INTRODUCTION
Au Chili, meme emprisonnes dans la galerie effondree dÕune
mine de cuivre pres de Copiapo, dans le Nord du pays, les trente -trois mineurs
ont pu lire Ç Le Chemin È, lÕÏuvre majeure de San
Jose Maria Escriva de Balaguer, le fondateur de lÕOpus Dei. Il a fallu
moins dÕun mois pour que les travailleurs, pieges depuis le 7 août
2010 à presque 700 metres de profondeur, regoivent le recueil de pensees
du Pere de la prelature, sans lÕavoir jamais demandé.
Ce fait divers illustre bien, parmi dÕautres, la puissance
de lÕOpus Dei dans ce pays du Sud de lÕAmerique Latine, à
ecrasante majorité catholique.
En effet, selon une enquete1 dirigee par le Centre
dÕEtudes Publiques du Chili en 2001, 72% de Chiliens seraient
catholiques, alors quÕil nÕy a que 15% de protestants, le reste
de la population se partageant entre certaines croyances traditionnelles,
juda ·sme et quelques agnostiques, qui restent extremement
minoritaires.
LÕOpus Dei, qui se traduit par Ç Îuvre de
Dieu È, est un mouvement religieux minoritaire rattaché à
lÕEglise Catholique, fondé en 1928 par le pare Josemar'a Escriva
de Balaguer, en Espagne. LÕinstitution appelle les croyants à
rencontrer Dieu, non pas en masse mais un par un et individuellement, et
à se sanctifier au milieu de la vie ordinaire quÕils manent.
Selon lÕÎuvre, chaque individu peut donc devenir saint dans le
cadre de ses activités professionnelles, sociales et familiales, et doit
lutter contre tout ce qui ne correspond pas aux valeurs de
lÕEvangile.
Erigée en prélature personnelle par le Pape
Jean-Paul II en 1982, lÕÎuvre est aujourdÕhui
présente sur les cinq continents. Ce statut de Ç prélature
personnelle » a été aménagé exceptionnellement
pour lÕOpus Dei, qui, comme on ne peut limiter géographiquement
lÕinstitution, ne rentrait pas dans les critares antérieurs de
« dioceses È. DÕailleurs, les fidèles
de la prélature personnelle de lÕÎuvre continuent à
appartenir à leurs propres dioceses.
Cette institution a pour but de promouvoir la vie
chrétienne et la t%oche évangélisatrice dÕune
manière complémentaire à celle des dioceses. Elle est par
ailleurs structurée de manière similaire, avec un prélat
à sa tate et un gouvernement de vicaires régionaux, nommés
par le prélat dans chaque pays où est implanté
lÕOpus Dei.
LÕÎuvre compte environ 86 000 fidèles
à travers le monde, dont 48 700 en Europe, 29 400 dans les
Amériques, 4 700 en Asie et Océanie et 1 600 en Afrique. La
1 LEHMAN, Carla, Ç Chile, un pais cat--lico ?
È, Centro de estudios poeblicos, Puntos de referencia, novembre
2001, n249
répartition est à peu prés
équilibrée entre hommes et femmes. Parmi les membres,
1 900 sont des prêtres, donc environ 2% de l'institution,
le reste se répartissant entre surnuméraires (à peu
prés 70% de l'ensemble des fidéles), hommes et femmes
mariés pour qui la sanctification des devoirs familiaux est une partie
primordiale de leur vie chrétienne, numéraires, qui se consacrent
entiérement à l'apostolat, et numéraires auxiliaires,
uniquement des femmes, responsables des travaux domestiques dans l'institution.
Les membres de ces deux derniéres catégories font vÏu
d'obéissance, de pauvreté (ils donnent l'ensemble de leurs
revenus à l'institution, ne conservant que le strict nécessaire),
et de chasteté (ils vivent sauf exception dans des maisons de l'Opus
Dei, pour hommes ou pour femmes). Certains numéraires, pour des raisons
bien spécifiques (parent malade, travail exceptionnellement prenant qui
nécessite d'habiter sur place, etc.) obtiennent une dérogation
pour habiter en dehors de ces centres. Ce sont les agrégés.
On donne de multiples surnoms à l'Îuvre. Entre
autres, Ç la Mafia blanche È, Ç l'arme du Pape È ou
encore Ç la franc-maconnerie blanche È, malgré les
protestations véhémentes de l'institution, qui ne supporte pas
d'être vue de maniére négative alors qu'elle s'efforce
justement d'acquérir une bonne image internationale. Un pas trés
important dans ce sens a été franchi le 17 mai 1992, jour de la
béatification par le Pape Jean Paul II de San José maria Escriva
de Balaguer, pour la guérison d'une carmélite en 1976, et le 6
octobre 2002, il a été canonisé en grande pompe, devant
une foule de plusieurs milliers de personnes.
L'action de l'Opus Dei dans le milieu éducatif est
trés importante, dans le monde entier. En effet, l'Îuvre dirige
150 écoles de formation professionnelle, 200 résidences
universitaires et 5 universités, sur tous les continents.
De son vivant, des 1946, San Josemar'a s'installe à Rome
pour préparer l'établissement de l'Opus Dei dans d'autres pays
d`Europe et du Monde. Aprés l'Italie, le Portugal et la Grande Bretagne
cette même année, la France et l'Irlande l'année suivante
et en 1950 les Etats Unis et le Mexique en 1949, le Chili est le premier pays
d'Amérique du Sud à recevoir des missionnaires de l'institution,
en 1950. Des son arrivée à Santiago, le prêtre don Adolfo
Rodr'guez Vidal, envoyé par le Fondateur, commence immédiatement
l'Ïuvre apostolique dans le pays, considéré comme une des
terres nouvelles à convertir. Il fut accueilli par le cardinal Josemar'a
Caro Rodr'guez, et vécut sous son toit durant le premier mois
aprés son arrivée, avant de s'installer dans ce qui allait
être la première maison de l'Opus Dei au Chili, et qui
était
alors une résidence universitaire. Le prêtre,
professeur, commenca trés vite à donner des cours dans
différents établissements, réalisant grâce à
cette occupation un important travail d'apostolat. Rapidement, les
premières vocations virent le jour à Santiago, et des 1953, la
prélature chilienne accueillit les premières femmes. Depuis,
l'institution n'a cessé de s'étendre au Chili, dans tout le pays,
et dans tous les domaines, créant de plus en plus de vocations.
Il est aujourd'hui trés difficile de déterminer le
nombre de fidéles de l'Opus Dei au Chili, car la plupart des membres
gardent une prudente réserve sur leur appartenance au mouvement, mais on
peut affirmer sans aucun doute que leur présence n'a fait qu'augmenter
de maniére exponentielle durant ces soixante derniéres
années, dépassant de loin les 2500 membres annoncés par
l'organisation au début des années 1990. Les maisons de
l'institution se sont multipliées elles aussi, et même si on ne
peut accéder à une liste complete, du fait du secret qui entoure
certaines de ces résidences, on peut du moins affirmer qu'elles sont
maintenant réparties dans toute la partie centrale du pays, de La
Serena, au Nord, à Puerto Montt, au Sud.
Par ailleurs, beaucoup d'établissements éducatifs
ont été crées. Colleges, lycées, écoles
techniques, résidences étudiantes, et une université ont
été construits par l'Opus Dei, majoritairement à Santiago
mais également à Viña del mar, à Concepci--n ou
encore à La Serena, et jouissent tous d'un presque incroyable
succés.
La réussite de l'Opus Dei dans l'éducation au Chili
ne peut s'expliquer sans un examen approfondi du systéme éducatif
du pays. Effectivement, ce pays, sorti il y a seulement vingt-deux ans de la
Dictature du général Augusto Pinochet, n'a toujours pas de
systéme éducatif efficace. La distinction public/privé est
trés forte, et rares sont les établissements publics qui
obtiennent de bons résultats aux concours nationaux. Les professeurs
n'étant pas nommés par l'Etat mais candidatant eux-mêmes de
maniére libre dans les structures éducatives de leur choix, les
écoles privées rassemblent bien évidemment tous les
meilleurs professeurs, les plus motivés, qui auront également
affaire aux meilleurs éléves, d'un niveau social relativement
élevé. Par ailleurs, les problémes d'infrastructure sont
légion, et beaucoup d'établissements sont réellement
délabrés, alors que l'Opus Dei s'attache à construire des
bâtiments flambant neufs, et fournissent un accés à la
toute derniére technologie.
Nous n'étudierons pas ici l'organisation de l'Opus Dei en
tant qu'institution au sens global, mais seulement du point de vue de
l'éducation, et des valeurs et principes que l'Îuvre cherche
à transmettre à la société. Le but n'est pas de
critiquer l'institution,
mais d'examiner le rTMle qu'elle joue dans l'éducation au
Chili. Le mot éducation est pris au sens large en tant que formation de
l'individu. Il englobe la formation scolaire primaire, secondaire et
également supérieure, mais aussi la formation continue des
adultes, les clubs de jeunesse o u encore les séminaires, et cours
organisés pour les entreprises. L'éducation ne peut en effet se
restreindre à l'apprentissage de connaissances purement scolaires. Elle
englobe également toutes les normes culturelles et les valeurs morales
que l'élève, au cours de n'importe laquelle des formations qu'il
recoit, intègre de manière explicite ou implicite, et qui forme
un corpus culturel indissociable de l'individu.
L'Îuvre agit chez l'individu aussi bien au niveau des
connaissances scolaires que de la formation mentale et culturelle de son
public. En un petit peu plus de cinquante ans, l'Opus Dei a réussi
à être reconnue dans le milieu pour l'excellence des formations
fournies, autant au niveau primaire et secondaire que dans l'éducation
supérieure. Comment peut-on expliquer cette réussite
éclair, qui a hissé les établissements de l'Îuvre,
écoles techniques, collèges ou encore universités, en haut
des classements nationaux? Et comment se fait-il que tant de gens, pour leur
formation personnelle ou pour celle de leurs enfants, adhèrent à
cette proposition d'éducation, malgré les traits
caractéristiques qu'elle présente et les valeurs qu'elle affirme
? En effet, souvent sans adhérer au mouvement religieux lui-même,
les individus décident d'accorder leur confiance à ces
établissements confessionnels, comme un investissement pour l'avenir.
On observe que l'institution poursuit deux buts principaux: Le
premier est d'entretenir et de renouveler l'organisation elle-même, en
formant les enfants de la grande famille de l'Opus Dei selon ses propres
valeurs, et en travaillant, par le biais de ses différents
établissements éducatifs, à sa mission apostolique, qui
vise à recruter de nouveaux membres. La deuxième mission que
poursuit l'Îuvre par le biais de ses activités éducatives
est la diffusion dans toute la société des valeurs de San
Josemar'a Escriva de Balaguer, en investissant des champs très divers de
l'éducation et de la formation de l'individu. Ces stratégies
permettent à l'organisation de s'adresser à un public très
large et de réaliser un constant travail d'apostolat.
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