Section III - Maintenir la réputation de l'Opus
Dei
C'est dans son attitude envers les comportements qu'elle
réprouve que l'organisation recoit le plus de critiques. Les normes de
comportement sont strictes, l'Îuvre cherchant à imposer à
ses membres et à toute la société des valeurs
extérieures.
§ I - Des normes de comportement très
rigoureuses dans l'éducation supérieure
Dans tous les établissements éducatifs de
l'Îuvre, les mécanismes se ressemblent fortement, et la pression
subie par tous les élèves, concernant le comportement à
adopter, les valeurs à respecter, est la même partout.
Mais à l'université Los Andes, les
éléves, qui ont tous plus de 18 ans, disent être
surveillés comme dans une école catholique trés stricte,
et traités comme des enfants en bas %oge114. En effet, le but
n'est pas, contrairement à ce qu'affirmait San Josemar'a dans ses
écrits, de conquérir sa liberté en acquérant des
connaissances. Au contraire, les étudiants de Los Andes recoivent un
enseignement formaté, délimité par les valeurs de
l'Îuvre, et auquel ils doivent
se soumettre.
Maria Elena Larra'n, psychologue à Los Andes, confesse
qu'elle était il y a encore quelques années pleine de
préjugés envers l'Opus Dei, alors même qu'elle travaillait
déjà à l'université. N'ayant pas recu de formation
catholique à l'école, elle désapprouvait par avance le
rTMle que jouait l'Îuvre dans l'éducation. D'ailleurs, quand sa
fille postula à l'université Los Andes pour la première
fois, celle-ci fut refusée, en partie à cause des
préjugés de sa mere. Acceptée l'année suivante, la
fille a par la suite incité la mere à se renseigner plus avant
sur l'organisation, et, aprés quelques cercles de réflexion et
retraits spirituels en leur compagnie, Mar'a Elena Larra'n demanda son
114 MONCKEBERG, Maria Olivia, ouvrage précité, p
549
intégration comme surnuméraire, en 1994. Depuis
son entrée à l'Opus Dei, elle déclare avoir changé
sa maniére de travailler. Elle s'intéresse maintenant
également à la psychologie, à l'anthropologie. Mar'a Elena
Larra'n défend maintenant activement la séparation des sexes
à l'école. Selon elle, ca n'a rien à voir avec le
cliché de la contamination sexuelle, trop répandu. Mais la
volonté de l'organisation de donner à chacun une éducation
spécialisée selon sa nature profonde et selon son rythme est
115
selon elle, tr és louable, car les filles murissent plus
tTMt .
Mme Larra'n est un parfait exemple de l'efficacité du
systéme normatif de l'Îuvre, qui choisit fréquemment de
passer par les enfants pour influencer les parents. En quelques années,
ce professeur a totalement changé sa vision de l'organisation, et en est
devenue une des grandes promotrices. Elle ajoute parfaitement comprendre le
refus de sa fille la première fois qu'elle avait candidaté, car
il serait pénible pour l'Opus Dei de subir un groupe de parents
d'éléves qui critiquent constamment l'organisation. C'est
pourtant une des caractéristiques des universités d'être
des lieux de débat et de liberté de parole.
Elle nous parle également de la propreté. En
effet, c'est une valeur clé pour l'Îuvre, et à
l'université Los Andes, chaque bâtiment a une ma»tresse de
maison, qui a pour tâche d'éduquer les éléves sur le
maintien de la propreté des salles de cours.
Rien de plus louable, en effet, et d'ailleurs, les
éléves parlent en général des excellentes
installations, de la propreté des locaux, de la bibliothéque
incroyablement bien fournie, mais toutes leurs critiques portent sur les normes
de comportement.
Alors que l'infrastructure et l'aspect académique sont
trés positivement percus, les exagérations sur les
maniéres de s'habiller, le manque d'organisations étudiantes et
de possibilité de s'exprimer sont trés mal vus. Tous les
éléves qui critiquent l'université ainsi ont d'ailleurs
exprimé lors de l'enquête leur souhait de rester anonymes.
Concernant la maniére de s'habiller, par exemple, on ne
peut que constater les restrictions imposées par l'organisation à
l'université, qu'elles soient avouées ou cachées. Les
uniformes des étudiantes en médecine font par exemple l'objet
d'une grande préoccupation, surtout quand elles vont travailler à
l'hTMpital San Bernardo, car elles doivent refléter une image absolument
parfaite de l'Opus Dei. Leurs uniformes doivent donc couvrir les genoux, et
remonter jusqu'au cou, fermés en col rond, avec des collants couleur
chair et pas plus foncés, des chaussures sans aucune
décoration
115MONCKEBERG, Maria Olivia, ouvrage
précité, p 538
et bien sür sans talons. Une heure et demi de cours est
consacrée à la révision des uniformes en début
d'année, pour dissuader toutes fantaisies.
Consuelo L--pez nous confie par ailleurs qu'un jour, à
la fin du cours, leur professeur leur conseille, malgré la chaleur, de
bien veiller à ne pas porter de décolletés, ni de hauts
trop transparents, et de ne pas laisser voir leurs débardeurs car elles
avaient théologie juste après, et que leur professeur éta
prêtre 116
cours
de it un .
En effet, ce n'est qu'en 1993 que les femmes de l'Îuvre
ont obtenu l'autorisation de porter des pantalons. Aujourd'hui, les
surnuméraires qui envoient leurs enfants à une école de
l'Opus Dei les découragent toujours de porter des jupes courtes, des
blouses transparentes ou encore trop de maquillage. L'apprentissage, en effet,
ne se limite pas aux salles de classe. Les enfants répercutent ensuite
dans leurs familles les normes acquises et intériorisées, bien
que beaucoup s'en plaignent.
Effectivement, tous les étudiants avec qui nous nous
sommes entretenus, qui n'appartiennent pas à l'Opus Dei, s'accordent
à dire que quelque chose ne va pas dans l'université, une
ambiance étrange, en lien avec l'omniprésence de la religion et
de ces thèmes conservateurs, récurrents.
La constance des encouragements des professeurs, membres du
clergé ou de l'équipe de direction pour visionner des
vidéos de la vie de Msg Escriva, pour participer aux travaux
bénévoles d'été, ou encore pour assister à
un cercle de réflexion leur donne un sentiment de malaise persistant.
Ç Il y a tout le temps des invitations, dit Consuelo L--pez, mais
à côté, dès que l'on prend le risque, car c'en est
un, de porter une jupe plus courte ou un short, on ne peut éviter le
regard réprobateur des professeurs117. È
Ce témoignage concorde avec l'atmosphère
générale qui règne dans les établissements de
l'Îuvre. Par exemple, les membres de l'organisation vouvoient toujours
les personnes extérieures à l'Îuvre. Ainsi nous
étions nous-mêmes toujours vouvoyés, même dans une
conversation avec une personne du même %oge, et de même condition.
C'est ce qui se passe à l'université Los Andes. Les
étudiants membres de l'Îuvre vouvoient leurs camarades, ce qui
établit rapidement une sorte de distance entre eux. En
général, les classes sont rapidement plus ou moins
divisées entre membres de l'organisation et non membres, avec des
exceptions quand les numéraires lient des amitiés qui servent
leurs activités d'apostolat.
116 Voir annexe n° 5
117 Voir annexe n° 5
De même, chaque élève a un conseiller
personnel, qui est lÕéquivalent universitaire des tuteurs des
écoles. Ceux-ci les aident sÕils rencontrent un probleme
pratique, administratif ou pédagogique. Ils sont responsables de petits
groupes, avec qui ils organisent des petites reunions, et sont quasiment
systématiquement des numéraires ou des surnuméraires. Pour
Consuelo L--pez, cÕest une femme, très gentille, qui leur parle
souvent des valeurs chrétiennes, et de toutes sortes de sujets
dÕéthique et de pédagogie, puisque cÕest ce que
Consuelo et ses camarades étudient, et elle lÕappelle même
chez elle pour lui demander comment elle va quand elle est absente. Mais
Consuelo nous dit cependant ne pas aimer dire quoi que ce soit qui aille
à lÕencontre de ce que la conseillere affirme, dans le domaine
des valeurs, etc, car elle nÕa pas envie dÕavoir des
différends avec elle. Elle se contente donc dÕacquiescer et de se
taire.
Par ailleurs, comme tous les numéraires, la
conseillère de Consuelo répete à lÕenvie des
phrases du Chemin, quÕelle sait par cÏur, comme tous les
membres de lÕOpus Dei, mais qui ne trouvent aucun echo chez son groupe
dÕétudiants.
Effectivement, tout est fait pour que les étudiants
intériorisent les normes de comportement cheres à
lÕÎuvre, et les reproduisent ensuite dans leur entourage et dans
leur vie professionnelle.
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