Analyse et réflexion
Nous avons montré l'importance des croyances, des rites
et de la spiritualité dans la vie quotidienne des Guadeloupéens.
Celle-ci se manifeste dans le travail, à l'école, et bien
sûr à l'hôpital.
Ceci n'est pas l'apanage des anciens mais perdure
également chez les jeunes comme l'ont montré deux enquêtes
réalisées en Guadeloupe par Christiane Bougerol en 1997
(16). Elle a également montré dans son travail, que
les relations de proximité (voisinage) sont marquées par la
surveillance et la jalousie qui a pour signification envie. Il existe alors
toute une panoplie de mesures qui sont prises pour se protéger. Elles
commencent par la surveillance de celui qui nous surveille, mais aussi par
toute une panoplie de préceptes qui impliquent le corps et l'espace dans
lequel on habite. L'individu doit se protéger du regard extérieur
pour ne pas exacerber l'envie. Il doit également s'assurer
quotidiennement que sa présentation (vêtement, coiffure, parties
visibles de son jardin etc.) est correcte. L'ordre, la propreté et le
rangement doivent caractériser ces éléments. Il s'agit
d'une purification symbolique du corps et de l'espace habité.
Dans ce contexte de relations sociales on comprend que la
survenue d'une pathologie néonatale soit
interprétée comme pouvant être le résultat d'un
acte hostile (acte de
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sorcellerie par exemple). La jalousie ayant été la
raison de cet acte.
Dans l'enquête n°1, sur huit entretiens cette
catégorie de causes est citée à six reprises.
La religion peut avoir un effet positif sur le psychisme des
parents. Elle peut être une explication à la pathologie
(volonté ou châtiment divin, destin) mais également comme
recours plus fréquemment que la famille ou le médecin.
L'information que nous donnons aux parents parait
satisfaisante pour la majorité des soignants mais l'expérience
montre que d'une part cette information est incomplète mais qu'elle est
donnée différemment selon le type de pathologie et la
catégorie sociale des parents.
Lorsque quelques jours après un entretien, on interroge
les parents sur les informations qu'ils ont reçues, on est toujours
frappé par le fossé qui sépare ce que nous pensons avoir
transmis et ce qui a été réellement retenu ou compris.
Sylvie Fainzang (17), dans une enquête
ethnologique conduite pendant quatre ans dans divers services hospitaliers,
révèle que la manière de délivrer une information
dépend des soignants mais aussi des patients.
Dans l'enquête n°2, les soignants interrogés
sur les causes invoquées comme cause de la maladie, citent les causes
culturelles dans 65 % des cas.
Plus de la moitié pensent que la religion est le plus
grand
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recours, avant la famille dans un tiers des cas.
Il faut garder à l'esprit que les parents
évitent en général de parler des recours à la
sorcellerie et aux autres pratiques traditionnelles.
Les soignants sont quasi unanimes (97%) pour laisser les
parents pratiquer les rites qu'ils souhaitent s'il n'y a pas danger pour leur
enfant.
En cas de refus des parents d'administrer un traitement pour
des convictions religieuses, le consentement doit toujours être
recherché mais dans le cas où la vie de l'enfant est en jeu, tout
le monde s'accorde à dire qu'il faut passer outre le refus parental. Le
médecin étant légalement couvert dans ce cas
précis. Les attentes religieuses peuvent être satisfaites si elles
n'interfèrent pas avec la médecine. Elles peuvent être
problématiques et doivent nous faire alors réfléchir sur
le concept de la laïcité.
Dans le parcours médical, le recours aux pratiques
traditionnelles ne devient délétère que s'il se substitue
au traitement médical scientifique. Cette situation peut survenir dans
les situations où l'autonomie n'a pas été respectée
et que l'information n'a pas été donnée correctement. Ce
problème peut également se poser en cas de
récupération des familles par des sectes. Un
phénomène de séduction peut aussi se voir pou certaines
médecine douces. Dans ce cas il faut s'assurer de l'absence
d'interférence entre ces thérapeutiques et la prise en charge
officielle.
Le discours sur la sorcellerie est rarement obtenu. Une des
explications est qu'il reviendrait pour le parent à admettre son
implication dans un processus de persécution, en tant que victime ou
pire en tant qu'agresseur.
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