C- Contributions antérieures sur l'apurement
juridictionnel des comptes de fin de gestion
Sidi Sossoh DIARRA (2008),
Vérificateur Général du Mali, voit en la reddition des
comptes l'occasion donnée aux citoyens d'apprécier la facon dont
les fonds publics sont collectés et dépensés et ainsi, de
se faire une idée sur l'efficacité du gouvernement, un des
indicateurs bien connus de la gouvernance. Pour lui, la reddition des comptes
est donc un moyen de renforcer la gestion publique, d'améliorer la
qualité des services offerts aux populations et de lutter contre le
gaspillage des ressources.
Selon Rémi KOSSOUHO (2008), la
production du Compte de Gestion de l'Etat est une charge de fonction qui
s'impose aux comptables principaux ou en cas de décès, à
leurs héritiers (...). C'est une obligation d'ordre public dont
l'exécution est suivie par la Chambre des Comptes qui, au besoin, la
réclame. Cette dernière doit veiller à la production des
comptes et, en cas de retard, appliquer les amendes prévues aux articles
143 et 161 de la Loi 2004-20 du 17 août 2007.
Corriger l'élaboration tardive du Compte de Gestion de
l'Etat est également une préoccupation sous régionale. Les
Présidents des Juridictions Financières des Etats membres de
l'UEMOA, les Conseillers à la Cour des
Comptes de l'Union, les Directeurs Généraux du
Trésor et de la Comptabilité Publique et les Comptables
Principaux des Etats membres de l'UEMOA en ont discuté lors d'une
réunion qu'ils ont tenue les 12 et 13 août 2008 a Saly
(Sénégal). Au cours de cette rencontre placée sous le
thème: (<l'obligation de la production des Comptes de Gestion
dans les délais réglementaires et en état
d'examen», des difficultés ont été
soulignées par les Etats-membres, relativement a la production
régulière de leurs Comptes de Gestion. Au nombre des
difficultés évoquées, telles que
énumérées au (<Bulletin hebdomadaire N° 213 de
l'UEMOA, semaine du 18 au 24 août 2008 , il est loisible de
mentionner :
- l'absence de nomenclature des pièces justificatives dans
certains Etats ;
- le retard dans l'extension du système informatique a
tout le réseau des comptables publics ;
- l'absence d'harmonisation des procédures de confection
des Comptes de Gestion au sein de l'Union ;
- l'instabilité des réseaux électriques dans
les Etats ;
- l'insuffisance du personnel en quantité et en
qualité dans les postes comptables pour la reddition des Comptes de
Gestion dans les délais ;
- l'absence de formation continue du personnel dans les postes
comptables ;
- la mobilité constante du personnel commis aux
tâches de production et de transmission des Comptes de Gestion.
Aussi, ressortit-il des débats, la nécessité
:
- de recruter et de former les personnels des postes comptables
;
- d'accélérer l'informatisation et/ou son extension
a tous les services en charge de la tenue de la comptabilité de l'Etat
;
- d'instituer la comptabilité a partie double au niveau
des administrations financières.
Dans une optique comparative, on notera qu'au Canada, la
préoccupation de la crédibilité du Compte de Gestion de
l'Etat prévaut au respect de son délai de production. En effet,
la fiabilité de l'information présentée dans le rapport de
gestion5 est un impératif. Sans elle, tout le processus de
reddition des comptes peut être remis en question, quand bien même
elle serait faite en temps réglementaire. D'après Luc
MENIER (2002), un rapport de gestion doit :
- focaliser l'attention sur les aspects critiques en accordant la
priorité aux aspects essentiels de la performance ;
- établir un lien entre les objectifs et les
résultats ;
- présenter les résultats en faisant ressortir :
la capacité d'atteindre les objectifs fixés ou de s'en approcher,
les résultats obtenus et les principaux risques qui ont influencé
les différents choix de la gestion ;
- établir un lien entre les ressources et les
résultats ;
- présenter une information comparative de la gestion
concernée et des gestions qui lui sont antérieures ;
- aborder la question de la fiabilité de l'information
: au Québec, la Loi sur l'Administration Publique
prévoit une déclaration de la Direction du Trésor
attestant de la fiabilité des données contenues dans le Rapport
annuel de Gestion.
Selon les termes des articles 151 et 152 de la Loi
N°2004-20 du 17 août 2007 portant Règles de Procédures
applicables devant les Formations Juridictionnelles de la Cour Suprême, a
l'issue des différents contrôles de régularité et de
sincérité opérés sur les Comptes de l'Etat, les
magistrats rapporteurs élaborent un rapport provisoire qui est
adressé au Ministre chargé des Finances et éventuellement,
aux administrations concernées par lesdites observations. Chacune des
administrations est alors tenue de répondre par écrit aux
observations des magistrats dans un délai de quinze (15) jours. A
l'expiration de ce délai, la chambre examine, en présence des
administrations
5 Compte de gestion au Bénin
interrogées si elle le juge nécessaire, le
rapport des magistrats ainsi que les réponses écrites et
observations orales complémentaires apportées a leurs questions.
Au terme de cet examen, la chambre se réunit en séance pour
délibérer et arrêter définitivement le rapport sur
l'exécution de la Loi de Finances.
Dans la législation francaise, il existe des
dispositions similaires mais une différence se situe au niveau des
délais. En effet, au lieu d' une durée qui ne peut être
inférieure a un mois » en France, le temps accordé au
Comptable Principal de l'Etat au Bénin, pour produire son mémoire
en réplique est désormais de quinze jours. (Articles R.131-3,
R.131-4 et R.131-5 de la partie Réglementaire du Code des
juridictions financières Annexé au décret 2000-338 du
14 avril 2000, France).
D'après la Corporation des Officiers Municipaux
Agréés au Québec, la reddition des comptes consiste
principalement a déposer un rapport au citoyen pour rendre compte de la
réalisation des engagements initiaux. Au niveau du gouvernement, elle se
fait au moyen d'un rapport annuel de gestion. La reddition des comptes est une
étape essentielle de la Gestion Axée sur les Résultats
(GAR). Un guide sur la reddition des comptes rappelle donc les concepts
associés aux différents éléments de la GAR. Il vise
par ailleurs, la transparence des élus dans leurs actions ainsi que la
présentation aux citoyens des résultats atteints en fonction des
objectifs établis. (Guide sur la reddition de comptes des
indicateurs de gestion municipaux auprès des citoyens, QUEBEC, juin
2005).
Par ailleurs, lors de la réunion de l'UEMOA
citée supra qui s'est tenue les 12 et 13 août 2008 a Saly
(Sénégal), l'absence de manuel de procédures de reddition
des comptes publics dans certains Etats de l'UEMOA dont le Bénin, a
aussi été relevée parmi les problèmes majeurs
auxquels sont confrontés ces pays. (Bulletin hebdomadaire N°
213 de l'UEMOA, semaine du 18 au 24 août 2008) Cela témoigne
de la prise de conscience par l'Union du concours
important que pourrait apporter l'usage de ce document dans la
bonne reddition des comptes publics.
Arlette PREAUD, Marouf ALABI CHITOU
et Rémi KOSSOUHO (2008) relèvent que
l'objectif du manuel de procédures de reddition des Comptes de l'Etat
est de définir l'ancrage juridique de la reddition des comptes, les
normes juridiques, les principes et modalités de cette reddition ainsi
que les éléments constitutifs desdits comptes. Il est utile ici
de préciser que ces trois experts ont été
sollicités par le ProReGAR pour élaborer ledit manuel pour le
Bénin. C'est la preuve que les partenaires techniques et financiers
souhaiteraient voir la reddition des comptes annuels de l'Etat béninois
s'améliorer.
L'une des finalités de la production des comptes de fin
de gestion est, bien attendu, leur mise en état d'examen pour le vote du
Projet de Loi de Règlement.
Ce vote n'ayant pas eu la même importance dans le temps,
certains auteurs se sont attardés sur les mobiles du
désintérêt que les parlementaires ont a son encontre.
|