De la décentralisation territoriale en RDC: regard sur l'autonomie organique et financière des Entités Territoriales Décentralisées.Cas de la commune d'Ibanda( Télécharger le fichier original )par Mushagalusa BALEGANA Université catholique de Bukavu - Licence en droit 2010 |
Abréviations et Sigles- CADECO : Caisse d'Epargne du Congo ; - D.G.D.A : Direction Générale des Douanes et accises ; - D.G.I : Direction Générale des Impots ; - D.G.R.A.D : Direction Générale des Recettes Administratives, Judiciaires, Domaniales et de Participation ; - E.I.C : Etat Indépendant du Congo ; - E.A.D : Entités Administratives Décentralisées ; - Ed : Editions ; - E.T.D : Entités Territoriales Décentralisées ; - F.C : Francs Congolais ; - F.E.C : Fédération des Entreprises du Congo ; - I.P.M : Impôt Personnel Minimum ; - J.O.R.D.C : Journal Officiel de la République Démocratique du Congo ; - MECREBU : Mutuelle d'épargne et de Crédit de Bukavu ; - N.U : Nouvelle Unité ; - Op. Cit. : Opere Citato ; - P.M.E : Petites et Moyennes Entreprises ; - P.N.C : Police Nationale Congolaise ; - P.U.F : Presses Universitaires Françaises ; - R.D.C : République Démocratique du Congo ; - U.C.B : Université Catholique de Bukavu. INTRODUCTION1. Problématique de rechercheLa décentralisation, comme on peut le croire, n'est pas une notion récente. Elle est le fruit des différentes évolutions et mutations qu'ont connues plusieurs Etats qui sont passés d'une administration centrale à une administration décentralisée, instituant dès lors, un pouvoir qui part de la base vers le centre en rapprochant plus les administrés de l'administration et cela dans le but de favoriser au mieux le développement socioéconomique des collectivités locales. La RDC n'a pas échappé à cette situation. Le constituant de 2006 1(*) a consacré la décentralisation dans notre pays. L'article 3 de la constitution dispose en effet : « Les provinces et les entités territoriales décentralisées sont dotées de la personnalité juridique et sont gérées par les organes locaux. Ces entités territoriales décentralisées sont : la ville, la commune, le secteur et la chefferie. Elles jouissent de la libre administration et de l'autonomie de gestion de leurs ressources économiques, humaines, financières et techniques». En application des dispositions constitutionnelles, le législateur a aussi édicté la loi organique n°08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les provinces2(*). Cette loi retient aussi la commune comme entité territoriale décentralisée. Elle dispose, en effet, à son article 5 alinéas 2 et 3 que «La ville, la commune, le secteur et la chefferie sont des entités territoriales décentralisées dotées de la personnalité juridique. Elles jouissent de la libre administration et de l'autonomie de gestion de leurs ressources humaines, économiques, financières et techniques».
Parler des entités territoriales décentralisées c'est faire allusion à l'autonomie dont jouissent ces dernières, laquelle autonomie prend souvent trois formes cumulatives dans la décentralisation : l'autonomie juridique, l'autonomie organique et l'autonomie financière3(*).
C'est l'autonomie organique et financière de la commune d'Ibanda en tant qu'entité territoriale décentralisée, qui nous intéressera dans le cadre de notre travail de recherche. L'autonomie organique, retenue par l'article 3 de la constitution, implique que les ETD disposent des organes propres formés de membres élus par la volonté de leurs citoyens respectifs. Elle a été réaffirmée par la loi n°08/016 du 07 octobre 2008 susmentionnée, lorsqu'elle détermine les organes respectifs aux ETD. Ces organes sont essentiellement le conseil urbain et le collège exécutif urbain pour la ville (art.7), le conseil communal et le collège exécutif communal pour la commune (art.47), et enfin le conseil de secteur ou de chefferie et le collège exécutif de secteur ou de chefferie pour la chefferie et le secteur (art.69). En focalisant notre attention sur la commune, ce sont donc le conseil communal et le collège exécutif communal qui en sont les organes. Selon les dispositions légales, le conseil communal est composé de conseillers communaux ou municipaux élus par les citoyens appartenant à la commune ; les conseillers communaux élisent à leur tour le bourgmestre et son adjoint conformément aux dispositions de la loi électorale, et enfin le bourgmestre désigne les deux échevins communaux. Le pouvoir central, les provinces et les autres entités décentralisées ne doivent pas s'immiscer dans le choix ou la désignation des membres formant les organes de telle ou telle autre entité décentralisée. C'est donc l'élection organisée dans chaque ETD qui fonde son autonomie organique. Cette autonomie dont jouissent les organes de la commune se répercute sur leur pouvoir de décision dans la mesure où les membres de ces organes décident librement sur les matières relevant de leurs compétences respectives conformément aux prévisions légales. Fort malheureusement, pour ne parler que de la commune, il n'y a jusque là pas de conseillers communaux ni de bourgmestre élus. Les bourgmestres dirigeant les communes ont été nommés par le pouvoir central, ce qui, naturellement, a un impact sur leur autonomie. Une autorité ainsi nommée serait plus tentée de satisfaire les intérêts et l'idéologie du pouvoir en place que d'oeuvrer pour le développement socioéconomique et le bien être de la population locale à l'égard de laquelle elle se serait sentie redevable si les élections locales avaient eu lieu. L'autonomie financière dont jouissent les ETD et qui nous intéressera en second lieu dans notre travail de recherche, a été énoncée par le législateur dans l'exposé des motifs de la loi n°08/016 du 07 octobre 2008. Il y est affirmé que c'est le principe d'autonomie financière qui permet à une entité territoriale décentralisée de disposer d'un budget propre, distinct de celui du pouvoir central, de la province et même des autres ETD. La Commune, comme tout autre ETD, a donc un budget propre reprenant ses dépenses et recettes. Comme l'affirme DEBBASCH, les difficultés financières des collectivités locales ne sont pas toujours ajustées à leurs attributions. Ce terrain financier est celui où la défaite de la décentralisation s'est marquée le plus nettement4(*). Par la décentralisation, le législateur a voulu que la commune se dote des ressources financières et les gère personnellement et librement. Ces ressources devront comprendre les ressources propres de la commune, les ressources provenant des recettes à caractère national allouées aux provinces, les ressources de la Caisse nationale de péréquation ainsi que les ressources exceptionnelles5(*) pouvant l'aider à subvenir aux besoins de développement au niveau local. Malheureusement les problèmes liés à la mobilisation des ressources par la commune restent énormes. Telle est la configuration de la commune d'Ibanda, une ETD dont nous aurons à analyser la question d'autonomie organique et financière tout au long de notre travail de recherche. Pour cette fin, notre réflexion va s'articuler autour des questions ci-après : - La commune d'Ibanda jouit-elle effectivement de l'autonomie organique ? - Tout en admettant que cette autonomie est violée par la nomination des autorités communales plutôt que par leur élection, quelles sont les modalités de cette nomination ? - L'exécutif communal, quoique non élu, fonctionne-t-il conformément à la loi ? - Qu'en est-il du contrôle exercé sur les actes des autorités communales et comment ce contrôle est-il assuré? - S'agissant de l'autonomie financière, la commune d'Ibanda en jouit-elle et l'exerce-t-elle effectivement ? Quels sont les problèmes liés à l'exercice du pouvoir financier par la commune? - Bien que la commune arrive à réaliser certaines recettes, les affecte-t-elle aux besoins de développement local comme l'aurait voulu la décentralisation? - Quelles peuvent être les pistes de solution à envisager pour favoriser l'émergence d'une commune d'Ibanda réellement autonome et efficace ? * 1 Constitution de la RDC, Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, 47ème année, n° spécial, 18 février 2006. * 2 Loi n° 08/016 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les provinces, JORDC, 49ème année, n° spécial, 10 octobre 2008
* 3 Philip LOIC et allii, Le dictionnaire encyclopédique des finances publiques, Paris, Ed. Economica, 1991, p.805. * 4 Charles DEBBASCH, Science administrative, Paris, éd. Dalloz, 1989, p.234. * 5 Article 105 de la Loi n° 08/016 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les provinces, op.cit. |
|