étais fatiguée de voir les mêmes
gens semaine.È 6
et de faire les mêmes choses chaque Mais Katixa finissait
toujours par
revenir au club, attirée par ses amies, qui
continuaient à le fréquenter, et qui sont vite devenues ses
seules connaissances. En effet, les enfants de numéraires sont
encouragés à passer le plus de temps possible ensemble, et
généralement, les fidéles qui fréquentent la
même église, tous les jours pour la messe, se connaissent tous,
comme ceux qui assistent aux mêmes cercles de réflexion, ou aux
mêmes retraits spirituels. De plus, on déconseille fortement
à ces enfants de participer à d'autres fêtes que celles,
rares, organisées par un autre membre. Les anniversaires se
célébrent donc entre familles de l'Îuvre, et les enfants
invités à des anniversaires de camarades de classe n'appartenant
pas à l'organisation ont dans certaines familles peu de chances d'y
assister, ce qui n'aide certes pas à se créer un réseau de
connaissances en dehors de l'organisation. Les enfants de famille Opus Dei sont
donc souvent isolés entre eux, et quand, parfois, ils se retirent de
l'Îuvre, ils doivent entiérement créer leur nouveau
réseau social. Finalement, c'est un grand réseau qui tient lieu
de famille, renforcé par les diminutifs et surnoms que les membres se
donnent les uns aux autres. Il est en effet trés courant que les jeunes
aient un surnom au Chili. Généralement, les diminutifs
prévus pour chaque nom sont utilisés: << PanchoÈ
pour <<Francisco È, << NataÈ pour << Natalia
È, etc. Au Chili, c'est une pratique trés
généralisée. Mais au sein de l'Opus Dei, ces diminutifs
prennent un sens encore plus important, car l'accent est mis sur le
côté affectif des surnoms, sur la proximité qu'ils
apportent dans la relation entre les personnes. En effet, si d'ordinaire,
l'usage de ces surnoms se cantonne aux relations entre amis, la plupart du
temps à peu prés du même %oge, dans l'Îuvre, ce sont
les prêtres et d'une maniére générale tous les
éducateurs appartenant à l'organisation, qui emploient ces
surnoms des le début de leur relation avec l'enfant. Par la suite, plus
jamais ils ne sont appelés par leur nom complet, qui sonnerait
cérémonieux et distant, alors que l'usage du diminutif
para»t toujours affectueux, même en cas de réprimande.
Katixa s'est donc toujours appelée <<Kata
È, et raconte que, une fois sortie de l'Opus Dei, à ses 22 ans,
elle était surprise et même gênée que ses amis, au
début de leur relation, l'appellent par son nom complet. << Ca me
semblait bizarre, ce nom-là
6 Voir annexe n°1
n'était plus utilisé que par mes professeurs
d'université, et personne dans mon entourage ne m'appelaitjamais comme
caÉ È7
Tout le temps qu'elle a passé dans ces clubs de jeunes
lui a également donné des habitudes de comportement qui restent
plus tard ancrées, comme le veulent les responsables de
l'organisation.
Marcela Sa ·d, réalisatrice chilienne du
documentaire ÇL'Opus Dei, une croisade silencieuse È,
(2007) déclare durant notre entretien ÇOn nous dit que l'enfant
est libre de décider et qu'il ne pourra pas être numéraire
avant ses 18ans, mais dans la pratique, à ses 14 ans il vit
déjà comme un numéraire: il ne va plus aux fêtes et
va à la messe tous les jou rs. C'est légal, à leurs 13
ans, de leur laver le cerveau ainsi ? È8. Elle montre dans
son documentaire une scene filmée dans un de ces clubs de petites
filles, et raconte qu'elle a mis un an à obtenir l'autorisation de
filmer cette scene. Toutes ces recherches pour le documentaire lui ont pris
cinq ans, car il a été trés difficile pour elle
d'accéder à l'intérieur des bâtiments de l'Opus Dei
et à nouer tous les contacts nécessaires, car les membres de
l'Îuvre étaient, à juste titre, trés prudents.
Durant la séquence filmée, hors champs, trois membres du
clergé de l'organisation surveillent la scene et font attention à
ce que disent les six petites filles, de 8 à 10 ans. Elles racontent
qu'elles ont des cours de valeurs humaines, une fois par semaine, qui ne durent
qu'une demi-heure pour ne pas ennuyer les enfants, et qui sont faits par un
prêtre. Elles affirment prier tous les soirs, et Marcela Sa ·d
leur demande pourquoi. Elles répondent prier pour les âmes au
Purgatoire, pour que la loi du divorce, à ce moment là en
discussion soit refusée par le Parlement, pour que tout le monde se
convertisse, ou encore pour qu'il y ait plus de vocations pour être
ordonné prêtre de l'Opus Dei.
Katixa Mellado confirme, elle, que la totalité des
fillettes avec qui elle jouait dans le club de Los Leones, sont maintenant
membres de l'Ïuvre, ou l'ont été à un moment. Il est
clair, d'ailleurs, que les jeunes recrues numéraires viennent à
90% de familles surnuméraires, qui confient leurs enfants à ces
clubs de maniére toute naturelle, et en toute confiance.
Katixa, elle, est finalement entrée dans l'organisation
à 16 ans et demi, comme numéraire. C'est l'âge minimum pour
intégrer l'Ïuvre, sachant que pendant un an et demi, les jeunes ne
sont pas à proprement parler numéraires, et, en régle
générale, ils ne vivent pas encore dans les maisons de l'Opus
Dei, mais y arrivent le matin avant 7h, heure de la messe, et en partent le
soir aprés le repas.
7 Voir annexe n° 1
8 Voir annexe n° 2
Cet encadrement moral et spirituel ressort de manière
générale dans l'attitude des adultes qui s'occupent de ces clubs
et associations. Ils se comportent de manière presque paternelle, mais
sans cesser de tenir des discours sur les valeurs morales, telles que ne pas
nuire à son prochain, ne pas tricher, ne pas tromper, partager ce qu'on
a. Petit à petit, les enfants s'habituent à entendre ce type de
discours, et les répètent eux-mêmes ensuite. Ces propos se
retrouvent chez tous les membres de l'Opus Dei sans aucune exception, qui ont
été conditionnés au plus jeune âge, et continuent
dans les collèges et écoles de l'organisation.
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