2.1.4.2. Situation de multilinguisme et comportements
langagiers
Hamers et Blanc (2000) soulignent que, lorsque des individus
se trouvent dans une situation de contact de plusieurs langues, la langue
utilisée par tous est appelée langue majoritaire et les langues
maternelles des individus langues minoritaires. Les usages langagiers peuvent
être influencés par le milieu social qui reflète notamment,
le prestige et la vitalité de la communauté linguistique
majoritaire. Le réseau social de communication des individus peut
être dominé par la langue seconde. Ces individus peuvent donc
vivre des difficultés d'appartenance et d'identité. Ils peuvent
même dévaloriser et rejeter leur propre langue. La langue
d'origine sera maintenue si et seulement si les usages langagiers dans le
milieu social et dans le milieu familial se déroulent à forte
prédominance dans les langues maternelles et si seule l'école
permet l'apprentissage de la langue seconde. En effet, les recherches voulant
promouvoir un usage parfait des deux langues (LM et L2) dans ce contexte,
semblent s'appuyer sur le modèle de Landry et Allard (1990).
2.1.4.3. « Milieux de vie »
et développement du bilinguisme chez Landry et Allard
L'intérêt que revêt le modèle
de Landry et Allard réside dans le fait que ce modèle permet de
saisir l'importance de l'environnement social, et plus
précisément l'importance du degré de vitalité
ethnolinguistique, sur le développement du bilinguisme additif (Landry
& Allard, 1990). Ce modèle vise à neutraliser l'influence
soustractive de la langue dominante sur la langue minoritaire par une
modification de l'environnement social qui encadre les activités des
membres de la communauté. Cette modification passe par la valorisation
sociale de la langue en question car selon ces auteurs l'environnement social
et démographique entourant les membres d'une communauté
ethnolinguistique s'avère un déterminant crucial du type de
bilinguisme à développer.
En fait, ce modèle est constitué de trois
« milieux de vie » à savoir, le milieu
familial, le milieu institutionnel et le milieu scolaire. Ces milieux
représentent le réseau de l'enfant où il a contact avec la
L1 et la L2. Plus particulièrement, ce modèle prédit les
effets de la langue de scolarisation en fonction de la vitalité de la
communauté linguistique.
Par ailleurs, ce modèle prédit que pour le
groupe à Haute vitalité ethnolinguistique
l'usage des deux langues sera privilégié si la L1 est largement
favorisée dans le milieu familial et le milieu social puisque l'enfant
est fortement scolarisé en L2. Le bilinguisme sera aussi favorisé
si l'enfant peut avoir des contacts avec la L1 dans le milieu
socio-institutionnel. Aussi, la scolarisation en L2 aura peu d'effets
négatifs sur la compétence cognitive en L1 en raison du haut
degré d'interdépendance L1/L2 (Landry & Allard, 2000).
Ces auteurs montrent aussi que lorsque le groupe a une faible
vitalité ethnolinguistique, le modèle prévoit pour ce
groupe une forte scolarisation en L1 et une ambiance forte en cette langue dans
le milieu familial. Le modèle prédit que ces enfants qui se
trouvent dans un contexte minoritaire à faible vitalité
ethnolinguistique et qui sont très scolarisés en L1 et qui sont
aussi régulièrement confrontés à cette langue dans
le milieu familial, auront non seulement des scores de compétence
langagière plus élevés en L1 que les enfants moins
scolarisés en L1, mais de plus, des scores aussi élevés en
L2 que ces derniers (op. cit.).
Ces recherches ont aussi démontré l'influence
des réseaux sociaux individuels sur les comportements langagiers. Ainsi,
Landry et Allard (1990) et Hamers et Blanc (2000) parlent du réseau
individuel de contact linguistique (RICL) comme étant celui qui
représente le niveau où s'actualise la majorité des
expériences ethnolinguistiques de l'individu. Il consiste en toutes les
occasions où les individus peuvent utiliser leur langue maternelle: dans
les interactions avec les membres de leur famille, les amis, les voisins, les
camarades d'école et les collègues de travail (Landry &
Allard, op.cit.). Cet ensemble du RICL d'un individu est
déterminé par la vitalité relative de sa
communauté. C'est lui qui détermine en partie le comportement
langagier de l'individu en situation de contact des langues et est
également fondamental dans le maintien ou non d'une communauté
linguistique.
Dans le cadre de notre recherche, il s'agit bien des contacts
de l'adolescent avec les membres de sa communauté. Plus
précisément il s'agit de ses rapports avec non seulement son
village mais aussi avec les associations culturelles de son village. Ces
rapports permettant un contact considérable du sujet avec sa LM,
influencent son comportement langagier puisqu'ils donnent au sujet des
occasions de parler cette langue.
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