II- THEATRE DE LA CRUAUTE
C'est l'oeuvre, la théorie fondamentale d'Antonin Artaud
dans la révolution du théâtre contemporain.
II.1-Définition et origine
« Le théâtre de la cruauté est
une expression forgée par Antonin Artaud en 1938 pour un projet de
représentation faisant subir au spectateur un traitement émotif
de choc, de façon à le libérer de l'emprise de la
pensée discursive et logique pour retrouver un vécu
immédiat dans une nouvelle catharsis et une expérience
esthétique et éthique originale ))9.
Le théâtre de la cruauté n'a rien à
voir cependant, chez Artaud, avec une violence directement physique
imposée à l'acteur ou au spectateur.
Le texte, dans ce théâtre, est proféré
dans une sorte d'incantation rituelle au lieu d'être dit sur le mode de
l'interprétation psychologique.
Toute la scène dans ce théâtre est
utilisée comme un rituel. Et en tant que producteur d'images
hiéroglyphiques, il s'adresse à l'inconscient du spectateur. Il a
donc recours aux moyens d'expressions artistiques les plus divers.
Le théâtre de la cruauté est une
esthétique qui vise à faire un spectacle vivant, rempli de
messages divulgués, au moyen d'une sorte de pantomime
8 ARTAUD (Antonin).- « lettre à Paulhan »,
OEuvres complètes, (Paris, Edition Gallimard, Tome V, p 273).
9 PAVIS (Patrice).- Op. Cit., p 368
nouvelle où les gestes et les attitudes figurent dans le
sens d'hiéroglyphes vivants, concrets et sensibles sur scène.
Il permet de constituer un langage physique et non verbal. Car
rendre à la parole un aspect psychologique, c'est ignorer les exigences
physiques de la scène.
Le langage physique et spatial du théâtre atteint
certaines réalités spirituelles bien mieux que la parole.
Toutefois, toutes ces allégations ne visent pas à
supprimer totalement la parole, mais plutôt à réduire sa
place et modifier son statut.
Tout cela pour lui donner une valeur concrète, lui
conférer un pouvoir d'ébranlement physique, à la fois
anarchique et créateur.
Cette vision du théâtre artaudien a
transformé le théâtre comme une certaine poésie dans
l'espace.
En effet, l'idée d'un tel théâtre est le
fruit de plusieurs expériences de collaboration avec des exorcistes et
surtout de la constatation de deux faits :
-La décadence de l'art théâtral et
l'influence du mouvement surréaliste.
La décadence de l'art théâtral est partie du
fait que la foule d'antant préférait le cinéma, les
music-halls ou le cirque au théâtre.
Le théâtre perdait alors son efficacité et
son monde. Et le besoin urgent d'un théâtre de profonde
résonance se fait sentir, d'un théâtre grave,
magnétique et thérapeutique, d'un théâtre d'action
poussé à bout et à l'extrême : le
théâtre de la cruauté.
Par ailleurs, en 1924, Artaud adhère au mouvement
surréaliste qui veut éveiller la conscience humaine à une
vision nouvelle des choses.
Sur cette base, il fonde en 1926, le théâtre
Alfred-Jarry qui a pour objectif de ressusciter totalement avec des
oeuvres surréalistes comme Partage du midi de Paul
Claudel.
Toutefois, son admiration est allé à l'endroit de
Dullin qui, au cours des travaux d'ateliers, a ouvert une brèche
d'expression à son initiative théâtrale.
Cette initiative est caractérisée par
l'autorité du metteur en scène sur le texte, l'improvisation et
même l'univers du spectacle.
Sans oublier la découverte des cultures mexicaines,
irlandaises et surtout le théatre balinais en 1931 à l'exposition
coloniale de Paris.
Ce genre offrait à voir, non seulement, l'image d'un
acteur dépersonnalisé et maître de sa technique.
Il a, cependant, eu la possibilité d'entrevoir une
écriture dans l'espace qui permet de communiquer métaphysiquement
avec le monde.
Vision longtemps poursuivie par Artaud pour matérialiser
ce qu'il a nommé le théâtre de la cruauté
manifesté dans Le théâtre et son
double.
Ceci étant, que revêt la notion de "cruauté"
?
Qu'en est il de l'identité propre de ce théatre
artaudien ?
|