2.1.4. FACTEURS PSYCHOSOCIAUX ET COMPORTEMENTS
LANGAGIERS
2.1.4.1. La notion de bilinguisme additif et
soustractif chez Lambert (1974)
D'après Landry et Allard (1990), Lambert fut le premier
qui mentionne de façon explicite deux formes de bilinguisme, soit une
forme « additive » et une forme «
soustractive ». Chacune se développant en fonction
du milieu socioculturel dans lequel a lieu l'expérience bilingue. Dans
le premier cas, il y a addition à la formation linguistique et à
la culture de la personne. L'individu acquiert une langue seconde et incorpore
certains éléments d'une autre culture mais sans préjudice
à la culture et au développement de sa langue maternelle. Dans ce
cas, l'individu manifeste un haut degré de compétence (autant
orale qu'écrite) dans les deux langues, maintient son identité et
son sentiment d'appartenance à l'endogroupe tout en ayant des attitudes
positives envers l'exogroupe et la langue de ce groupe, et continue à
avoir des occasions d'utiliser d'une façon permanente sa langue
première dans une variété de contextes sociaux et
institutionnels (Landry & Allard, 2000). Dans notre contexte les enfants
vivant en campagne c'est-à-dire dans leur milieu d'origine où ils
sont démographiquement majoritaires (et donc la langue dominante est
naturellement leur LM), et scolarisés dans des programmes en langue
seconde (le français par exemple) peuvent être cités comme
de bons représentants du « bilinguisme
additif ».
Par contre, la deuxième forme du bilinguisme
appelée « soustractive » se manifeste
surtout dans un milieu où le groupe de l'individu est
minoritaire (Lambert, op.cit.); il s'agit par exemple dans notre contexte
des milieux urbains où le français/anglais est majoritaire ou
dominant et les langues maternelles minoritaire ou dominées. Dans ce
cas-ci, d'après Hamers (1992) l'individu qui appartient à une
communauté rejette ses propres valeurs socioculturelles au profit de
celles d'une langue culturellement et économiquement plus prestigieuses.
C'est-à-dire que l'acquisition de la langue seconde n'est plus
complémentaire à celle de la langue première, mais en
relation de compétition avec celle-ci, puisque la langue seconde devient
progressivement dominante dans le vécu langagier des membres de la
communauté. Landry et Allard (1990) soulignent que ce type de
bilinguisme est instable puisqu'il signale une transition graduelle vers
l'unilinguisme dans la langue seconde. De plus, précisent-ils, cette
transition se manifeste non seulement par une diminution de la
compétence en langue maternelle, mais par un désir accru
d'intégrer la communauté linguistique dominante et par la perte
de l'identité ethnolinguistique avec l'endogroupe. Ce type de
bilinguisme peut être à la source de problèmes
d'identité ethnique ou d'un danger continuel d'assimilation (Landry
& Allard, op.cit.). Ces auteurs précisent que ce
phénomène est souvent lié au phénomène
sociétal de la perte collective d'une langue minoritaire. Aux
États-Unis, de nombreux enfants d'immigrés ayant appris l'anglais
très tôt cessent de développer leurs compétences en
L1 et passent à la L2 tout en perdant leur L1. Il s'est
avéré aussi que chez ces enfants, cet abandon de l'usage de la
langue maternelle a eu une influence sur le maintien de leur identité
ethnique (Lambert, 1974).
En somme, le modèle de Lambert sur le comportement
langagier du bilingue est très important à considérer dans
le cadre de notre étude. Celui-ci met l'accent sur la
nécessité de l'articulation de plusieurs facteurs, entre autres,
une bonne compétence dans les deux langues (L1 et L2) et une
identification ethnique aux deux groupes linguistiques.
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