CHAPITRE I : PROBLEMATIQUE ET REVUE DE LA LITERATURE
L'école, cadre classique d'instruction et
d'éducation des hommes, constitue un maillon important de la chaine
éducative. La réussite ou l'échec de ses missions a une
grande répercussion sur le système éducatif.
L'éducation est une oeuvre collégiale. En ce sens, l'école
ne saurait atteindre ses objectifs sans la participation effective de tous les
acteurs (enseignants, élèves, parents,..). Cette participation
est tributaire en grande partie de la capacité de l'établissement
à stimuler les élèves à participer aux cours.
Cependant, force est de constater que l'absentéisme des
élèves mine le fonctionnement des lycées et
collèges.
1. Problématique
L'absentéisme se définit communément
comme l'attitude de toute personne qui est régulièrement absente
de son lieu de travail ou de tout endroit où elle est tenue d'être
présente. Par exemple, le fait d'être absent de son service, d'une
réunion, du culte, de la classe.
Selon le Livre bleu des Conseillers Principaux d 'Education -
2002, l'absentéisme est un comportement marqué par la
répétition d'absences volontaires. Ce qui se caractérise
par une absence injustifiée ou dont la justification n'est pas valable.
Le dictionnaire de l'éducation de R.LEGENDRE définit
l'absentéisme comme le fait d'être absent des cours ou des jours
de classe ; ou comme le comportement d'un élève ou d'un
enseignant qui s'absente souvent. Dans une enquête de
l'INSERM1 sur les adolescents publiée en 1994,
l'absentéisme résulte de trois critères : «
sécher les cours, arriver en retard, être absent une
journée ou plus ».L'absentéisme est un
phénomène qui est aussi à la base des déperditions
scolaires ; c'est une sorte d'inconduite, un manquement à l'obligation
scolaire qui peut entraver la réussite scolaire.
Dans le but de bien cerner la nature du problème de
l'absentéisme, son ampleur et sa pertinence, cette section
décrira le contexte de l'absentéisme dans le milieu
éducatif en le cernant dans la situation problématique,
énoncera le problème de recherche, justifiera le choix du
thème et fixera les objectifs de la recherche.
1 Institut Nationale de la Santé et de Recherche
Médicale (France)
1.1. La situation problématique
La question de l'absentéisme scolaire est de nos jours
une préoccupation mondiale. En France une loi a été
proposée par d'éminents députés pour lutter contre
le phénomène. Cette proposition de loi2 a
été présentée et enregistrée à
l'Assemblée Nationale avant d'être adoptée au Sénat.
Les présentateurs de cette loi tels que Eric CIOTTI, Xavier BERTRANT,
Henriette MARTINET, tous députés déclarent en
première ligne :
« Mesdames, Messieurs, en France métropolitaine,
pour l'année scolaire 2007-2008, 7% des élèves en moyenne
étaient en situation d'absentéisme scolaire ou de
décrochage, soit plus de quatre demi-journées d'absence non
justifiée par mois, tous types d'établissement du second
degré confondus. Cette situation concerne de plus en plus
d'élèves. Elle est inacceptable car elle est le premier
indicateur d'une situation de danger pour ces enfants qui les conduit à
la marginalisation, à l'exclusion, voire à la
délinquance.»
Ainsi les articles 1 et 2 de cette loi instaurent un nouveau
dispositif de responsabilisation des parents et en décrivent les
nouvelles modalités dans le Code de l'éducation. Ces articles
définissent le rôle de l'ensemble des acteurs concernés
(Directeurs d'établissements, Inspecteurs d'académie,
Président du conseil général, Directeur de la caisse
d'allocation familiale) dans la lutte contre le défaut
d'assiduité à l'école. L'article 3 prévoit les
nouvelles modalités de mise en oeuvre du contrat de
responsabilités parentales.
Ces députés concluent que cette proposition de
loi qui vise à lutter contre l'absentéisme scolaire repose
résolument sur la responsabilisation de l'exercice parental. En effet,
la lutte contre l'absentéisme scolaire doit s'appuyer sur un
équilibre entre accompagnement et soutien des parents d'un coté
et l'effectivité de la sanction de l'autre, c'est-à-dire la
pénalisation.
En plus des élus de l'Assemblée nationale, le
Président français Nicolas SARKOZY s'est intéressé
à la question à maintes reprises. En 2002, ministre de
l'intérieur de son état, il propose de supprimer les allocations
familiales et de faire payer des amandes aux parents des élèves
absentéistes. En 2009, Président de la république il est
encore revenu à la charge en proposant des primes pour les
élèves assidus. Et le 5 octobre 2009, on lisait dans les colonnes
de Nouvelobs un article intitulé « : Lutte contre
l'absentéisme au lycée : cagnotte ou carotte ? » qui
rapporte la réaction de ses adversaires et des syndicats contre les
primes d'assiduité.
2 Loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à
lutter contre l'absentéisme scolaire
La question intéresse bien les acteurs du
système éducatif français. Roberto MANCA
(2008)3 affirme que l'absentéisme est un
phénomène qui est apparu avec la massification à la fin
des années 70. Il n'est donc pas nouveau. Son développement a
conduit les CPE, les personnels enseignants et de direction à interroger
les politiques d'accueil des élèves et de suivi des absences dans
les établissements scolaires. La persistance du problème
s'explique par la nature des causes essentielles de l'absentéisme (les
difficultés d'apprentissage, la perte de confiance en soi, la
démotivation, la phobie scolaire, le faible niveau économique,
etc.) qui ne trouvent jamais de solutions toutes faites.
En Belgique, BENOIT, DONATIEN et PIERRE (2000) ont
recensé les facteurs liés à l'absentéisme scolaire.
Ils affirment que les causes du phénomène sont entre autres : une
situation familiale difficile (pauvreté-divorce,...), des attitudes
parentales négatives vis-à-vis de l'école, le
redoublement, les fréquents changements d'écoles, etc.
Par ailleurs, JANOZ (2000) signale qu'en Amérique du
nord, les facteurs engendrant l'absentéisme et l'abandon des
élèves sont multiples. L'école par son organisation et sa
structure ne facilite pas une bonne fréquentation scolaire. Il ajoute
également que les enfants issus de familles démunies ou à
faible revenu présentent beaucoup de risques de s'absenter aux cours ou
d'abandonner l'école. En ce sens que les prémices de l'abandon
scolaire se manifestent par l'absentéisme chronique. C'est pour cette
raison que MULLER (2006) évoque la question au Canada, sous l'angle de
l'abandon scolaire. Pour lui, le décrochage scolaire est une
réalité sociale qu'on ne peut nier ou dissimuler. Même si
cette réalité prend actuellement des proportions alarmantes. Il
affirme qu'il est important de questionner cette problématique qui a de
graves conséquences et ce, tant dans la vie des jeunes que sur le plan
social et économique. En effet, l'absentéisme scolaire est l'un
des véritables signes précurseurs du décrochage qui
s'inscrit dans l'échec scolaire.
Ainsi la problématique de l'absentéisme scolaire
se pose ailleurs, même si ses causes sont différentes. Tandis
qu'en Europe l'exercice parental, les difficultés familiales et les
fréquents changements d'écoles sont mises en cause, en
Amérique la pauvreté des familles et l'organisation du travail
scolaire par l'institution sont indexées.
En Afrique, ESDIRI (2009), dans son mémoire
pédagogique de fin de formation au professorat de l'enseignement
secondaire souligne que les comportements anti-scolaires des
élèves tels que la violence et l'absentéisme sont
tributaires de l'abdication de la famille. Il
3Conseiller Principal d'éducation (CPE) de
l'Académie Nancy-Metz.
affirme que : « le soutien familial fait
défaut la plupart du temps au moment où l'enfant, notamment
à l'âge de l'adolescence, passe par des changements
physiologiques, psychologiques et comportementaux délicats ».
En effet, le rôle des parents ne se limite pas à assurer aux
enfants les besoins matériels et scolaires : argent de poche, cahiers,
livres, beaux vêtements, ordinateurs, etc. L'élève a besoin
aussi de parents qui l'écoutent, l'orientent, le guident, dialoguent
avec lui et le mettent sur la bonne voie ; des parents qui l'accompagnent et
lui fournissent le soutien nécessaire. Laissé en toute
liberté, l'élève de cet âge est incapable encore de
se contrôler et de prendre des décisions pertinentes. Il peut
trouver une grande difficulté à se repérer et
s'écarte souvent de la bonne conduite. Le fait de se sentir libre, sans
aucune contrainte, ni surveillance parentale, peut dans ce cas lui être
nocive. Ainsi, influencés par les changements et les exigences de la
vie, les parents abdiquent et se détachent, bon gré, mal
gré de leur principale responsabilité : l'éducation des
enfants. Moins contrôlé et de plus en plus ignoré, l'enfant
essaie de compter sur soi-même.
Au Burkina Faso il n'est pas rare de rencontrer certains
élèves du secondaire déambuler en ville, dans les
marchés ou dans les lieux de cérémonies sous
prétexte qu'ils n'ont pas cours pendant que leurs camarades sont en
classe en train de travailler sous la direction de leurs enseignants. La
conséquence est qu'en fin d'année, on constate sur leurs
bulletins de notes, une soustraction de points pour cause d'absentéisme.
Aussi, chaque matin, dans les services de la surveillance des
établissements, on y trouve toujours des élèves
retardataires qui ne pourront rentrer en classe qu'à l'heure
suivante.
En sus de cela, dans la plupart des lycées et
collèges, les surveillants enregistrent au quotidien de multiples
absences pour diverses raisons. Au CEG de Tchériba, nous avons
constaté dans les cahiers d'absences les motifs suivants : maladies,
funérailles, retard, frais de scolarité, inconnu. Ainsi toutes
les absences non justifiées sont sanctionnées par un retrait de
point. Les causes de l'absentéisme sont multiples. Le
phénomène est aussi accentué par le manque criard de
surveillants. Au CEG de Ouarkoye, il y a un seul
Surveillant-GénéralEconome pour onze (11) classes. De plus,
l'établissement n'est pas clôturé et certaines classes sont
en dehors du domaine scolaire. Ce qui rend difficile le contrôle des
sorties clandestines des élèves qui choisissent de se soustraire
aux cours.
Un surveillant du lycée Philippe Zinda évoque
d'une part, la position centrale de l'établissement dans la ville de
Ouagadougou alors que les populations habitent dans les quartiers
périphériques. Il signale d'autre part la grandeur de
l'établissement, soit quatre vingt
(80) classes et quatre mille six cent quatre-vingt-douze
(4692) élèves pour l'année scolaire 2010-2011. Plusieurs
absences ne sont pas justifiées et selon le règlement
intérieur local, toutes les absences non motivées sont
sanctionnées par le retrait d'un point par heure. Lorsque l'absence
concerne un devoir, la note zéro est automatiquement attribuée si
une justification valable n'est pas faite dans un délai de soixante
douze (72) heures. Les parents sont mécontents lorsqu'ils constatent sur
le bulletin de leurs enfants ces retraits de points. Cela est plus irritant
lorsque de telles sanctions occasionnent le redoublement de
l'élève ou son renvoi.
Or, au plan psychologique, l'absentéisme peut
être lié à une pathologie: HUERRE et LEROY (2006) affirment
:
« De l'adolescent qui sèche un cours
occasionnellement pour s'investir parfois dans d'autres activités,
à celui qui décroche totalement parce qu'il ne parvient plus
à trouver la motivation nécessaire, ou est en proie à une
phobie scolaire par exemple, en passant par le « présent-absent
» qui assiste aux cours mais sans jamais acquérir les savoirs
fondamentaux, le terme d'absentéisme recouvre des réalités
très diverses. Ainsi peut-il apparaître, selon les cas, comme une
transgression normale accompagnant le processus d'adolescence ou comme le
symptôme d'une pathologie ».
En effet, la plupart des enfants traversent leur
période de crise de l'adolescence étant au lycée ou au
collège. A cette période, ils ont de comportements impulsifs, des
attitudes de fougues accompagnées de refus et de rejet en quête
d'auto-affirmation. La crise de l'adolescence se manifeste par l'augmentation
du nombre d'épisodes de comportements inacceptables pour l'adulte
(mensonge, tromperie, dispute, fugue, saute d'humeur, impolitesse,...). Selon
DELDIME et DEMOULIN (1994), c'est entre quatorze (14) et seize (16) ans que les
difficultés des échanges entre les adolescents et les adultes
sont les plus nettes et les plus nombreuses. L'adolescent veut affirmer sa
personnalité ; il y a un abaissement, à ses yeux, du prestige de
l'adulte. Les consignes sont mal acceptées, critiquées.
L'opposition peut s'exprimer sous des formes différentes : opposition
ouverte ou agressivité chez les garçons, résistance plus
discrète mais résolue néanmoins chez les filles. A ce
stade, les adolescents se dressent toujours contre une autorité
contraignante. Le développement de ces problèmes de comportement
se fait de manière graduelle et diminue considérablement pour
disparaitre vers l'age de dix-huit (18) ans.
Ainsi, s'interroger sur le phénomène de
l'absentéisme, c'est apporter un traitement particulier au suivi
individualisé des élèves. Pour JACQUARD (2002), le
Conseiller d'Education gère les absences et lutte contre
l'absentéisme des élèves. Alors, lorsqu'un
élève a
des difficultés, (notes en baisse, agressivité,
abandon, retard et absentéisme), il doit bénéficier d'une
attention particulière pour éviter la rupture des études.
Ce qui constitue l'un des rôles essentiels du personnel d'encadrement :
les Assistants d'Education (AssE), les Attachés d'Education (AttE), les
Conseillers d'Education (CE) et les Conseillers d'Orientation Scolaire et
Professionnelle (COSP). Mais la plupart de nos établissements
d'enseignement secondaire se limitent à un bilan statistique des
abandons, sans chercher à identifier les raisons pour lesquelles les
adolescents se comportent ainsi, et mieux, à entreprendre des actions
pour les soustraire à ces situations. En témoigne la
présentation de la situation en fin d'année 2009-2010 du
Lycée Municipal de Dédougou.
Tableau 1 : Nombre de classes et d'él~ves de
l'année scolaire 2009-2010
Nombre de classes à la rentrée : 22 Nombre
de classes en fin d'année : 22
Sexe
|
Nombre d'él~ves au 30 Octobre
2009
|
Nombre d'él~ves au 30 Juin 2010
|
Garçons
|
1344
|
1332
|
Filles
|
794
|
786
|
Total
|
2138
|
2118
|
Ce tableau se limite aux effectifs de rentrée et de fin
d'année. Nous remarquons un écart de vingt (20)
élèves qui n'est pas expliqué.
Tableau 2 : Situation des abandons par niveau et par
sexe
Niveau Sexe
|
6e
|
5e
|
4e
|
3e
|
2de
|
1re
|
Tle
|
Total
|
A4
|
C
|
A4
|
D
|
A4
|
D
|
Garçons
|
01
|
01
|
03
|
03
|
01
|
00
|
00
|
01
|
01
|
01
|
12
|
Filles
|
01
|
02
|
01
|
01
|
02
|
00
|
00
|
00
|
01
|
00
|
08
|
Total
|
02
|
03
|
04
|
04
|
03
|
00
|
00
|
01
|
02
|
01
|
20
|
Ce tableau indique les différents abandons sans
préciser les motifs et les manifestations.
Nous constatons que les deux tableaux statistiques concernent
uniquement le nombre de classes, les effectifs en début et en fin
d'année et les abandons au cours de l'année. La situation des
absences n'est pas établie dans ce rapport. Pourtant
l'absentéisme est un phénomène qui est vécu au
quotidien. Lorsque le taux d'absentéisme est élevé, cela
doit interpeller toute la communauté éducative de
l'établissement. Peut-être que l'établissement ne
fonctionne pas bien ou alors les élèves ont des
difficultés à venir au cours. Lorsqu'il est bas, cela traduit la
capacité d'un établissement à promouvoir une bonne
fréquentation scolaire. Il s'agit d'instaurer une interaction
facilitante qui permet aux élèves d'être moins en retard et
de ne s'absenter que pour des raisons justifiées.
Selon le dictionnaire de la langue française, la
fréquentation scolaire serait « le fait d'aller effectivement
à l'école ». Sur le plan éducatif dans notre
pays, la fréquentation scolaire intègre le caractère
obligatoire de la présence de l'élève à
l'école. Il convient d'ajouter à cette obligation de
présence, une autre obligation, celle de la participation aux
activités pédagogiques. Cette dernière peut être
considérée comme effective si l'apprenant, présent aux
heures et lieux fixés pour les activités scolaires,
exécute les mêmes tâches que ses pairs. Nous pouvons donc
retenir que la fréquentation scolaire est l'obligation de
présence et de participation pour l'élève aux
activités scolaires, aux heures et lieux déterminés
à cet effet. C'est ici que le personnel d'encadrement doit s'investir
davantage afin d'assurer une bonne fréquentation scolaire.
La fonction de surveillant que nous avons eu à assurer
sur le terrain nous a permis de vivre certaines réalités au
quotidien. Nous nous sommes rendu compte que l'absentéisme continue
d'être une gangrène dans les lycées et collèges
malgré la gestion actuelle axée sur les sanctions punitives. La
plupart du temps, bon nombre d'élèves sont absents aux
premières heures du cours de la journée parce qu'ils sont en
retard. Certains sont absents après la recréation. D'autres ne
viennent pas aux cours les mercredis. Souvent, les cours dans la soirée
enregistrent plusieurs absences. Aujourd'hui, nous pouvons parler d'absences
choisies ; c'est-àdire que l'élève choisit de s'absenter
aux cours d'un professeur déterminé, soit qu'il n'a aucun respect
pour l'enseignant, soit que la matière ne lui plait pas. Toutes ces
attitudes constituent un manquement au respect de la discipline. Elles
entravent la mission d'enseignement qui est de
garantir une formation de qualité à
l'élève afin qu'il fasse preuve de discipline et de rigueur dans
le travail et qu'il soit utile à sa société et à
lui même.
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