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L'Opus Déi et l'éducation au Chili

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par Mathilde Nicolai
Institut d'études politiques Aix en Provence - Diplôme de sciences politiques 2010
  

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Section III - Maintenir la réputation de l'Opus Dei

C'est dans son attitude envers les comportements qu'elle réprouve que l'organisation recoit le plus de critiques. Les normes de comportement sont strictes, l'Îuvre cherchant à imposer à ses membres et à toute la société des valeurs extérieures.

§ I - Des normes de comportement très rigoureuses dans l'éducation supérieure

Dans tous les établissements éducatifs de l'Îuvre, les mécanismes se ressemblent fortement, et la pression subie par tous les élèves, concernant le comportement à adopter, les valeurs à respecter, est la même partout.

Mais à l'université Los Andes, les éléves, qui ont tous plus de 18 ans, disent être surveillés comme dans une école catholique trés stricte, et traités comme des enfants en bas %oge114. En effet, le but n'est pas, contrairement à ce qu'affirmait San Josemar'a dans ses écrits, de conquérir sa liberté en acquérant des connaissances. Au contraire, les étudiants de Los Andes recoivent un enseignement formaté, délimité par les valeurs de l'Îuvre, et auquel ils doivent

se soumettre.

Maria Elena Larra'n, psychologue à Los Andes, confesse qu'elle était il y a encore quelques années pleine de préjugés envers l'Opus Dei, alors même qu'elle travaillait déjà à l'université. N'ayant pas recu de formation catholique à l'école, elle désapprouvait par avance le rTMle que jouait l'Îuvre dans l'éducation. D'ailleurs, quand sa fille postula à l'université Los Andes pour la première fois, celle-ci fut refusée, en partie à cause des préjugés de sa mere. Acceptée l'année suivante, la fille a par la suite incité la mere à se renseigner plus avant sur l'organisation, et, aprés quelques cercles de réflexion et retraits spirituels en leur compagnie, Mar'a Elena Larra'n demanda son

114 MONCKEBERG, Maria Olivia, ouvrage précité, p 549

intégration comme surnuméraire, en 1994. Depuis son entrée à l'Opus Dei, elle déclare avoir changé sa maniére de travailler. Elle s'intéresse maintenant également à la psychologie, à l'anthropologie. Mar'a Elena Larra'n défend maintenant activement la séparation des sexes à l'école. Selon elle, ca n'a rien à voir avec le cliché de la contamination sexuelle, trop répandu. Mais la volonté de l'organisation de donner à chacun une éducation spécialisée selon sa nature profonde et selon son rythme est

115

selon elle, tr és louable, car les filles murissent plus tTMt .

Mme Larra'n est un parfait exemple de l'efficacité du systéme normatif de l'Îuvre, qui choisit fréquemment de passer par les enfants pour influencer les parents. En quelques années, ce professeur a totalement changé sa vision de l'organisation, et en est devenue une des grandes promotrices. Elle ajoute parfaitement comprendre le refus de sa fille la première fois qu'elle avait candidaté, car il serait pénible pour l'Opus Dei de subir un groupe de parents d'éléves qui critiquent constamment l'organisation. C'est pourtant une des caractéristiques des universités d'être des lieux de débat et de liberté de parole.

Elle nous parle également de la propreté. En effet, c'est une valeur clé pour l'Îuvre, et à l'université Los Andes, chaque bâtiment a une ma»tresse de maison, qui a pour tâche d'éduquer les éléves sur le maintien de la propreté des salles de cours.

Rien de plus louable, en effet, et d'ailleurs, les éléves parlent en général des excellentes installations, de la propreté des locaux, de la bibliothéque incroyablement bien fournie, mais toutes leurs critiques portent sur les normes de comportement.

Alors que l'infrastructure et l'aspect académique sont trés positivement percus, les exagérations sur les maniéres de s'habiller, le manque d'organisations étudiantes et de possibilité de s'exprimer sont trés mal vus. Tous les éléves qui critiquent l'université ainsi ont d'ailleurs exprimé lors de l'enquête leur souhait de rester anonymes.

Concernant la maniére de s'habiller, par exemple, on ne peut que constater les restrictions imposées par l'organisation à l'université, qu'elles soient avouées ou cachées. Les uniformes des étudiantes en médecine font par exemple l'objet d'une grande préoccupation, surtout quand elles vont travailler à l'hTMpital San Bernardo, car elles doivent refléter une image absolument parfaite de l'Opus Dei. Leurs uniformes doivent donc couvrir les genoux, et remonter jusqu'au cou, fermés en col rond, avec des collants couleur chair et pas plus foncés, des chaussures sans aucune décoration

115MONCKEBERG, Maria Olivia, ouvrage précité, p 538

et bien sür sans talons. Une heure et demi de cours est consacrée à la révision des uniformes en début d'année, pour dissuader toutes fantaisies.

Consuelo L--pez nous confie par ailleurs qu'un jour, à la fin du cours, leur professeur leur conseille, malgré la chaleur, de bien veiller à ne pas porter de décolletés, ni de hauts trop transparents, et de ne pas laisser voir leurs débardeurs car elles avaient théologie juste après, et que leur professeur éta prêtre 116

cours

de it un .

En effet, ce n'est qu'en 1993 que les femmes de l'Îuvre ont obtenu l'autorisation de porter des pantalons. Aujourd'hui, les surnuméraires qui envoient leurs enfants à une école de l'Opus Dei les découragent toujours de porter des jupes courtes, des blouses transparentes ou encore trop de maquillage. L'apprentissage, en effet, ne se limite pas aux salles de classe. Les enfants répercutent ensuite dans leurs familles les normes acquises et intériorisées, bien que beaucoup s'en plaignent.

Effectivement, tous les étudiants avec qui nous nous sommes entretenus, qui n'appartiennent pas à l'Opus Dei, s'accordent à dire que quelque chose ne va pas dans l'université, une ambiance étrange, en lien avec l'omniprésence de la religion et de ces thèmes conservateurs, récurrents.

La constance des encouragements des professeurs, membres du clergé ou de l'équipe de direction pour visionner des vidéos de la vie de Msg Escriva, pour participer aux travaux bénévoles d'été, ou encore pour assister à un cercle de réflexion leur donne un sentiment de malaise persistant. Ç Il y a tout le temps des invitations, dit Consuelo L--pez, mais à côté, dès que l'on prend le risque, car c'en est un, de porter une jupe plus courte ou un short, on ne peut éviter le regard réprobateur des professeurs117. È

Ce témoignage concorde avec l'atmosphère générale qui règne dans les établissements de l'Îuvre. Par exemple, les membres de l'organisation vouvoient toujours les personnes extérieures à l'Îuvre. Ainsi nous étions nous-mêmes toujours vouvoyés, même dans une conversation avec une personne du même %oge, et de même condition. C'est ce qui se passe à l'université Los Andes. Les étudiants membres de l'Îuvre vouvoient leurs camarades, ce qui établit rapidement une sorte de distance entre eux. En général, les classes sont rapidement plus ou moins divisées entre membres de l'organisation et non membres, avec des exceptions quand les numéraires lient des amitiés qui servent leurs activités d'apostolat.

116 Voir annexe n° 5

117 Voir annexe n° 5

De même, chaque élève a un conseiller personnel, qui est lÕéquivalent universitaire des tuteurs des écoles. Ceux-ci les aident sÕils rencontrent un probleme pratique, administratif ou pédagogique. Ils sont responsables de petits groupes, avec qui ils organisent des petites reunions, et sont quasiment systématiquement des numéraires ou des surnuméraires. Pour Consuelo L--pez, cÕest une femme, très gentille, qui leur parle souvent des valeurs chrétiennes, et de toutes sortes de sujets dÕéthique et de pédagogie, puisque cÕest ce que Consuelo et ses camarades étudient, et elle lÕappelle même chez elle pour lui demander comment elle va quand elle est absente. Mais Consuelo nous dit cependant ne pas aimer dire quoi que ce soit qui aille à lÕencontre de ce que la conseillere affirme, dans le domaine des valeurs, etc, car elle nÕa pas envie dÕavoir des différends avec elle. Elle se contente donc dÕacquiescer et de se taire.

Par ailleurs, comme tous les numéraires, la conseillère de Consuelo répete à lÕenvie des phrases du Chemin, quÕelle sait par cÏur, comme tous les membres de lÕOpus Dei, mais qui ne trouvent aucun echo chez son groupe dÕétudiants.

Effectivement, tout est fait pour que les étudiants intériorisent les normes de comportement cheres à lÕÎuvre, et les reproduisent ensuite dans leur entourage et dans leur vie professionnelle.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo