D - 2 : Programme pour l'emploi des jeunes : l'office pour
l'emploi des jeunes de la banlieue de Dakar (ofejban)
Dans un entretien accordé au journal LeQuotidien
le 06 juillet 2009, le Directeur général de l'Ofejban,
Boubacar Ba, a déclaré que dans le ((cadre de la politique de
création massive d'emplois, l'Office pour l'emploi des jeunes de la
banlieue de Dakar (Ofejban) a lancé un vaste programme de recensement
des jeunes de la banlieue. Les jeunes, qui sont, soit demandeurs d'emplois,
soit porteurs de projets ou à la recherche d'une formation sont
invités à se présenter aux équipes de l'Ofejban.
Après avoir donné des informations sur leur niveau
d'études, leur filière, leur profession et l'emploi
souhaité, ils vont être enregistrés dans une banque de
données, qui va servir par la suite de tribune entre les demandeurs et
les employeurs ». Il ajoute : ((Les jeunes ont besoin de travail. Nous
leur
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lançons le message suivant : On vous ouvre les portes,
soyez les bienvenus!»52.
L'objectif de ce programme pour les autorités est,
à travers l'emploi des jeunes, d'extirper la pauvreté dans les
quartiers périphériques de la capitale sénégalaise.
Dakar, comme déjà évoqué, regroupe sur 550 Km2 plus
du 1/4 de la population du Sénégal avec un effectif important de
jeunes qui croît chaque année du fait de l'exode rural. Du coup,
avec la crise économique et les nouvelles mesures pour réduire
voire freiner les flux de l'immigration clandestine en partance des côtes
dakaroises, ce programme pour l'insertion des jeunes semble répondre
à une très forte demande.
Mais, même si les jeunes de la banlieue (Pikine) restent
partagés entre espoir et scepticisme « Je suis venu comme ça
m'inscrire car on ne sait jamais, mais a vrai dire, je ne suis pas trop
confiant car l'Etat a l'habitude de faire des promesses qui ne sont jamais
respectées »53, cette initiative induit, entre autre,
une discrimination territoriale qui pourrait renforcer le sentiment d'exclusion
des jeunes des régions rurales comme Tambacounda. En effet, si dans
l'imaginaire commun, tout semble les opposer, dans la réalité de
nombreuses similitudes apparaissent entre les jeunes de la banlieue dakaroise
et ceux des autres régions du pays en particulier celles rurales.
Exclusion géographique, réseaux de transport en commun moins
développés, offres d'emploi moins nombreuses, éloignement
des services publics..., les jeunes de ces deux types de territoires ont
beaucoup de points communs dans leur quotidien. Qu'ils habitent à
Tambacounda ou à Dakar, ils doivent faire face aux mémes
difficultés liées à l'échec scolaire, ainsi que les
problèmes de pauvreté extrême et de discrimination, et aux
mêmes problèmes d'accès à l'emploi. La seule
différence entre les jeunes de ces deux territoires c'est que les
problèmes n'y sont pas ressentis de la méme façon. A
Tambacounda, le territoire est plus vaste, aussi les problèmes existent
de manière aussi importante, parfois plus, mais de façon beaucoup
plus diffuse
52 - LeQuotidien du 06 juillet 2009
53 - un étudiant en management sous le couvert de
l'anonymat cité par Safi Amadou Bâ dans SunuNews du 04
août 2009
et bien moins concentrée.
Dans le contexte où la crise économique mondiale
exacerbe les conditions de vie des populations les plus vulnérables,
lancer un programme qui n'aurait pour cible que les jeunes de la banlieue de
Dakar pourrait engendrer de nombreux problèmes. D'une part, les jeunes
des autres régions du Sénégal (Tambacounda, Ziguinchor...)
pourraient, par le phénomène des migrations internes en
particulier de l'exode rural, affluer massivement vers la banlieue dakaroise
pour bénéficier des opportunités qu'offre ce nouveau
programme. Ainsi, en plus de vider les campagnes, renforçant du coup
leur pauvreté et leur dépendance par rapport à la
capitale, cet exode participera à faire croître les
densités déjà très fortes de la banlieue
(Guédiawaye : 22 569 ht/km2). Ce mouvement de population renforcera
aussi et surtout les problèmes de la banlieue déjà
marquée par une précarité sociale très forte, une
faiblesse des infrastructures (sanitaires, scolaires, culturelle etc.). Une
banlieue où en plus des jeunes, l'essentiel de la population est au
chômage, ce qui l'oblige ou plutôt explique le développement
d'activités informelles souvent en marge de la légalité.
Cette misère ambiante doublée d'une promiscuité
très forte a favorisé le développement de la
délinquance juvénile de plus en plus violente prenant la forme de
vols à la tire souvent en bande, d'agressions parfois très
sanglantes, de la prostitution clandestine et récemment de la
création de comités de vigilance qui s'érige de fait en
une police informelle pour essayer d'assurer la sécurité des
populations locales et ainsi pallier l'absence de la police. Des comités
de surveillance qui, si l'on n'y prend garde, pourraient très vite se
muer en milices. Une situation lourde de nombreuses menaces et de
dérives liées notamment à la paix sociale dans ces
zones.
D'autre part, le lancement de ce programme pourrait être
considéré par les jeunes des autres régions comme la
concrétisation du manque de considération des autorités
publiques face aux difficultés qu'ils rencontrent quotidiennement dans
la recherche de l'amélioration de leurs conditions de vie. En effet,
s'il reste vrai que les jeunes sont nombreux dans la banlieue dakaroise et
pourraient l'être encore plus grace à la mise en oeuvre de ce
114
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programme, il n'en demeure pas moins que dans les autres
régions du Sénégal, à Tambacounda
singulièrement, les jeunes de 15 à 34 représentent 32,4 %
de la population contre 15,8 % pour les 35 - 59 ans et seulement 4,4 % pour les
60 ans et plus54. Une situation démographique qui montre la
nécessité pour les jeunes de s'insérer très vite
dans le marché du travail pour pouvoir prendre en charge ou tout au
moins aider leurs parents dans la lutte contre la pauvreté familiale. De
plus si on considère que dans la région de Tambacounda, le
secteur informel reste très peu développé et qu'en dehors
de la Sodefitex qui appuie de petits producteurs de coton et de maïs et de
la nouvelle société d'exploitation minière, il n'existe
aucune autre unité industrielle ou agro- industrielle, l'on constate que
les opportunités d'offres d'emploi y sont extrémement faibles.
Une situation qui renforce le sentiment d'inégalité de traitement
et d'exclusion selon le territoire.
Au total, ce que les autorités semblent avoir perdu de
vue c'est que, comme le soutient Mamadou NDAO, les jeunes de la banlieue n'ont
pas attendu le lancement de ce programme pour « travailler, produire de la
richesse, et que ce qui leur manque le plus, ce sont des
débouchés, des opportunités pour valoriser leurs
exploitations avec des prix rémunérateurs »55.
Ainsi, parler d'emploi pour la banlieue aujourd'hui, c'est
accélérer la vague migratoire vers les zones ciblées et
l'installation sauvage sur des sites non viabilisés, bref reproduire
à l'identique un phénomène dont on cherche à
juguler les méfaits après la survenance récurrente des
inondations. Par ailleurs, si la banlieue cristallise tous les maux de la
jeunesse, celle-ci n'en est pas moins nationale. Aussi proposer des solutions
jugées par beaucoup d'observateurs comme non globale, résiduelles
et surtout sectaires, est une approche qui peut être pernicieuse et plus
insidieuse qu'elle ne paraît. Pour Mamadou NDAO la lointaine, moyenne et
proche banlieue ne se limite pas seulement aux départements de Pikine,
Guédiawaye et Rufisque. En fait la plupart des régions du
Sénégal (Tambacounda, Matam, Kolda...) pourraient être
assimilées à la banlieue de
54 : Source : Recensement Général de la Population
et de l'Habitat du Sénégal, ANDS, 2002
55 - Mamadou Ndao dans : « Quand Wade se trompe de banlieue
» dans LeQuotidien du 25 Novembre 2008
Dakar en termes faiblesses d'équipement et
d'infrastructures sanitaires, scolaires, ou autres. A ce titre toute mesure qui
concerne les populations des trois départements ci-dessus cités
devrait aussi concerner ces régions car « tous les citoyens
sénégalais sont admissibles aux emplois publics sans autres
distinctions que celles de leurs vertus, de leurs talents »56
et de leurs compétences.
56 - Idem
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