WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Politique, pauvreté et stabilité. le Sénégal peut-il basculer dans des violences sociales

( Télécharger le fichier original )
par Vivien MANEL
Institut français de géopolitique - Université Paris 8 - Master I géopolitique 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

D - les programmes mis en oeuvre pour lutter contre la pauvreté : une discrimination spatiale qui renforce les inégalités sociales ?

D - 1 : les programmes agricoles

D - 1 - 1 : le plan REVA

Ce plan a pour objectif, d'après les textes publiés par le ministère de l'agriculture, de l'hydraulique rurale et de la sécurité alimentaire, « de fixer les populations notamment les jeunes et les femmes dans leurs terroirs en particulier les émigrés ou rapatriés, d'augmenter significativement la production agricole notamment celle horticole et de répondre aux objectifs de lutte contre la pauvreté, (...) à réduire puis à éradiquer la pauvreté et les inégalités en particulier dans les zones rurales ».

108

Tableau 7 : POLES DU PLAN REVA DANS LA REGION DE TAMBACOUNDA

Type

Pôle d'excellenc e

Ferme villageois e

moderne

Agropastoral e

Agro- piscicol e

Biocarburan t

Département

Tambacound a

2

12

4

11

5

Bakel

1

12

5

8

2

Kédougou

1

11

4

10

6

Région

4

35

13

29

13

Source : Situation sociale et économique de la région de Tambacounda ANDS 2006

Toutefois, les écueils constatés dans sa conception et sa mise en oeuvre constituent de véritables facteurs limitant quant à sa portée. Iis'agissait de créer des fermes agricoles dans différents départements du

pays. La région Tambacounda bénéficie de plusieurs fermes (94) alors qu'elle reste confrontée à d'énormes problèmes d'accès à l'eau dus à la profondeur de la nappe (au moins 70 mètres) et à la faiblesse des moyens d'exhaure. Certes il est vrai que dans un premier temps la mise en oeuvre de ce programme a permis à des jeunes et à des femmes de la région jusque là désoeuvrés ou ne comptant que sur le récoltes hivernales pour subvenir à leurs besoins, de trouver une activité génératrice de revenus en dehors des trois mois de la saison des pluies. Mais, les produits sur lesquels ces fermes mettent l'accent (le melon et les pastèques), méme s'ils sont prisés par la population, restent des produits à très faible valeur ajoutée (pastèque entre 0,03 et 1,5 €/pièce) dont l'exportation est très fortement limitée par des critères d'exigences de qualité auxquels ses petits producteurs ne peuvent répondre et qui sont très loin dans la hiérarchie des priorités alimentaires. Du coup l'engouement suscité par la mise en oeuvre de ce programme s'est très vite confronté à la réalité de la faiblesse des revenus obtenus. Au total, le plan Reva ne participe pour l'heure ni à l'atteinte de l'objectif de l'autosuffisance alimentaire ni à celui de permettre aux populations de trouver des revenus additionnels susceptibles de les aider à faire face aux méfaits de la pauvreté.

Tableau 8 : PAUVRETE REGIONALE ET STRUCTURE DE REVENUS DES

MENAGES

Région

Part des revenus agricoles

Part

des salaires

Part des transferts

Part des autres revenus

Taux de pauvreté global

Taux de pauvreté urbaine

Taux de pauvreté rurale

Dakar

0,92

30,86

35,26

32,96

20,12

19,20

58,30

Tambacounda

27,82

3,37

32,21

36,60

69,18

36,90

71,80

Sources : Profil de pauvreté au Sénégal : une approche monétaire, Fatou Cissé, Août 2003

D - 1 - 2 : La Goana (grande offensive agricole pour la nourriture et l'abondance)

Le Président de la République du Sénégal, Maître Abdoulaye Wade, a lancé le 18 Avril 2008, soit moins d'un mois après les émeutes de la faim, la GOANA ou « Grande offensive agricole pour la nourriture et l'abondance ». Elle vise à pallier les insuffisances du plan Reva et à atteindre enfin l'autosuffisance alimentaire à très court terme c'est-à-dire dès l'hivernage 2008/09. Il fixe ainsi des objectifs quantitatifs de production de 500 000 tonnes de riz, 2 000 000 de tonnes de maïs, 3 000 000 de tonnes de manioc, 2 000 000 de tonnes pour les autres céréales, 400 millions de litres de lait et 43 500 tonnes de viande51 sur toute l'étendue du territoire national. Pour le Président Wade, le succès de ce programme réside pour l'essentiel dans les pluies artificielles et sur une mobilisation exceptionnelle de tous les acteurs de la filière. Le coût de la GOANA a été estimé autour de 344 milliards de francs Cfa (environ 524 425 418 €) pour la seule campagne agricole 2008\2009 dont seuls 32 milliards (48 183 759 €) soit moins de 10 % seraient disponibles sur le budget consolidé d'investissement. Ces coüts ne prennent pas en compte la production de lait et de viande, ni les coûts des pluies artificielles et aucune piste claire, n'est dégagée pour combler le gap de 314 milliards.

Les populations des régions rurales comme Tambacounda espéraient cette fois le renouvellement de leurs matériels agricoles et la mise en place d'un encadrement approprié qui permettrait de produire plus mais surtout

51 - Sources : Ouestafnews, Conseil National de Concertation et de Coopération des Ruraux,

110

d'améliorer la compétitivité de leurs produits et ainsi prétendre à l'exportation. Ce qui devrait contribuer fortement à l'amélioration de leurs revenus et donc à la lutte contre la pauvreté. Mais ce qui s'est réellement passé c'est que les autorités publiques ont choisi de distribuer des milliers d'hectares de terre à ceux que les paysans réunis autour du Cadre national de concertation des ruraux (CNCR) appellent « les paysans du dimanche » et à des investisseurs étrangers. Ainsi, dans la région de Matam située au nord de celle de Tambacounda, plus de 1000 hectares ont été octroyés à l'ancien Premier ministre Hadjibou Soumaré et au ministre Adama Sall. Cent Hectares ont été attribués à la députée Aida Mbodj. A Kédougou, ancien département de Tambacounda la situation est encore plus grave. En effet, huit mille hectares dont une grande partie appartient aux terres de la réserve naturelle du Parc du Niokolo Koba ont été attribués à un homme d'affaires espagnol. De même, à Dakar, dans la communauté rurale de Sangalcam, plusieurs hommes politiques appartenant à la coalition présidentielle se sont vus accorder des terres.

En définitive, la Goana qui avait pour ambition d'offrir aux paysans en particulier des moyens de lutter efficacement contre la pauvreté, s'est muée progressivement en un conflit foncier entre ces derniers et les autorités publiques. En effet, les ressortissants des différents territoires où des terres ont été attribuées à des dignitaires et soutiens du régime en place s'opposent à ce qu'ils appellent une campagne de spoliation des pauvres et se disent « prêts à tout afin de préserver le legs de leurs aïeux ». Les responsables de la communauté rurale de Mbane (Matam) où plus de 200 000 hectares ont été distribués sont allés plus loin. Dans un communiqué ils déclarent être prêts à opposer : « une désobéissance civile sans précédent dans l'histoire de notre pays, jusqu'à l'avènement d'un nouveau régime, en l'occurrence : refus de payer les taxes dans les loumas (marchés hebdomadaires), refus de payer les impôts, (...), interdiction de tenue de réunions dans la Maison communautaire de Mbane, Refus de travailler avec le nouveau sous-préfet, etc.. »

Face à cette situation, de plus en plus de voix s'élèvent pour mettre en garde contre les dérives que peut engendrer ce que la presse nomme (( la boulimie foncière du régime wadien ». Pour certains, la Goana peut-être le fertile terreau de nouvelles révoltes qui peuvent aboutir à une guerre civile comme en Côte d'Ivoire, tandis que pour d'autres comme Omar Faye de Leeral Askan wi (éclairer le peuple en wolof) cette forme de privatisation du territoire national risque de développer partout le ((syndrome de la Casamance» où l'octroi de terres à des migrants venus du centre et du nord du Sénégal est à l'origine d'un sanglant conflit qui dure depuis près de trente ans et qui mettra les générations à venir dans un perpétuel environnement de conflit.

Ainsi, malgré les grandes ambitions des autorités publiques, le Sénégal continue non seulement d'importer massivement des céréales, du riz et du blé en particulier, mais aussi et surtout, de rester très sensible à la moindre fluctuation des cours de ces produits sur les marchés internationaux. Une situation qui a sans doute conduit les autorités à adopter d'autres types de programmes pour aider les populations à faire face à leurs difficiles conditions de vie

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein