b) La politique monétaire de la BEAC depuis
1990
Dès 1990, les autorités monétaires de la
BEAC ont entrepris des réformes significatives qui consistent à
l'abandon des mécanismes rigides au profit des méthodes de
régulation plus souples, proche du marché. Ces réformes
concernent la politique des taux d'intérêt, la mise en place d'un
nouveau dispositif prudentiel avec le fonctionnement effectif de la
COBAC15 et l'instauration du marché monétaire et de la
programmation monétaire.
La politique rénovée des taux
d'intérêt passe par la suppression des taux
privilégiés et bonifiés et le relèvement progressif
du taux des avances aux Trésors. Cette politique introduit
également une grande flexibilité dans le maniement des taux
d'intérêt qui sont fixés en fonction de la conjoncture
internationale et de la situation économique et financière des
Etats. Elle permet enfin la libéralisation des conditions de banques
avec un élargissement des marges bancaires qui favorise une
régulation par le marché et non plus par une détermination
administrative des taux. Le principe de base est celui de la négociation
entre banques et clients ; seuls deux taux sont fixés à savoir le
taux débiteur maximum et le taux créditeur minimum.
La BEAC utilise quatre taux directeurs fixés par le
Gouverneur par délégation du conseil d'administration. Ces taux
sont : le taux d'intérêt sur les appels d'offres « positifs
» (TIAO) 16; le taux d'intérêt sur les placements
des banques (TIPS) 17; le taux d'intérêt des prises de
pension (TIPP) 18et le taux de pénalité aux banques
(TP)19.
15 Commission Bancaire d'Afrique Centrale, organe
chargé de la supervision et de la surveillance de l'activité
bancaire dans la sous-région CEMAC.
16 LE TIAO est un taux de refinancement accordé
aux banques qui y soumissionnent, fixé dans le cadre des appels d'offres
« à la française » en tenant compte de la conjoncture
interne et externe. Il constitue le principal taux directeur de la BEAC. En
général, le coût de la monnaie centrale mise à la
disposition du système bancaire tient compte des taux pratiqués
sur le compartiment interbancaire du marché monétaire.
La mise en place du marché
monétaire a été effective à partir du
1er Juillet 1994. Un des objectifs visés par la
création d'un marché monétaire est de modifier les
conditions de refinancement. Le marché monétaire est
organisé à deux niveaux à savoir, le marché
interbancaire, compartiment sur lequel les établissements de
crédit échangent leurs excédents de liquidité et le
compartiment des interventions de la Banque Centrale où celle-ci est
amenée à intervenir pour refinancer le système
bancaire.
La BEAC utilise depuis l'instauration du marché
monétaire, les instruments directs pour ses interventions. Elle dispose
de trois types d'instruments à savoir, les plafonds de refinancements
des banques, les taux d'intérêt et les réserves
obligatoires.
Le but de la programmation monétaire
est de faire des prévisions sur un an des agrégats
monétaires et de déterminer le montant maximum des concours de la
BEAC. Sa démarche est macroéconomique et prend implicitement en
compte l'évolution de l'activité économique, l'objectif
des avoirs extérieurs et la situation des finances publiques. Il s'agit
concrètement d'arrêter des objectifs de croissance des
agrégats de monnaie et de refinancement compatibles avec l'objectif
final de la politique monétaire. Ainsi une relation est établie
entre politique monétaire, politique budgétaire, perspectives de
croissance et contrainte extérieur. Entrée en vigueur au Cameroun
le 1er Septembre 1991 et le 1er Janvier 1992 dans les
autres pays de la sous-région.
L'objectif final de stabilité
de la monnaie 20est clairement énoncé dans
les statuts de la BEAC (2007) à l'article 1er. Il est
également défini par l'article 21 de la convention
régissant l'UMAC.
D'un point de vue théorique, la BEAC
après la réforme de 1990, a adopté deux principes
essentiels que l'on peut attribuer à la théorie
monétariste. Le premier consiste à faire de la
stabilité des prix le but ultime de la politique monétaire. Ce
principe découle du fait que la stabilité des prix est
reconnue comme condition nécessaire pour garantir une
évolution
17 Le TIPS est appliqué dans le cadre des
appels d'offre négatifs en prenant en compte l'évolution des
facteurs tant internes qu'externes de manière à limiter la sortie
des capitaux sans pour autant créer la déprime au niveau des
transactions interbancaires. Il a été instauré en janvier
1996 et varie selon les échéances (7,28 et 84 jours).
18 Le TIPP est égal au taux des appels d'offres
majoré de 1,5 à 3 points.
19 Le taux de pénalité est
supporté par les établissements de crédit en cas de
manquements graves à la réglementation bancaire, aux
règles de distribution du crédit, et à titre exceptionnel
en cas de découvert en l'absence de papier éligible. Ce taux est
égal à deux fois le TIAO.
20 La stabilité monétaire comprend
comprend d'une part la stabilité interne qui correspond à un taux
d'inflation faible et d'autre part la stabilité externe qui renvoie
à un taux de couverture de la monnaie suffisant ( le seuil minimal est
de 20% d'après la BEAC).
durable d'une économie le long de son sentier
de croissance potentiel. Le deuxième consiste à accepter
le postulat selon lequel l'inflation est phénomène
essentiellement monétaire. Il découle de la TQM qui met en
exergue le rôle causal de la monnaie dans le processus inflationniste de
long terme lorsque la vitesse de circulation des agrégats de monnaie est
stable. Au sein de l'école monétariste, ces principes eurent
comme implication la plus notable la recommandation formelle faite par Friedman
(1960) à la FED21 d'utiliser une règle passive de
politique monétaire sous forme d'un objectif de croissance de la monnaie
centrale de 4% par an (soit au même rythme que le produit réel
global).
Au niveau des performances empiriques, la BEAC connaît
une relative stabilité des prix. Depuis près d'une
décennie, le taux d'inflation de la BEAC oscille entre 0,5% et 6%. Cette
relative stabilité de la BEAC cache quelques périodes de tensions
inflationnistes enregistrées par les pays membres. En dehors de la forte
pression inflationniste des années 1994 et 1995 due en partie à
la dévaluation du Franc CFA, certains pays au cours de la période
connaissent des taux d'inflation à deux chiffres c'est le cas du Tchad
en 2001 avec une inflation de 12,4% et du Congo en 1997 qui enregistre un taux
de 16,6%. La Guinée-équatoriale fait égale ment face
à une inflation élevée avec 8,8% ; 7,6% ; et 7,3%
respectivement en 2001 ; 2002 et 200322 . Il convient de noter que
ces pays ont souvent connu des taux d'inflation négatifs et que ces taux
d'inflation élevés sont en partie la conséquence du boom
pétrolier observable dans la plupart des pays de la sous-région
(Mondjeli, 2008).
21 Federal Reserve Bank
22 Statistiques tirées des rapports annuels de
la BEAC.
|