L'enquête des juridictions pénales internationales.( Télécharger le fichier original )par José Tasoki Manzele Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Docteur en droit 2011 |
Section II. Un Etat peut intervenir dans la procédure d'enquête soit pour y participer soit pour l'anéantirL'intervention d'une entité étatique dans l'administration de la justice pénale internationale pendant la procédure d'enquête passe par sa participation active, qui procède soit de sa décision de déférer au Procureur une situation dans laquelle il apparaît qu'un ou plusieurs crimes de la compétence du juge pénal international ont été commis, soit de sa volonté de coopérer activement et positivement avec le Juge pénal international. Ces deux modes d'intervention étatique, la saisine et la coopération, font l'objet d'une étude détaillée et séparée dans le cadre de cette thèse820(*). A proprement parler, la procédure de saisine du juge pénal international par le fait d'un Etat ne sert pas à limiter les pouvoirs du Procureur pendant son activité d'enquête. Certes, le Statut de Rome admet que si, après enquête, le Procureur conclut en l'inexistence d'une base suffisante pour engager des poursuites, il en informe entre autres l'Etat qui lui a déféré la situation criminelle de sa conclusion et des motifs sur lesquels repose sa décision821(*). Cette information fournie à l'Etat de renvoi ne se suffit pas en elle-même pour conclure que la saisine du juge limite les pouvoirs du Procureur pendant l'enquête. Cela serait contraire au principe de la liberté d'appréciation du Procureur. De même, la manifestation par un Etat de la volonté de coopérer avec le Procureur dans la recherche et la poursuite des crimes internationaux ne limite pas non plus les pouvoirs de ce Procureur pendant l'enquête. Cependant, en cas d'obstacle de fait, volontairement dressé par un Etat à la procédure de coopération, l'enquête du Procureur s'en trouve obstruée, sinon limitée de fait. Les différentes limitations que nous venons d'examiner dans le cadre de ce deuxième titre consistent en l'immixion de deux catégories d'organe dans l'activité d'enquête du Procureur. D'une part, le Juge des juridictions pénales internationales est érigé en une précaution institutionnelle de contrôle et de validation des initiatives du Procureur. C'est la juridictionnalisation de l'enquête. D'autre part, en tant qu'ils constituent des organes politiques, le Conseil de sécurité des Nations Unies et les Etats agissent pendant l'enquête du Procureur. Ils formalisent à cet effet la particularité de l'enquête pénale internationale où s'entrecroisent plusieurs acteurs, judiciaires et intégrés, politiques et non intégrés. Conclusion.- Nous avons consacré l'étude de la première partie à la gouvernance de l'enquête. Notre attention a porté sur les acteurs qui interviennent dans le cadre de cette procédure préalable au jugement. La gouvernance, avions-nous expliqué, s'inscrit dans une quête permanente de meilleurs systèmes de gestion des hommes et des ressources et permet la régulation du degré de participation des acteurs auxquels il est reconnu des pouvoirs. En fin de compte et dans le cadre de cette partie, nous avions relevé que les juridictions pénales internationales sont organisées autour de deux acteurs principaux qui disposent des pouvoirs judiciaires dans le cadre de la procédure d'enquête : le Procureur et le Juge. Les Statuts et Règlements de procédure et de preuve ont attribué à ces deux organes des fonctions différentes qui permettent d'assurer un équilibre positif dans le respect de la procédure et les droits des personnes mises en cause ou ceux des personnes qui interviennent en vue de réclamer la protection d'un droit subjectif. Ces deux organes sont intégrés aux juridictions pénales internationales étudiées desquelles ils émanent par ailleurs. Cependant, autour de ces deux organes en gravitent d'autres, le Conseil de sécurité des Nations Unies et les Etats. Politiques par leur nature, le Conseil de sécurité des Nations Unies et les Etats ne sont pas revêtus des pouvoirs judiciaires, ainsi que nous le verrons dans la seconde partie de cette thèse. Ils agissent pourtant en matière d'enquête dans une perspective soit de régulation, soit de neutralisation de l'enquête. Le Conseil de sécurité des Nations Unies régule les enquêtes du Procureur par sa décision de saisine de la Cour pénale internationale ou par l'assistance qu'il apporte à toutes les juridictions pénales internationales dans le cadre de la mise en oeuvre de la coopération judiciaire. Le Conseil de sécurité des Nations Unies intervient parfois dans le fonctionnement des juridictions ad hoc en vue de contrôler la mise en oeuvre de la répression que celles-ci organisent. Le Conseil de sécurité dispose aussi du pouvoir de neutraliser l'action du Procureur de la Cour pénale internationale par sa résolution du sursis à statuer. Pour sa part, un Etat agit dans le cadre de la procédure d'enquête par la mise en mouvement de l'action publique internationale. Il dispose à cet effet du droit à déférer au Procureur de la Cour pénale internationale une situation criminelle dans laquelle il apparaît qu'un ou plusieurs crimes de la compétence de la Cour pénale internationale ont été commis. Un Etat peut aussi participer à la mise en oeuvre de la répression par sa volonté de coopérer avec les juridictions pénales internationales en exécutant les devoirs d'enquête que celles-ci lui recommandent. Dans ce cadre, les juridictions pénales internationales peuvent rencontrer un obstacle érigé par un Etat qui refuse de coopérer avec les juridictions pénales internationales. Il s'agit d'une situation difficile et préoccupante à laquelle est exposée l'action publique du Procureur pendant l'enquête. L'examen de cette difficulté et la technique de son dénouement feront l'objet d'un développement détaillé dans le cadre de cette thèse822(*), dont la seconde partie est consacrée aux actes judiciaires accomplis dans le cadre de la procédure d'enquête. * 820 Pour la saisine, voir supra, pp. 46 et s. ; pour la coopération, voir infra , pp. 249 et s. * 821 Art. 53, §2 (c), Statut de Rome * 822 Voir infra, pp. 285 et s. |
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