2.2.3. LA THEORIE DE L'INFLUENCE SOCIALE
Le sens que nous donnons au concept de l'influence social
s'inspire de celui de Moscovici (1984). Elle consiste au fait que dans une
relation humaine normale mettant un pôle majoritaire en interaction avec
un pôle minoritaire au tour d'un objet de relation, qu'un des pôles
fasse une pression sur l'autre afin de l'amener à adopter sa vision de
l'objet qu'il veut dominante. Il s'agit en fait d'un processus au cours duquel
un pôle est contraint de faire sien la perception de l'objet que se fait
l'autre pôle. Dans le cas de notre recherche, l'objet de la relation est
la langue. La L2 est la langue du pôle majoritaire tandis que la LM est
la langue du pôle minoritaire.
Il y a deux modalités d'influence sociale. Une qui est
celle du processus majoritaire où la majorité exerce une pression
sur la minorité. L'autre modalité est celle du processus
minoritaire au cours duquel la minorité exerce une influence sur la
majorité. Mais dans notre étude, il sera plus question de la
première. Il s'agit dans notre contexte de l'influence de la
majorité sur la minorité parlant la LM. Cette majorité est
l'ensemble du milieu extra familial de l'adolescent constitué des
pairs, de l'école, bref de toute personne ne faisant pas partie de son
outgroup. Étant donné que cet environnement extra familial est
dominé par les L2. Des processus spontanés comme l'imitation, la
contagion, la production des normes collectives, ou encore la
conformité résultante du milieu sont à la base de la
formation des attitudes.
2.2.3.1. L'imitation et la contagion : influence
sur les attitudes et les comportements sociaux
Pour Tarde (1890, cité par Tapia et Roussay,
1991 : 45) le processus fondamental permettant d'expliquer la tendance
à l'uniformisation des attitudes et des comportements au sein des
sociétés est celui de l'imitation. Cette notion
définit le comportement d'un sujet qui calque ses attitudes ou ses actes
sur ceux d'un autre qui lui sert volontairement ou non de modèle ou
d'idéal. Toutefois, l'imitation ne peut se réduire, en tant que
processus social, à une simple reproduction d'attitudes ou de conduites,
sans créativité, ni intelligence de la part de celui ou ceux qui
imitent ; au contraire, le résultat de l'imitation est toujours, en
dernière analyse, un produit nouveau et personnel. Par exemple, un
phénomène collectif comme celui de la mode peut être
assimilé à un processus d'imitation sociale, si nous
considérons que la fonction essentielle de la mode est de permettre la
ressemblance avec un modèle au sens large de ce terme.
Les études de Le Bon (1963, cité par Tapia et
Roussay, 1991 : 46) portant sur les comportements humains dans les foules
ont permis de dégager le concept de contagions, pour décrire le
phénomène de propagation et d'amplification de certains
émotions et sentiments au sen des foules. Selon Le Bon, la tendance
à l'uniformisation des attitudes et des comportements au sein des
sociétés repose de la même façon sur la propagation
des modèles dominants de comportements.
Les recherches réalisées sur l'imitation et la
contagion sociale permettent de conclure :
- que la tendance à l'uniformisation des attitudes et
des comportements au sein des sociétés s'opère à
l'insu des individus ou des groupes constitutifs de ces
sociétés ;
- que les attitudes et les comportements des individus en
situation de groupe ont tendance à se calquer sur les attitudes et les
comportements dominants dans ces groupes. Autrement dit les individus se
rallient inconsciemment et insensiblement aux attitudes et comportements
dominants.
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