I-2-1-2- EVOLUTION DE LA MICROFINANCE EN AFRIQUE
Le phénomène de la microfinance malgré
son << jeune âge » connaît une évolution
spectaculaire surtout dans les pays africains où la grande
majorité de la population étant pauvre, n'a pas accès au
système financier classique. Analysant l'évolution de la
microfinace, Pierre FORESTIER écrit : << La microfinance a
fait montre en quelques années de grandes réussites et
d'étonnantes performances. Il existe aujourd'hui de nombreuses
institutions viables ou en voie de l'être qui apportent des services
financiers diversifiés à des dizaines de millions de clients qui
n'y avaient pas accès. Elle est en outre un secteur qui a su mobiliser,
sur une longue période, différents types d'acteurs publics et
privés et s'étendre sur un vaste champ géographique,
au-delà même des pays en voie de développement. Elle est
à ce titre, un des rares phénomènes actuels de dimension
mondiale qui mobilise à la fois le débat et peut se
prévaloir d'avancées concrètes sur le terrain.
»11. A travers cette analyse, on remarque que ce
phénomène a en lui une force qui lui permet de s'installer
solidement et d'étendre son champ d'action au fil du temps. P. FORESTIER
continue l'analyse de l'évolution et des progrès de la
microfinance en soulignant
10 Note Focus, N°39 : << Des services
financiers inclusifs à l'horizon 2015 : quatre scénarios pour
l'avenir de la microfinance », p.13
11 P.FORESTIER, Les enjeux de la microfinance : quel
rôle spécifique pour le financement rural et agricole, in HORIZONS
BANCAIRES, N°326, Octobre 2005, p.9
que « les résultats du secteur de la
microfinance, après presque deux décennies de
développement, sont qualitativement et quantitativement prometteurs
»12. A titre d'exemple, le secteur de la microfinance de la
zone Afrique de l'Ouest offre déjà des services à
plusieurs millions de bénéficiaires principalement au travers
d'une dizaines d'institutions professionnelles et viables, avec des taux locaux
de pénétration des services au sein de la population parfois
importants(30%). Elle a démontré qu'elle pouvait
intéresser de nombreux pays, y compris les pays
développés(en France, par exemple) où le chômage et
l'exclusion des circuits bancaires classiques deviennent des
préoccupations économiques et sociales majeures. Elle a
commercialement prouvé son intérêt pour les populations et
les économies en soutenant des taux de croissance importants sur de
longues périodes (souvent proches de 30% par an). Elle a
également réussi à s'implanter dans divers contextes
économiques, démocratiques et sociaux ; même si
d'évidence son développement est facilité par un contexte
économique et démocratique favorable. Elle a d'ailleurs
prouvé sa solidité dans des contextes difficiles de post-conflits
(exemple de MUCODEC au Congo). Elle dispose d'une large gamme de
bénéficiaires en termes de conditions économiques et
sociales. (Aujourd'hui, plus de 55 millions de familles en
bénéficient dans cent quinze pays). Enfin, souligne P. FORESTIER,
elle a surtout démontré qu'il était possible de
bâtir des institutions pérennes et viables, gérées
de manière professionnelle, dans des conditions d'exploitation et sous
des formes institutionnelles très diverses. On peut à titre
d'exemple, citer sur le continent africain : le CMS au Sénégal
sous une forme mutualiste, ADEFI à Madagascar sous une forme
associative, les CVECA de l'Office du Niger ou du pays Dogon au Mali sous une
forme de caisses villageoises, CERUDEB en Ouganda sous une forme bancaire.
Parlant toujours des progrès réalisés par
les IMF en Afrique, une étude à été menée
par trois chercheurs en Avril 2005 et les résultats de cette
étude ont été
12 P.FORESTIER, id
publié dans le magazine MIX (Microfinance Information
eXchange). Sur les 163 IMF ayant fourni des informations pour cette
étude, 57% d'entre elles ont été créées dans
les huit dernières années. Pour les auteurs, << les IMF
sont globalement dynamiques et en pleine croissance.[...]. De plus, les IMF
africaines semblent répondre aux vastes besoins financiers de leurs
clients. A la différence de la tendance observée dans les autres
régions, plus de 70% des IMF africaines offrent de l'épargne
comme service financier de base et l'utilisent comme source importante de fonds
pour les prêts ,>13. A la suite de cette analyse, on
remarque que selon les auteurs, la microfinance est arrivée en Afrique
à une période un peu plus récente, mais elle évolue
à une vitesse plus grande que celle des autres régions du monde.
Même sur le plan de la productivité économique, ils pensent
que le secteur de la microfinance en Afrique s'étend rapidement et les
institutions ont vu leurs activités croître dans les
dernières années. En effet, « les IMF africaines sont
parmi les plus productives au monde de par le nombre d'emprunteurs et
d'épargnants par effectif du personnel. Les IMF africaines attestent
également de niveaux élevés de qualité du
portefeuille, avec une moyenne de 4% de portefeuille à risque de plus de
30 jours ,>14.
Les conclusions de l'étude menée par le MIX
révèlent que les IMF africaines << font preuve de dynamisme
et affichent une bonne performance par rapport à leurs homologues
d'autres régions du monde ,>. En effet, les IMF africaines sont en
tête au plan mondial en matière de mobilisation de
l'épargne, tant en ce qui concerne le nombre de clients servis que le
volume absolu de l'épargne en dépôt. Bien que les
résultats de cette étude indiquent que la performance globale des
IMF africaines est inférieure à celle d'autres régions du
monde, un nombre croissant d'IMF (notamment les IMF règlementées
et les coopératives) sont rentables. En outre, un grand nombre de
modèles
13 Anne-Lucie Lafourcade, Jennifer Isern, Patricia
Mwangi, et Matthew Brown, Etude sur la portée et les performances
financières des institutions de microfinance en Afrique, in MIX, Avril
2005, p.1
14 idem
institutionnels prospèrent an Afrique et cette
diversité « permet d'offrir de bons choix de services aux clients
».
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