2.1.1.2. LES LANGUES NATIONALES AU CAMEROUN
2.1.1.2.1. Situation sociolinguistique
Selon les estimations du nombre de locuteurs des langues
locales faites par la SIL et contenues dans « Ethnologue »
de Grimes (2005), nous pouvons classer les langues camerounaises, effectivement
appelées langues nationales, en quatre groupes allant de celles
définitivement éteintes à celles majoritaires mais
vernacularisées, en passant par celles en voie de disparition:
Tableau 1 : Estimations et
classification du nombre de locuteurs des langues locales au
Cameroun
Groupe
|
Nombre de locuteurs natifs
|
Nombre de langues
(N = 283)
|
Statut
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1
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0
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14
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éteintes
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2
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Moins de 1000
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72
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Résiduelles
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3
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1000 à 100.000
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183
|
Minoritaires
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4
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100.000 à 700.000
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14
|
Majoritaires
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Source : Grimes, 2005 :
682
A cette liste, Grimes (op.cit.) ajoute le français,
l'anglais et le pidgin-english dont le nombre de locuteurs non natifs
est supérieur à 2.000.000 pour chacune.
Ces chiffres montrent ainsi qu'effectivement les langues
camerounaises sont en voie de disparition. En effet, aucune langue camerounaise
n'échappe totalement à ce destin si nous prenons comme
critères d'évaluation le poids démographique, le statut,
les fonctions sociolinguistiques qui sont les indicateurs de la vitalité
d'une langue.
Sur le plan du statut officiel, le français surtout, et
l'anglais dans une moindre mesure, assurent la communication formelle entre
l'État et ses propres citoyens d'une part, et avec les nations
étrangères d'autre part. Ce sont les langues de l'administration,
de la justice, des médias audiovisuels, de la publicité, de
l'enseignement, de la littérature et de la presse écrite. Leur
utilisation est obligatoire dans toutes les situations où l'État
est représenté. En plus, elles assurent la réussite
sociale de ceux qui les maîtrisent. Les langues nationales sont
réduites à un usage oral, grégaire et familial. Leur
fonction emblématique n'est exploitée qu'à des fins
politiques ponctuelles lors des campagnes électorales. Aucune de ces
langues n'est utilisée ni dans l'administration, ni dans la presse
écrite, ni dans la publicité, ni à la
télévision nationale, ni dans l'enseignement formel, ni dans les
campagnes d'alphabétisation financées par le budget de
l'État. Les langues du groupe 4 et certaines langues du
groupe 3 ci-dessus, sont utilisées pour un temps d'antenne
hebdomadaire très limité dans les stations provinciales des
radios pour la répercussion de certaines instructions gouvernementales
aux masses d'illettrés. C'est ainsi que dans les usages, les langues
camerounaises perdent progressivement du terrain au profit des langues
étrangères. « L'espace géographique de
certaines langues véhiculaires du Cameroun (éwondo et duala) se
réduit quotidiennement sous l'avancée du français. Ces
langues ne sont plus connues des jeunes générations dans les
zones où elles furent véhiculaires il y a vingt ans; et leur
emploi comme langue maternelle est menacé par l'usage fréquent du
français jusque dans la communication familiale. »
(Bitjaa Kody, 2001 : e-text)
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