I- L'ESPACE INVESTI
« Je dis que la scène est un lieu physique et
concret qui demande qu'on le remplisse et qu'on lui fasse parler son langage
concret »38.
Telle est la grande donnée, le principe technique
primordial.
On doit remplir le champ scénique, le meubler avec des
gestes pour le faire vivre et de façon magique. La résolution de
ce problème appartient à la mise en scène «
considérée comme un langage dans l'espace et en mouvement
»39. Car le rôle du metteur en scène est
prépondérant.
Quant au public, il n'est pas oublié. Lorsqu'il s'agit
d'investir complètement l'espace scénique, c'est de la salle de
spectacle qu'il est question ; spectateurs compris. D'où l'existence
d'un spectacle tournant.
A ce titre, nous estimons que nous serons trahis par la
scène. Faire tourner le spectacle autour du public met le public mal
à l'aise. On peut donc arriver à toucher sa sensibilité en
limitant l'espace scénique seulement à la scène.
Mettre en scène La Puissance de Um, requiert de
l'imagination créatrice.
C'est pourquoi l'espace scénique dans une mise en
scène de cette oeuvre ne sera pas sous un hangar comme le
préconise Artaud, mais plutôt sur la scène d'une salle de
spectacle adéquate.
Seuls la parole, le souffle et le cri, par l'entremise du
metteur en scène, arriveront à transposer les émotions
fortes dans les entrailles du spectateur : l'objectif principal du
théâtre de la cruauté.
38 ARTAUD Antonin.- Op Cit., p 55
39 Idem.- p 68
II- LE SOUFFLE ET LE CRI
La parole au théâtre d'Artaud voit sa place
réduite et son statut modifié. Elle est, cependant, sous-tendue
par le souffle et le cri pour sa matérialisation. Et pour donner
à ce cri sa pleine efficacité, il faut en revenir aux sources
respiratoires, plastiques, du langage.
Les mots sont des sortes de gestes qui s'inscrivent eux aussi
dans l'espace.
La seule manière convenable d'employer le langage du
théâtre artaudien est l'incantation.
La Puissance de Um est une pièce rituelle.
De ce fait, sa mise en scène se doit de captiver le
public dès le début du spectacle.
La forme incantatoire de son langage ne peut se faire dans le
cri, mais plutôt dans le souffle, dans le soupire. Non pas que le cri
dénature l'incantation. Il sera, cependant, remplacé par la
musique et intervenir lorsque nécessaire.
Le souffle, le cri, les bruits ne sont pas recherchés
pour leur qualité vibratoire mais pour ce qu'ils représentent.
III- LES MASQUES ET LES MANNEQUINS
Les cris et les gestes, selon Artaud, ne suffisent pas à
nourrir et meubler l'espace scénique.
L'acteur est un élément primordial certes, mais il
est cependant, en lui-même un objet parmi tant d'autres.
Les objets dans le projet scénique d'Artaud occupent une
place de choix. Ils sont notamment chargés, presque à eux seuls
de remplacer le traditionnel décor. Parmi ces objets, figurent les
masques et les mannequins.
L'emploi de ces masques ne constitue en rien une
originalité même si leur usage rejoint par là l'idée
de double.
Dans une mise en scène de La Puissance de Um,
les masques et les mannequins ne sont pas indispensables. Car seule la
créativité du metteur en scène les substituera par la
gestuelle corporelle, du mime, du pantomime...
Les masques et les mannequins sont utilisés à titre
figuratif pour étoffer une certaine foule. Sur cet aspect, nous
remarquons qu'ils encombrent la scène.
Leur emploi s'insère dans le but d'un art
théâtral de recherche et une pratique calculée des
dissonances.
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