a)La politique monétaire de la BEAC de 1973
à 1990
Durant cette période, l'objectif final de la politique
monétaire n'était pas explicitement énoncé dans
les statuts de la BEAC. En effet, les statuts de la BEAC de 1972 ne
définissent pas clairement l'objectif de la politique
monétaire. Mais la pratique de la conduite de la politique
7 République Centrafricaine.
8 La Guinée-équatoriale rejoint la BEAC
en 1985.
monétaire de cette période semble indiquer que
celle-ci visait à la fois la promotion de la croissance
économique, le plein emploi et la préservation de la
parité fixe du Franc CFA.
Les instruments utilisés par la BEAC entre 1973 et 1990
peuvent être regroupés en trois catégories selon qu'ils
consistent à agir sur les taux d'intérêt, qu'ils affectent
directement le volume global du crédit ou qu'ils tendent à
l'orienter vers les opérations économiques et les secteurs
jugés prioritaires par les pouvoirs publics. Il s'agit notamment de l
`administration des taux d'intérêt ; la fixation des plafonds
globaux de réescompte et de la sélectivité du
crédit.
La politique des taux d'intérêt
visait en général deux objectifs à savoir, agir
indirectement sur le volume global du crédit d'une part et sur les
mouvements de capitaux avec l'extérieur d'autre part grâce aux
différents taux d'escompte. Par le contrôle quantitatif du
crédit, les autorités monétaires de la BEAC visaient
à contenir la masse monétaire dans les limites compatibles avec
le développement économique des Etats membres. Deux facteurs
dominent la politique du taux d'escompte de la BEAC à savoir :
l'environnement extérieur (situation des taux dans le reste du monde) ;
et la situation interne de distribution du crédit. Le caractère
évolutif de ces facteurs condamne tout immobilisme du taux
d'escompte.
La modification des taux d'escompte a été
longtemps considérée comme le principal instrument d'action dans
le domaine monétaire, mais l'expérience a conduit à
tempérer cette conviction, il peut être fait recours à
d'autres procédés de contrôle pour parvenir à une
régulation quantitative de la distribution du crédit. C'est le
cas notamment, dans le cadre du contrôle par le réescompte, de la
fixation des limites absolues aux concours de la Banque Centrale ou plafonds de
réescompte.
La fixation des plafonds globaux de
réescompte aux banques permet de mieux contrôler la
progression des crédits. C'est une technique de dissuasion
particulièrement efficace, elle a pour objet principal de doser
quantitativement le volume des crédits distribués et permet en
outre de prendre en considération, au moment où elle est
décidée, le critère de l'utilité économique
des opérations appelées à bénéficier des
crédits.
Le contrôle quantitatif, quelqu'efficace qu'il puisse
être, ne permet pas de résoudre tous les problèmes qui
peuvent se poser à l'occasion de la distribution du crédit, il
doit être complété par un contrôle qualitatif des
crédits distribués. Ce contrôle qualitatif a pour objet de
favoriser
une orientation du crédit, en fonction de
l'intérêt que présente les diverses catégories
d'opérations économiques au regard du développement.
La sélectivité des taux est la pratique par
l'Institut d'Emission de taux discriminatoires. La BEAC procédait
à une orientation dans le cadre de ses interventions de
réescompte en pratiquant des taux plus ou moins avantageux selon la
nature des opérations auxquelles elle apportait son appui. .
D'autres mesures de contrôle qualitatif du crédit
étaient mise oeuvre par la BEAC à savoir la
sélectivité des plafonds de
réescompte9, la sélectivité
par le choix des accords de mobilisation10 et le
coefficient d'emploi des dépôts en crédit non
réescomptables11.
La crise du milieu des années 1980 a
révélé la fragilité de la politique
monétaire et l'inefficacité de celle-ci. L'entrée dans la
crise s'est traduite par l'apparition d'importants déficits publics pour
se situer en moyenne à environ 15% du PIB (Bekolo-Ebe, 2001), des
déficits de la balance des opérations courantes, l'effondrement
du système bancaire et des tensions inflationnistes. En 1988 par
exemple, le déficit de la balance des opérations courantes
était chiffré (en millions de Franc CFA) à 85776 au
Cameroun, 10664 en RCA, 132702 au Congo, 183345 au Gabon et 5908 en
Guinée-équatoriale.12 En ce qui concerne le
système bancaire de la sous-région, il était
composé au début des années 1980 d'une quarantaine de
banques commerciales. La crise a entraîné la liquidation de
quatorze banques, le reste a été soit privatisé soit
restructuré. Quant aux tensions inflationnistes, elles sont apparues
dans certains pays notamment au Cameroun où l'inflation se situait
à 13,15% en 1987, au Gabon et en RCA avec une inflation respectivement
de 7,36% et 10,4% en 1985 (Mondjeli, 2008).
9 La Banque Centrale pratiquait la
sélectivité des plafonds selon l'utilité économique
des demandes de crédit qui lui sont présentées. Une
distinction était faite entre le plafond des opérations courantes
et le plafond des opérations indexées. Si le premier était
fixé de manière absolue, le second, destiné à
couvrir les besoins de financement des campagnes agricoles que les pouvoirs
publics privilégiaient, était en revanche variable en fonction du
volume de la production et du prix d'achat au planteur.
10 Pou être mobilisable auprès de la
BEAC, les opérations de crédit devaient avoir obtenu un accord
préalable de réescompte. Par ce biais, la Banque Centrale
opère une sélection des demandes de crédit en fonction de
la situation financière de l'entreprise, de son secteur
d'activité, cherchant particulièrement à favoriser la
clientèle nationale.
11 Le but est d'orienter les ressources bancaires vers
les opérations économiques et les secteurs prioritaires.
12 Les statistiques sont issues des bulletins
d'études et statistiques de la BEAC.
La politique monétaire n'a pas été
efficace au sens de Bakkus et Driffil (1985)13. Elle n'a pas eu les
effets escomptés ou du moins a commencé à présenter
des signes de faiblesse en particulier sur l'objectif final de
développement économique. En effet, le taux de croissance du
PIB/tête se situe sur la période 1985-1989 autour de -0,98% dans
la sous-région avec des taux respectivement de -2,23 ; -2,7 ; -3,56 ;
-1,09 et -1,86% respectivement au Cameroun, Gabon, Congo, RCA, et en
Guinée-équatoriale (Mondjeli, 2008). La politique des taux
d'intérêt, pratiquement administrés, s'est
révélée peu souple par rapport aux fluctuations
incessantes du marché intérieur de la liquidité et des
marchés monétaires et financiers extérieurs auxquels les
économies de la Zone se sont connectées. La politique
sélective du crédit n'a pas eu les effets escomptés ; elle
a plutôt introduit des distorsions au niveau de l'allocation des
ressources (Mondjeli, 2008).
Au niveau théorique, la politique
monétaire de la BEAC entre 1973 et 1990 repose sur les postulats de la
répression financière14. Selon la
théorie de la répression financière, les économies
doivent encourager une politique des taux d'intérêt
administrés et de faible coût de la liquidité pour
favoriser certains investissements entraînant un processus de croissance
économique. Cette thèse a été vivement
critiquée par Mckinnon (1973) et Shaw (1973). L'idée de ces
auteurs est que la politique de répression financière crée
des distorsions dans l'allocation des ressources favorisant des secteurs peu
rentables à l'instar du secteur public ; ce qui a favorisé
l'apparition d'importants déficits internes et externes.
S'agissant de l'aspect pratique, Bekolo-Ebe
(2001) fait quatre constats ayant caractérisé le fonctionnement
de la politique monétaire à cette période.
Le premier est ce que l'auteur appelle le statisme de la
politique monétaire. Celle-ci a toujours eu pour objectif de
développer une économie de production de cultures de rente ou
d'exploitation minière et de favoriser les importations de produits
manufacturés. Le second fait référence au contrôle
de l'activité des banques et des établissements de crédit
dont les mécanismes s'avèrent inefficaces,
caractérisés par un manque d'indicateurs permettant
d'évaluer la santé des banques. Le troisième constat
concerne le poids important de l `Etat dans les ressources des banques
commerciales dont la conséquence a été de graves
difficultés de trésorerie enregistrées par ces banques au
fur et à mesure que les tensions de liquidité se faisaient
ressentir au niveau des finances publiques. Le quatrième constat enfin
est relatif à la
13 Bakkus et Driffil (1985) définissent une
politique monétaire efficace comme celle qui produit l'effet attendu et
dans ce cadre, l'effet attendu est l'objectif final.
14 Pour un exposé sur la théorie de la
répression financière lire Guillaumont (1998).
structure des créances de l'économie par des
activités d'intermédiation et de spéculation au
détriment des activités de production.
L'ensemble de ces contraintes ne pouvait mener qu'à la
crise et amplifier les conséquences de celle-ci. La réforme de la
politique monétaire de la BEAC était donc impérative au
regard du contexte de l'heure.
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