I- LA NOTION DU DOUBLE : BREF APERÇU DE L'OEUVRE
Paru dans la collection "Métamorphoses", Edition
Gallimard le 7 janvier 1938, cet ouvrage réunit les écrits
d'Antonin Artaud sur le théâtre depuis 1932. Ces écrits
sont composés de textes, de conférences, de manifestes et
d'extraits de lettres publiés dans la NFR (Nouvelle Revue
Française).
Son oeuvre porte sur la conception de son esthétique
théâtrale du point de vue pratique. Il fait surtout le
procès du théâtre classique occidental assujetti au texte
au profit d'un nouveau style de l'art théâtral,
caractérisé par le sacré.
Cette assertion est le contenu d'un de ses manifestes
intitulé "En finir avec les chefs-d'oeuvres" où pour
renchérir, il refuse toutes les formes littéraires classiques et
l'analyse psychologique du théâtre occidental au profit du
théâtre de la cruauté.
Artaud, à travers son oeuvre, nourrit l'objectif de
revivifier le théâtre, de le refondre complètement, de
retrouver des sources sacrées ancrées au coeur de l'art ou de
l'acte dramatique.
Aussi, soutient-il « que c'est la réalisation
qui fait la ligne vraie du théktre et la mise en scène est dans
une pièce de théâtre, la partie véritablement et
spécifiquement théâtrale du spectacle
»6.
Par ailleurs, comment se conçoit le titre de son oeuvre
?
C'est le premier élément du paratexte qui permet
d'attirer l'attention du lecteur- spectateur.
Le titre le théâtre et son double joue
un rôle attractif dans le fait qu'il convoque la culture historique du
lecteur-spectateur pour la recherche du "double" du théâtre.
Mais quelle est donc cette notion de "double" ?
6 ARTAUD (Antonin).- Op. Cit., p 166.
- La notion du double
Ce devait etre le thème majeur de son oeuvre. Mais il
n'en est pas tout à fait ainsi, car c'est une trouvaille fortuite faite
après coup une fois en partance pour le Mexique.
Toutefois, il faut noter que le thème du "double" est
frequemment associe au terme de spectre, fantôme ou au terme de
l'écho, reflet, miroir.
Le caractère de son theatre étant sacré,
on peut aussi lier le "double" à l'emploi scenique des masques et des
mannequins.
Le "double" renvoie à un domaine mysterieux, mais
redoutable, comme le confirme l'éloquente définition
proposée dans le « théâtre alchimique » :
« le théâtre doit être considéré comme
double non pas de cette réalité quotidienne et directe dont il
s'est peu à peu réduit à n'rtre que l'inerte copie, aussi
vraie qu'édulcorée, mais d'une autre réalité
dangereuse et typique où les principes, comme les dauphins, quand ils
ont montré leur tte, s'empressent de rentrer dans l'obscurité des
eaux »7.
A travers cette question, on aurait pu être tente de
voir le "double" comme la manifestation d'une vision dualiste de l'univers.
Mais, elle est plutôt incarnée dans l'ouvrage par
la peste, l'alchimie, la metaphysique, la peinture, la cruaute qui ne sont pas
des allegories du theâtre, mais son vrai visage.
En prenant la peste comme procédé
métonymique, notons que c'est le théatre lui-même, dans
toute sa diversite, qui se deroule ainsi par son caractère reel.
Car la peste comme spectacle, offre à la vue une
desagregation du corps social, une proliferation des delices, une absurdite et
une gratuite des conduites. Le pestiféré est donc comparé
à l'acteur de théatre, car le théatre comme la peste est
une epidemie. Et les desordres de la peste peuvent être assimiles aux
desordres de la vie tels qu'ils s'incarnent sur la scène pour se
décharger dans la sensibilité du spectateur.
7 ARTAUD (Antonin).- Op. Cit., p 74
Le théâtre, comme la peste, déclenche au fond
de nous une bataille d'autant plus violente contre l'ordre établi
qu'elle reste virtuelle.
En clair selon Artaud : « le double du
théâtre est le réel inutilisé par les hommes de
maintenant ))8.
C'est dire que la vie elle-même, dans toute sa
diversité, est du théâtre et cela depuis la
genèse.
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