C - la déstructuration du système
agricole et ses conséquences
Les émeutes de la faim de mars 2008 (voir
première partie) ont mis à nu les carences et les insuffisances
des systèmes de productions agricoles, mais aussi et surtout son
incapacité à satisfaire les besoins alimentaires des populations
au Sénégal, alors que près de 70 % de la population vit de
l'agriculture qui, selon le ministère de l'agriculture, a
contribué, en 2007, à hauteur de 12,5% au PIB correspondant, en
francs Cfa, à un total de 669 milliards F Cfa (environ 1 019 885 480
€). La hausse subite des cours des produits céréaliers,
à travers le monde, a montré combien le pays était
dépendant de ses importations de riz principalement. Le
renchérissement du coüt de la vie qui s'est traduit par une hausse
généralisée de tous les prix des produits de grande
consommation (voir tableau première partie) a été
très difficile à subir pour une grande partie de la
population.
-2 0 2 4 6 8
2007
2006
2005
2004
2003
EVOLUTION DE L'INDICE DES PRIX DE 2003 A 2007 AU
SENEGAL
0,8
-0,6
1,4
3,9
indice des prix
7,3
Sources : Programme Alimentaire Mondial dans « rapport
d'analyse de marché, Sénégal : commerce du riz »,
Août 2008
102
Pourtant, l'agriculture au Sénégal a pendant
longtemps eu pour principal objectif de remplir une fonction
nourricière. Les exploitations traditionnelles, occupées
essentiellement par les cultures vivrières, étaient le plus
souvent calibrées en fonction de la taille de la famille et de ses
besoins en nourriture, singulièrement en céréales. Le riz,
le mil, le sorgho, le maïs, le fonio... étaient plus ou moins
consommés en fonction des régions, des sols et de la fluctuation
de la pluviométrie. L'agriculture traditionnelle avait pour fonction de
nourrir autant les populations des centres urbains que celles des zones
rurales. Mais l'introduction de l'arachide pendant la période coloniale,
a fait du Sénégal l'un des principaux producteurs de cette
spéculation en Afrique et dans le monde. Toutefois, la séduisante
idée de monnayer les récoltes d'arachide a brisé
progressivement le dynamique équilibre entre agriculture et alimentation
qui prédominait jusque là. En effet, alors que
prospéraient les cultures de rente, celles vivrières
connaissaient un net recul en termes de superficies emblavées et de
tonnage produit. Une situation qui a conduit progressivement la capitale qui
dépendait déjà des productions agricoles des
régions rurales (Tambacounda), à se tourner vers des importations
massives de céréales, du riz principalement. En outre, du fait de
la baisse de la pluviométrie, de la vétusté du
matériel des paysans, bref de la déstructuration du
système agricole, les zones rurales comme Tambacounda ont
été progressivement confronté à la faiblesse de la
productivité devenant ainsi aussi vulnérables que la capitale en
terme de dépendance alimentaire. En 2005 1 181 497 de tonnes de
céréales (riz, blé, méteils, maïs...) avaient
été importées soit 73 % du total de toutes les
importations de produits alimentaires au niveau national.
104
Tableau 4 : PRODUCTIONS AGRICOLES DANS LA REGION
DE DAKAR
Spéculations
|
2004 / 2005
|
2005 / 2006
|
Superficie (ha)
|
Production (T)
|
Superficie (ha)
|
Production (T)
|
MAÏS
|
250
|
500
|
600
|
780
|
MIL
|
37
|
9
|
10
|
5
|
SORGHO
|
198
|
59
|
68
|
41
|
REGION
|
485
|
568
|
678
|
826
|
Source : Situation économie et sociale de la région
de Dakar, ANDS 2006
Tableau 5 : PRODUCTIONS AGRICOLES DANS LA REGION
DE
TAMBACONDA (2005/2006)
Spéculations
|
Mil
|
Sorgho
|
Maïs
|
Sup (ha)
|
Prod (T)
|
Sup (ha)
|
Prod (T)
|
Sup (ha)
|
Prod (T)
|
Bakel
|
6 762
|
6 377
|
5 705
|
5 300
|
6 056
|
5 408
|
Kédougou
|
-
|
-
|
1 922
|
1 409
|
4 388
|
7 407
|
Tambacounda
|
38 120
|
39 111
|
30 242
|
22 682
|
16 886
|
16 886
|
Région
|
44 882
|
45 488
|
37 869
|
29 390
|
27 330
|
29 701
|
Source : Situation économie et sociale de la région
de Tambacounda, ANDS 2007
Pendant la campagne agricole 2006/07 à Tambacounda
où près de 80% de la population vit de l'agriculture, pour une
superficie de 113 383 ha cultivés, seules 110 230 tonnes de
céréales ont été récoltées.
D'où une très faible productivité qui justifie la
nécessité de recourir à l'importation de
céréales et qui du même coup aggrave la dépendance
alimentaire de cette région agricole.
106
Tableau 6 : IMPORTATION DE CEREALES AU SENEGAL (EN
TONNE)
Produits
|
Décembre 2005
|
Janvier
2006
|
Février
2006
|
Mars 2006
|
Total
|
Riz
|
50 500
|
11 979
|
27 098,3
|
4 516,6
|
94 093,9
|
Blé
|
35 642,6
|
13 000,3
|
30 157,8
|
30124,6
|
108 925,3
|
Semoule de blé
|
1 380,8
|
2 564,7
|
1 084
|
404
|
5 433,5
|
Farine de blé
|
|
|
241
|
466,9
|
707,9
|
Maïs
|
|
|
13 733
|
13 524
|
27 257
|
Total
|
87 523,4
|
27 523,4
|
72 314,1
|
49 036,2
|
236 417,6
|
Sources : Bureau direction de la protection de
végétaux Avril 2006
Les autres sous secteurs de l'Agriculture au sens large du
terme que sont l'élevage et la péche connaissent également
beaucoup de difficultés structurelles. La région de Tambacounda,
malgré ces vastes pâturages (16 % du territoire national) reste
confrontée à la récurrence de certaines maladies et de
nombreuses difficultés dans la vaccination du bétail. Une
situation qui fait que l'évolution du cheptel suit une courbe
très erratique. Pour les bovins par exemple les effectifs sont
passés de 703 300 à 699 622 têtes entre 2000 et 2004
après avoir connu une hausse de plus de 20 000 têtes entre 1998 et
1999. Aussi, malgré des campagnes d'insémination artificielle, la
demande en produits laitiers, par exemple, reste largement satisfaite par
l'importation de lait en poudre principalement. En 2007, 35 000
tonnes50 de produits laitiers pour une valeur globale d'environ 55
milliards F Cfa (environ 83 millions €) ont été
importées au Sénégal. Au plan économique et social,
le secteur de la péche joue un rôle important dans
l'économie du Sénégal. Il contribue en effet pour environ
2% du PIB national. La valeur commerciale des produits a atteint 185 milliards
de Francs Cfa en 2007. Il génère environ 600 000 emplois directs
et induits, et 1 600 000 à 2 000 000 personnes sont dépendants de
la pêche maritime. Soumbedioune dans la région de Dakar
est l'un des principaux débarcadères du pays. Mais la
filière péche reste confrontée, depuis plusieurs
années, au problème de la surexploitation, de la
raréfaction de la ressource halieutique, mais aussi et surtout de la
vétusté des équipements.
50 - Source : UBIFRANCE et les missions économique,
l'agriculture au Sénégal, fiche de synthèse,
janvier 2009
Face à cette situation, les autorités publiques
ont, pour oeuvrer dans le sens de retrouver une autosuffisance alimentaire (en
céréale particulièrement), améliorer et diversifier
les récoltes et les variétés cultivées et lutter
contre la pauvreté, lancé des programmes agricoles, et
multiplié les subventions sur les denrées de grande consommation.
Elles promettaient ainsi de promouvoir une agriculture dont la
productivité améliorée pourrait permettre au
Sénégal de devenir un pays exportateur de céréales
et autres produits agricoles. D'abord Le plan REVA ou retour vers l'agriculture
où les Sénégalais de la diaspora qui en ont les moyens
sont conviés à revenir pour investir massivement dans
l'agriculture. Ensuite la GOANA (grande offensive agricole pour la nourriture
et l'abondance), qui a été lancée le 18 avril 2008 en
réaction à la hausse des prix et aux émeutes de la faim de
mars 2008 à Dakar. Pour ce qui est plus spécifiquement de la
jeunesse, l'Office pour l'emploi des jeunes de la banlieue de Dakar (Ofejban) a
été créé.
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