4.10.4. Mise en évidence des critères
d'estimation des effets du CEF
Il n'est pas évident de percevoir les effets du CEF
après deux années d'expérimentation seulement et surtout
que les formations ont été brèves. Cependant quelques
effets directs peuvent être perceptibles à court terme :
- le changement des habitudes culturales qui n'est pas toujours
estimé en terme de quantité ;
- la prise de décision n'est possible que dans une
situation où il y a plusieurs alternatives. Ceci
permet au paysan de bien réfléchir, analyser
chaque alternative, ressortir les principaux avantages et inconvénients
afin de prendre une décision. La prise de décision est fortement
influencée par les moyens (contraintes et opportunités) dont
dispose le paysan ;
- il est difficile d'estimer les effets isolés du CEF sur
les exploitations puisque les performances
d'une exploitation sont la résultante de plusieurs
actions combinées. Dans la zone d'étude par exemple, avant
l'arrivée du CEF, les paysans avaient suivi des formations avec d'autres
structures à l'instar de la SODECAO, l'ICRAF, le CIFOR, le MINADER pour
ne citer que celles-ci ;
- les perceptions des effets du CEF peuvent être
quantifiées (performances technico-économiques) mais après
deux années de mise en oeuvre, ces perceptions sont plus qualitatives et
concernent les changements de pratiques.
Ces mêmes critères avaient déjà
été mis en évidence par Daouda (2002) sous le terme grille
d'analyse des effets du conseil de gestion. Cette grille cherche à
mettre en évidence les changements observés dans le processus de
prise de décision du paysan qui est déterminant sur les
performances de l'exploitation en terme de production et de revenu. Dans le cas
précis de l'évaluation du CEF à Akonolinga, la
méthode proposée par Rebuffel en 1996 semble être
appropriée pour une caractérisation des effets du CEF puisqu'elle
tient aussi compte des résultats et des pratiques des exploitations qui
ne sont pas en conseil. Cette méthode propose que, pour faire une
évaluation des effets du CEF, il faut suivre un groupe de paysan en CEF
et un autre qui n'est pas en CEF au moins sur trois années.
4.10.5. Le CEF et la croissance pro pauvre
L'éradication de la pauvreté est au centre de
plusieurs politiques de développement du secteur rural. La
pauvreté est beaucoup plus vue sous son angle économique telle
que la pauvreté monétaire (faible consommation), pauvreté
des conditions de vie (insécurité alimentaire, difficultés
d'accès à l'éducation et aux soins de santé). La
pauvreté économique caractérisée par un faible
capital, une faible épargne, un faible investissement, et un faible
revenu, constitue ce que Nuske a appelé cercle vicieux de la
pauvreté.
La construction d'une bonne base de décision
(décision de production) peut aboutir à un bon résultat
(amélioration de la production et du revenu). Or Balep (2005) a
montré que l'amélioration de la production entraîne une
amélioration du revenu qui à son tour améliore
l'épargne et enfin augmente le niveau d'investissement. Miste (2008)
montre que le CEF a un impact positif sur la croissance pro pauvre. Les
résultats de ces deux auteurs ont permis de mettre en évidence
l'action du CEF sur la réduction de la pauvreté en milieu rural
(figure 13).
Amélioration de la production agricole
Augmentation du revenu
Satisfaction besoins de base (santé,
éducation, nutrition)
Prise de décision Changements de pratiques Suivi des
cultures
Choix des spéculations Investissements
Prise de conscience Raisonnement Acquisitions
des connaissances
Sécurité alimentaire
Epargne (sensibilisation à l'épargne)
Stabilité du ménage
Formation ADEAC en CEF (stimule la
réflexion)
Moyens : contraintes et opportunités
Exploitation
Figure 13. Action du CEF sur la réduction de la
pauvreté. Source : Adapté de Misté (2008 : 45)
Chaque exploitation a des objectifs à atteindre
même s'ils ne sont pas parfois matérialisés. Le CEF stimule
la réflexion chez les paysans, ce qui amène ces derniers non
seulement à prendre conscience mais aussi à enrichir leurs
connaissances. L'étude montre que, à Akonolinga, l'application du
CEF a eu une influence positive sur la façon de penser de certains
paysans. Près de 74% des paysans ont suivi les formations sur le CEF
parmi lesquels 94% ont mis en application les connaissances acquises. Ceci nous
amène à constater que ces paysans ont pris conscience et ont
apporté un changement dans leurs pratiques agricoles. Au terme de
l'enquête, il ressortait que chaque paysan avait perçu un
changement dans son exploitation notamment l'augmentation du rendement et du
revenu. Ces paysans ont affirmé qu'ils répartissent mieux leur
revenu entre les dépenses du ménage. D'après les
responsables des caisses de l'ADEAC, les paysans se familiarisent
progressivement à l'épargne car selon eux, l'épargne
moyenne annuelle est estimée aujourd'hui à 6000 FCFA contre 5000
FCFA en 2005-2006.
Ces données laisseraient penser que le CEF à une
action positive sur la réduction de la pauvreté à
Akonolinga. Mais comme l'a souligné Havard (2002), l'impact du CEF sur
les exploitations n'est perçu qu'à moyen et long terme. En plus
Misté (2008) précise que l'action du CEF sur la croissance
propauvre ne peut être estimé qu'à long terme. . Donc dans
le cas spécifique d'Akonolinga où le CEF n'est que à deux
années d'expérimentation, et vu les difficultés que chaque
acteur a pour s'approprier la démarche, il n'est pas possible de mettre
en évidence un impact positif du CEF sur la croissance pro-pauvre. Seuls
des études plus approfondies s'étalant sur des années
d'application effective du CEF pourront tirer des conclusions à ce
sujet.
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