Section n°2 : Cadre institutionnel du
contrôle a posteriori
Il comprend la Chambre des Comptes de la Cour Suprême et
l'Assemblée Nationale.
Paragraphe n°1 : Presentation de la Chambre des
Comptes de la Cour Supreme
Après avoir rappelé l'historique et les
attributions de la Chambre des Comptes, nous passerons en revue son
organisation et son fonctionnement.
A- Historique et attributions de la Chambre des
Comptes 1- Historique de la Chambre des Comptes
Créée par la première Constitution du
Dahomey, et régie a l'époque par la loi n°59-7 du 14 Mars
1959, fixant l'organisation, les compétences et les règles de
fonctionnement du Tribunal d'Etat, la Section des Comptes3
était chargée du jugement des comptes de la République,
des Collectivités et des Etablissements publics. Composée d'un
président et de quatre (04) conseillers dont le trésorier payeur
et le contrôleur financier, elle devait, conformément aux articles
15 et 16 de cette loi, adresser chaque année au Premier Ministre et a
l'Assemblée Législative, un rapport d'ensemble sur
l'exécution du Budget de la République. Par la suite, la
juridiction financière sera régie successivement par :
3 Première dénomination de la Chambre
des Comptes
- la loi n°60-1 du 14 mars 1960 toujours relative au
Tribunal d'Etat et qui contrairement a la précédente, ne lui
avait réservé qu'un seul article : l'article 98 qui disposait
« en attendant la mise en place de la Section des Comptes du Tribunal
d'Etat, les comptes de l'Etat dahoméen seront jugés par la Cour
des Comptes de la République francaise conformément aux
dispositions en vigueur » ;
- la loi n°61-42 du 18 octobre 1961, organisant la Cour
Suprême ;
- l'ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966, portant
composition, organisation, fonctionnement et attributions de la Cour
Suprême ;
- la loi n°81-004 du 23 mars 1981, portant organisation
judiciaire en République Populaire du Bénin, et qui institua des
Chambres de Comptes au niveau de chaque Tribunal Populaire de Province, ce qui
dénote de la volonté du législateur de déconcentrer
les pouvoirs de la juridiction. Par ailleurs, l'article 89 de cette loi
prévoyait que les décisions rendues en matière de
contrôle des comptes par ces tribunaux pouvaient être
frappées d'appel devant la Chambre des Comptes de la Cour Populaire
Centrale.
L'organisation ainsi établie n'a pas été
fonctionnelle jusqu'en 1990 oü la loi n°90-012 du 1er juin
1990 a remis en vigueur l'ordonnance n°21/PR du 26 avril 1966.
- les lois n°2004-07 du 23 octobre 2007 et n°2004-20
du 17 août 2007 portant respectivement composition, organisation,
fonctionnement et attributions de la Cour Suprême et règles de
procédures applicables devant les formations juridictionnelles de la
Cour Suprême.
2- Attributions de la Chambre des
Comptes
Aux termes des articles 36, 37, 38 et 153 de l'ordonnance
21/PR du 26 avril 1966 remise en vigueur par la loi n°2004-07 du 23
octobre 2007 portant composition, organisation, attributions et fonctionnement
de la Cour Suprême, la Chambre des Comptes de la Cour Suprême du
Bénin exerce :
- un pouvoir de contrôle juridictionnel qui porte sur la
régularité des opérations de recettes et de
dépenses publiques effectuées par les comptables de l'Etat, des
collectivités locales, des établissements publics et des
entreprises publiques ;
- un pouvoir de contrôle administratif qui lui permet de
donner son opinion sur la qualité de la gestion des ordonnateurs de
dépenses publiques ainsi que leur performance en la matière.
En vue du vote du Projet de Loi de Règlement, la
Chambre des Comptes de la Cour Suprême, délivre la
Déclaration Générale de Conformité entre le Compte
de Gestion produit par le Receveur Général des Finances (RGF) et
le Compte Général de l'Administration des Finances (CGAF) produit
par le Ministre de l'Economie et des Finances (MEF).
Conformément aux articles 84, 85, 86 et 112 de la loi
n° 2000-18 du 03 janvier 2001, portant règles
générales pour les élections en République du
Bénin, elle vérifie et publie les comptes de campagne
électorale.
Par ailleurs, la juridiction recoit la déclaration sur
l'honneur des biens patrimoniaux du Président de la République et
des membres de son Gouvernement a leur entrée et sortie de fonction et
ceci en vertu de l'article 52 alinéa 2 de la Constitution
béninoise du 11 décembre 1990. Elle peut être commise par
le Gouvernement ou le Parlement pour réaliser toutes enquêtes et
études se rapportant a l'utilisation des crédits et a l'emploi
des deniers publics conformément a l'article 112 de la Constitution du
11 décembre 1990.
Il y a lieu de souligner qu'en vertu des dispositions de
l'article 43 de la loi n°2004-07 du 23 octobre 2007, la Chambre des
Comptes produit chaque année un Rapport d'exécution de chaque Loi
de Finances.
Enfin, aux termes du protocole d'accord signé en 2001
entre le Gouvernement du Bénin et la Banque Mondiale dans le cadre de la
réforme PERAC, la Chambre des Comptes s'est vue confier la
réalisation d'audit de performance des ministères
impliqués dans ladite réforme. Ce contrôle est
actuellement étendu a tous les ministères et cette
mission a été intégrée a ses attributions a travers
l'article 143 de la loi n°2004-20.
B- Organisation et fonctionnement de la Chambre des
Comptes 1- Structure organisationnelle de la Chambre des
Comptes
L'article 131 alinéa 1 de la Constitution
béninoise du 11 décembre 1990, désigne la Cour
Suprême comme la plus haute juridiction de l'Etat en matière
administrative, judiciaire et des comptes. Ainsi, elle est scindée en
trois (03) Chambres : la Chambre Administrative, la Chambre Judiciaire et la
Chambre des Comptes qui fait l'objet de notre étude.
La Chambre des Comptes est organisée en trois (03)
sections a savoir : - la section chargée du contrôle des comptes
de l'Etat ;
- la section chargée du contrôle des comptes des
collectivités locales et
- la section chargée du contrôle des comptes des
établissements publics et des entreprises publiques.
Il faut noter également que le Parquet
Général près la Cour Suprême assure le rôle de
Ministère Public dans les affaires de la Chambre des Comptes.
Chaque section a, a sa tête un président
nommé parmi les conseillers de la Chambre et est composée de
vérificateurs et des assistants de vérification.
Depuis sa création en 1961 jusqu'en 2001, le personnel
magistrat de la Chambre des Comptes n'a pas dépassé trois (03)
membres dont le Président et deux (02) conseillers.
En 1992 année a partir de laquelle la Chambre des
Comptes a effectivement démarré ses activités, son
personnel magistrat s'est vu adjoindre du personnel non magistrat
composé de fonctionnaires dont l'effectif était d'une dizaine
jusqu'en 2001.
A partir de janvier 2002, la juridiction financière, en
dehors du personnel administratif et de soutien, compte : six (06) magistrats
(dont un président et cinq (05) conseillers) ; seize (16)
vérificateurs (fonctionnaires de la catégorie A1) ; neuf (09)
assistants de vérification (fonctionnaires de la catégorie A et
B).
Au total, la juridiction réunit actuellement un
personnel de huit (08) conseillers (y compris l'actuel président), onze
(11) vérificateurs, sept (07) assistants de vérification, un
greffier et un archiviste devant assurer son fonctionnement dans la limite des
attributions qui sont les siennes.
2- Règles générales de
procédure
Les procédures applicables au sein de la Chambre des
Comptes répondent a des règles de base. Avant de varier, le type
de contrôle considéré peut être juridictionnel ou
extra-juridictionnel (contrôle administratif ou contrôle de la
gestion). Les règles générales de procédures
présentent des caractéristiques spécifiques :
> La saisine est d'office
C'est le dépôt de compte qui opère la
saisine de la Chambre des Comptes. Cette reddition est obligatoire pour tout
justiciable et assujetti. La Chambre se saisit d'office de toutes les affaires
de sa compétence a travers le compte déposé.
La loi n°2004-20 du 17 août 2007, prescrit en ses
articles 73 alinéa 2 et 74 alinéa 2 que les Comptes de Gestion
soient présentés en état d'examen a la Chambre des Comptes
de la Cour Suprême au plus tard a la fin du sixième mois suivant
la clôture de l'exercice.
> La procédure est inquisitoire
La chambre dispose de pouvoirs d'investigation les plus
étendus pour procéder a toutes les recherches destinées a
s'assurer de la réalité, de la
régularité des opérations qui sont
décrites ou devraient être décrites dans les comptes.
Les rapporteurs chargés de l'instruction doivent non
seulement examiner les comptes ainsi que les documents et pièces qui les
appuient mais ils peuvent aussi se transporter dans les services ;
vérifier toutes les fournitures, les matériels, et les travaux ;
visiter les immeubles bâtis ou non bâtis.
> La procédure est contradictoire
Pour éviter a la Cour d'avoir une vue
unilatérale des affaires, les ordonnateurs et les comptables sont
appelés a faire valoir leurs moyens (s'expliquer, se justifier) avant
que la Cour ne statue définitivement. Ceci fonde la procédure du
double arrêt4 par laquelle la Chambre statue.
> La procédure est secrete
Les investigations de la Chambre sont secrètes. Cette
règle vise a protéger la réputation des personnes, la
sûreté de l'Etat et les intérêts financiers des
organismes soumis au contrôle en évitant, de divulguer de simples
soupcons que la contradiction pourrait dissiper et de propager des informations
pouvant mettre en péril la sûreté de l'Etat ou la situation
des entreprises contrôlées a l'égard de la concurrence. Les
audiences ne sont pas publiques.
> La procédure est écrite
bous les actes de la procédure doivent être
présentés par écrit (reddition des comptes,
résultats de l'instruction, conclusions du Ministère Public,
arrêt, réponses aux observations).
4 Arrêt définitif
précédé d'un ou de plusieurs arrêt(s)
provisoire(s)
> Les délibérations sont
collégiales
La collégialité de la délibération a
pour objectif d'assurer la crédibilité des travaux a travers les
étapes suivantes :
- l'instruction des affaires est faite par des rapporteurs qui
doivent adresser un rapport a la Cour a la laquelle il revient d'y donner les
suites qu'elle juge convenables ;
- le rapport est transmis a un conseiller contre-rapporteur
qui s'assure que les observations et propositions du rapporteur sont
fondées. Lorsqu'il juge l'instruction imparfaite, il la complète
;
- le rapport est soumis a une information collégiale
composée d'un nombre impair de magistrats pour les débats a
l'audience en présence du ministère public ;
- la délibération est faite sans le
ministère public.
Le rapporteur procède après l'audience, a la
rédaction des projets d'arrêts et des communications, lesquels
sont revus avant d'être signés par le Président.
3- Méthodes et movens de
Contrôle
Dans le cadre de l'exécution de sa mission, la Chambre
des Comptes dispose de pouvoirs d'investigations les plus étendus dont
elle use a travers la mise en cuvre de moyens et méthodes
variés.
Un ou plusieurs magistrats rapporteurs sont
désignés par le Président de la Chambre pour
procéder a l'instruction. Les magistrats sont assistés des
vérificateurs et des assistants vérificateurs.
Pour les enquêtes très techniques, la Chambre peut
recourir a l'assistance d'experts désignés par le
Président de la Cour Suprême.
> Sources principales d'informations : les comptes,
les pièces justificatives, les textes et les manuels de
gestion
C'est a travers les comptes et les pièces justificatives,
que le juge des comptes va pouvoir suivre l'évolution de la gestion des
organismes publics.
L'ensemble des observations doit s'appuyer sur cette source
qui est une source indiscutable. C'est sur ces documents que le contrôle
de la Chambre des Comptes repose. Mais la Chambre peut disposer d'autres
éléments d'informations susceptibles de l'orienter dans ses
investigations.
Quant aux textes (textes généraux sur la
comptabilité publique, textes spécifiques aux organismes
publics), ils sont nécessaires a la vérification du respect des
procédures, de la régularité des recettes et des
dépenses.
> Enquêtes menées sur pièces et
sur place
Le magistrat chargé d'instruire le dossier, travaille
d'abord dans son bureau en examinant les pièces comptables qui lui ont
été transmises obligatoirement par le comptable a l'appui du
Compte de Gestion.
Le contrôle peut également avoir lieu sur place.
Le magistrat accompagné par son équipe peut se rendre sur place
et interroger aussi bien le comptable que les gestionnaires de l'organisme
public, objet du contrôle. Il peut poser toutes questions susceptibles de
préciser le rapport qu'il présentera a la Chambre.
Les représentants, les administrateurs, les
fonctionnaires ou agents des collectivités et établissements
publics doivent répondre a la convocation de la Chambre des Comptes.
Ces personnes sont tenues sous peine de sanction, de
communiquer aux rapporteurs qui le leur demandent, tout document et de fournir
tout renseignement sur la gestion des services et organismes soumis au
contrôle. L'équipe de vérification peut se rendre dans ces
services et organismes. Dans ce cas, toutes les dispositions doivent être
prises pour permettre au rapporteur
de prendre connaissance des écritures et documents
tenus, en particulier des pièces justifiant le recouvrement des
recettes, l'engagement, la liquidation et le paiement des dépenses. Les
rapporteurs peuvent se faire délivrer copie des pièces
nécessaires a leur contrôle.
Enfin, les rapporteurs ont accès a tous les immeubles,
les locaux et les propriétés dépendant de l'organisme
public contrôlé, pour procéder a la vérification des
fournitures, matériels, travaux de construction ; par exemple,
contrôle sur place de tenue de stocks, inventaires de matériels,
état des lieux, etc.
> Enquêtes auprès des autres
administrations
Les magistrats peuvent demander des renseignements a tout
représentant, administrateurs, fonctionnaires ou agents de l'Etat en
fonction dans toute administration (préfecture, ministère etc.).
La Chambre peut se faire communiquer des rapports des services d'inspection et
des services de contrôle. Ces services sont bien évidemment une
source particulièrement importante d'informations pour apprécier
la gestion de l'organisme public en cause.
> Enquêtes auprès des
sociétés et organismes privés
Afin d'exercer tout droit de communication, la Chambre peut
être amenée au besoin, a recueillir les informations de tous
organismes privés. La Chambre doit évidemment prendre toutes
mesures pour assurer le caractère confidentiel des renseignements
recueillis. Ces renseignements ne doivent être utilisés qu'avec
rigueur et discrétion.
> Organisation d'une procédure
contradictoire
Les procédures devant la Chambre des Comptes sont
d'essence contradictoire. Dans le domaine juridictionnel, la procédure
contradictoire est assurée par le double arrêt, le premier n'ayant
qu'un caractère provisoire et permettant au comptable de répondre
aux observations de la Chambre et le second est définitif. Il peut
prendre la forme d'arrêt de décharge, d'arrêt de quitus ou
d'arrêt de débet.
4- Les sanctions du contrôle
D'une manière générale, les
modalités de répression varient selon la nature des fautes et
irrégularités commises et la qualité de leurs auteurs. La
Chambre peut:
- exercer un pouvoir propre de sanction en infligeant par un
arrêt, des sanctions pécuniaires (amendes, débets) aux
ordonnateurs coupables de gestion de fait ou de faute de gestion et aux
comptables publics ;
- saisir des autorités hiérarchiques en vue des
sanctions administratives a prendre a l'encontre des ordonnateurs ayant commis
certaines irrégularités ;
- transmettre aux autorités compétentes les
constatations qui paraissent de nature a entraIner la mise en jeu de la
responsabilité pénale de leurs auteurs. Il est important de noter
la sanction morale que constitue la publication des rapports de
contrôle.
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