Relation parent/enfant/soignant
A cette phase, les parents n'ont pas beaucoup de questions
étant encore sidérés par la naissance
prématurée ou par l'annonce de la pathologie justifiant une
réanimation.
Ce n'est qu'au cours des visites suivantes avec cette fois ci
les deux parents, que l'on devra répondre à des questions de plus
en plus précises sur la nature de la pathologie de l'enfant, les types
de soins réalisés, le pronostic ultérieur.
On peut à ce stade découvrir l'existence d'un
sentiment de culpabilité de la mère de n'avoir pas pu mener la
grossesse à son terme ou de n'avoir pas pu accoucher d'un enfant en
bonne santé.
On trouve également la recherche d'une
responsabilité extérieure. Le médecin qui a suivi la
grossesse ou la sage femme peuvent être mis en cause.
Il est rarement fait mention spontanément de
causes surnaturelles telle la sorcellerie, mais les notions de
volonté divine, hasard, angoisse ou problèmes familiaux
peuvent
êtres invoquées.
Le discours sur la sorcellerie est très difficile
à obtenir car il revient pour le parent à admettre son
implication dans un processus de persécution, en tant que victime ou
pire en tant qu'agresseur.
Si le diagnostic est certain avec une évolution
favorable, l'enfant sera rapidement transféré en unité de
soins intensifs puis en unité de néonatalogie.
Dans les situations où le diagnostic tarde à
être confirmé ou que l'évolution est défavorable,
les parents peuvent avoir des doutes sur la capacité de l'équipe
à prendre en charge leur enfant. Cette situation peut survenir
également si l'information n'a pas été bien transmise.
Dans les situations de pronostic défavorable avec un
risque neurologique à long terme la question de la poursuite d'une
réanimation peut se poser. Une discussion est alors entamée entre
les soignants puis avec les parents afin de se prononcer sur la démarche
à prendre.
Questionnement éthique
Ces situations très éprouvantes pour les
soignants et les parents se présentent régulièrement dans
le service et nous ont amené à faire un travail de
réflexion au sein de l'équipe.
Ce travail a commencé par la réunion d'un petit
groupe de personnes, médecins infirmières, psychologue, qui
nous a permis de faire le point sur ce qu'il y avait déjà en
place
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comme moyen pour aider les soignants et les parents dans ces
situations.
A partir de cas réels, nous avons repris la
démarche ayant abouti à une décision médicale et
pointé à chaque fois les insuffisances et les points forts.
Nous avons pu constater alors que les décisions qui
avaient été prises pour certains patients étaient
basées sur des faits scientifiques avérés mais que la
dimension émotionnelle était toujours présente sans qu'une
analyse avec hiérarchisation des principes n'ait été faite
de façon consciente.
Nous avons alors, lors des staffs, essayé de nous
astreindre à ce travail d'analyse et justifier à chaque fois
notre décision par le choix d'un principe qui nous paraissait le plus
important. Nous nous sommes inspirés du livre de Pierre Le Coz «
Petit traité de la décision médicale »
(14).
Tous les soignants ont été également
conviés à s'exprimer à chaque fois et nous nous sommes
aperçu que chacun avait une vision du problème
légèrement différente. Ceci était lié au
type de relation qu'ils avaient pu nouer avec les parents et l'enfant malade
mais aussi à leur vécu personnel, leur croyance, leur religion et
leur conviction intime.
Le fait d'en parler librement a permis aux soignants de
confronter leurs analyses et faire entrevoir à chacun des points qui ne
leur étaient pas d'emblée apparus.
Une meilleure compréhension des mécanismes de
défense
et des recours thérapeutiques parentaux, a permis de
diminuer la tension liée aux décisions difficiles.
La nécessité de l'élargissement du groupe
de réflexion à d'autres services s'est vite fait sentir et nous
avons alors invités à nos réunions des soignants d'autres
services dans le but de partager notre expérience et d'avoir un regard
extérieur sur notre travail.
Il ne s'agissait pas de créer un comité
d'éthique qui prendrait des décisions pour des patients encore
hospitalisés mais d'élargir la discussion à d'autres
pathologies et d'autres groupes de patients.
Nous avons pu alors discuter de problèmes
éthiques posés par les examens de dépistage
(surdité, mucoviscidose etc.), la procréation médicalement
assistée, la chirurgie infantile, les soins palliatifs etc.
Par la suite des intervenants extérieurs à
l'hôpital, non soignants ont également pu participer à ce
groupe. Ils nous ont apportés leur vision de la médecine et les
éléments socioculturels liés à la pratique
médicale qui nous manquaient.
L'apport de l'anthropologue, de l'ethnologue, de l'historien,
du sociologue était très bénéfique dans ce
contexte.
Après cette approche de l'éthique dans nos
pratiques médicales au sein du groupe le besoin de structurer et de
pérenniser ce travail s'est fait sentir. Nous avons alors entamé
des démarches pour créer une association dans ce but.
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Les statuts sont actuellement déposés et le
cadre pour un travail plus large et plus élaboré est actuellement
disponible.
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