2-2) L'apport de la nouvelle école classique
(NEC)
Les clivages entre Friedman et les économistes de la
nouvelle école classique portent essentiellement sur la
modélisation des anticipations : anticipations adaptives pour le premier
; rationnelles pour les seconds. En conséquence, si Friedman admet que
les politiques d'expansion monétaire peuvent avoir un effet transitoire
sur l'activité économique et l'emploi, les économistes de
la NEC considèrent de manière plus radicale que les effets
inflationnistes d'une politique monétaire expansive sont
immédiatement anticipés par les agents et sont sans effet
même à court terme (courbe de Phillips verticale à court
terme).
Les différences entre Friedman et Hayeck sont plus
importantes. Elles portent sur deux points essentiels : l'analyse du rôle
de la monnaie et les recommandations en matière de politique
économique. Friedman adhère globalement à la vision
dichotomique (sphère monétaire/sphère réelle) de la
TQM : la création monétaire est considérée comme
neutre dans le long terme. Inversement, Hayeck soutient que la création
de monnaie peut avoir des effets durables sur l'activité
économique : elle entraîne une distorsion des prix relatifs et
induit une allocation sous-optimale des ressources qui aura des effets
irréversibles. Si les deux auteurs sont favorables à la politique
monétaire neutre, ils s'opposent quant aux moyens à mettre en
oeuvre pour atteindre cet objectif. Friedman recommande une progression stable
de la masse monétaire (règle du K%) en relation avec
l'évolution de la croissance économique réelle. Hayeck
propose quant à lui de supprimer le monopole de la Banque Centrale et de
soumettre la création monétaire de monnaie aux lois du
marché (concurrence entre monnaies privées). On peut aussi
noté que Friedman s'est prononcé pour système de change
flexible, alors que Hayeck est plutôt favorable à un
système de change fixe.
Si la NEC (Lucas, Barro, Sargent, Wallace) reprend à
son compte les hypothèses monétaristes, (prix flexibles,
économie à équilibre, chômage naturel,
neutralité de la monnaie), elle n'en constitue pas moins une
radicalisation des thèses développées par Friedman. En
effet, la NEC a pour ambition de montrer que la monnaie est neutre même
à court terme renouant ainsi avec la vision dichotomique stricte des
auteurs classiques ; les politiques économiques conjoncturelles restent
sans effet sur l'activité réelle dès lors qu'elles sont
anticipées par les agents ; les fluctuations cycliques sont la
réponse optimale de l'économie à des chocs
exogènes, ceci ôte toute légitimité à
l'intervention étatique. Telle est en particulier la thèse
développée par l'école des cycles réels (De Long,
Plosser, Kydland, Prescott) ; ces auteurs aboutissent à une conclusion
très originale mais bien peu réaliste quant à
l'évolution de l'emploi : les fluctuations du taux de chômage sont
la réponse optimale des salariés à un choc
exogène.
Le modèle de Barro (1983) illustre
précisément les effets d'une politique monétaire
discrétionnaire. Il est supposé que les ménages
déterminent le niveau du salaire nominal avant que la Banque Centrale ne
fixe son offre de monnaie ; le problème qui se pose alors aux
ménages est d'anticiper la décision de la Banque Centrale,
puisque celle-ci va déterminer le salaire réel. Une erreur
d'anticipation entraînerait soit du chômage (si le salaire
réel est trop élevé) soit une perte de pouvoir d'achat (si
le salaire réel s'avère trop faible). La Banque Centrale souhaite
une inflation aussi faible que possible mais supérieure à celle
anticipée par
les agents privés, ce qui permet de stimuler
temporairement l'activité. Partant de ces hypothèses, Barro et
Gordon montrent qu'en absence d'accord crédible sur une inflation nulle,
le jeu des anticipations conduit à un biais inflationniste. Si l'Etat
fait de « l'inflation surprise », alors les agents s'attendent
à la déflation. Une telle politique discrétionnaire permet
certes de faire baisser le chômage à court terme, mais
génère une perte de crédibilité à long terme
: les agents ayant été trompés une fois anticiperont
à l'avenir une forte inflation. Les politiques discrétionnaires
se heurtent à ce que les nouveaux classiques dénomment «
l'incohérence temporelle des politiques optimales» : une politique
qui est optimale en t1 (faire de l'inflation surprise) ne l'est plus aux
périodes suivantes compte tenu des anticipations rationnelles des
agents.
Les politiques discrétionnaires étant prise en
défaut, pour les nouveaux classiques, les gouvernements doivent asseoir
leur politique économique sur des règles et renoncer à
toute velléité de relance. Deux types de règles sont
généralement distingués : en premier lieu les
règles de comportement, il s'agit d'acquérir auprès des
agents une « bonne réputation » par exemple en matière
de lutte contre l'inflation. Pour ce faire, le gouvernement peut importer la
crédibilité en s'arrimant à une zone de changes fixes
menée par une monnaie forte ; le gouvernement peut aussi
crédibiliser son comportement en fondant sa réputation sur une
personnalité conservatrice, Rogoff (1985) estime ainsi qu'il faut nommer
à la tête de la Banque Centrale un conservateur ayant une
préférence pour l'inflation inférieure à la moyenne
nationale. En deuxième lieu, on distingue les règles de droit :
pour rendre crédible son action, le gouvernement doit se « lier les
mains » juridiquement, il s'agit de rendre indépendantes les
Banques Centrales du pouvoir politique, afin d'éviter notamment le
financement monétaire du déficit budgétaire.
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