La participation des enfants au travail des adultes est une
pratique culturelle enracinée et valorisée aussi bien en milieu
rural qu'urbain en Afrique occidentale, particulièrement en Côte
d'Ivoire, au Mali et au Burkina Faso (Andvig. et alii, BM, 2001). Cette
participation qui s'effectue le plus souvent - mais pas toujours - dans un
cadre familial, est un élément fondamental de socialisation de
ceux-ci (Oulaye et Peuhmond, 2009). Cette intégration précoce des
enfants aux activités domestiques et économiques vise à
les préparer à être, dans un futur plus ou moins lointain,
des acteurs de pérennisation des sources de revenu de la famille
(Augendra et Guerin, 2005). Ainsi, dans un environnement socioculturel
favorable à l'utilisation de la force de travail des enfants, la
réaction face au recours à la main d'oeuvre enfantine allait
encore, à la fin des années quatre-vingt (80), de
l'indifférence à la résignation, voir même au
déni. Cependant, l'année 1989 qui a vu les Nations Unies adopter
une convention relative aux droits de l'enfant, marquera un tournant
décisif en la matière. Désormais, la mobilisation d'un
soutien politique international en vue de l'éradication du travail des
enfants sera un objectif clairement et durablement affiché 3
(ONU, 2000). Cependant, malgré l'importance des efforts
déployés, l'OIT4 fait encore état, en 2010 dans
le monde, de trois cent cinq (305) millions d'enfants s'adonnant à une
activité économique. Plus grave, ce sont deux cent quinze (215)
millions d'enfants qui sont astreints à travailler. Au nombre de ces
derniers, cent quinze (115) millions s'adonnent à des travaux dangereux.
Toujours selon l'OIT, beaucoup d'entre ces enfants travaillent à temps
plein. Les autres combinent le travail avec l'école ou d'autres
activités non économiques. Par ailleurs, l'OIT affirme que la
plupart des enfants travailleurs (70%) continuent en 2010 d'être
employés dans l'agriculture. Le cinquième (1/5) seulement d'entre
eux est rémunéré et l'immense majorité constitue
des travailleurs familiaux non rémunérés. Ces statistiques
montrent que la maind'oeuvre enfantine, notamment celle issue du monde
agricole, constitue une part majeure de la population active mondiale.
Néanmoins, des progrès significatifs ont été
notés dans la campagne internationale qui vise à mettre fin au
travail des enfants. Comme le montre le récent rapport mondial de
l'OIT5 relatif à la 99ème session de la
Conférence Internationale du Travail tenue en 2010, l'ampleur du travail
des enfants continue de diminuer à l'échelle mondiale, même
si c'est à un rythme bien inférieur à ce qu'il en
était auparavant. Ce rapport note des signes perceptibles de
progrès, mais aussi, de profondes disparités
régionales.
3 Se référer aux objectifs
n°1 et n°2 des OMD : Objectif du
Millénaire pour le Développement, 2000.
4 Confère le rapport global 2010
intitulé : "Intensifier la lutte contre le travail des enfants".
5 OIT, "Accélérer l'action
contre le travail des enfants", 2010.
L'Afrique subsaharienne (ASS) où une croissance
démographique forte est couplée à un faible niveau de
revenus (PNUD, 2009), subit manifestement une pression sociale favorable
à l'utilisation de la main d'oeuvre enfantine. Cette dernière a
augmenté en volume6, aussi bien en valeurs relatives qu'en
chiffres absolus, contrairement aux régions Asie - Pacifique et
Amérique latine - Caraïbes où elle a régressé.
L'Afrique de l'Ouest et plus particulièrement le Burkina Faso, la
Côte d'Ivoire et le Mali, participent pour beaucoup, dans cette
évolution « contra cyclique » (OIT, 2009). En dépit
d'une diminution progressive de l'ampleur du phénomène dans ces
zones, le taux de recours à la main-d'oeuvre enfantine se maintient
à des niveaux encore élevés surtout dans les milieux
agricoles (Dumas, 2005). Les explications viendraient des limites
rencontrées par les politiques de scolarisation, et surtout de la
persistance de la pauvreté (Lachaud, 2004). Dans ces trois (03) pays
caractérisés par une grande voir extrême
pauvreté7, les enfants peuvent contribuer à la
constitution du revenu familial (Kanhur et Grootaert, 1995) en travaillant au
champ, en s'adonnant aux petits métiers du secteur informel (vendeurs de
rue, cireurs de chaussures, etc.) ou en restant travailler à la maison,
les parents ayant ainsi plus de temps à consacrer à leurs
activités génératrices de revenus. Ainsi, dans un contexte
économique encore marqué par les conséquences
désastreuses des politiques d'ajustements structurels des années
1980 et 1990, la quasi absence de protection sociale (OIT, 2003) se compense
plus ou moins par le revenu issu de la main d'oeuvre enfantine qui diminue
ainsi partiellement l'insécurité des ménages agricoles :
perte éventuelle de son emploi par le chef de famille, mauvaise
récolte, survenance d'une calamité naturelle ou incidence d'une
maladie ou de tout autre aléa de la nature ou de la vie. Devant ce
constat, il parait impérieux de dresser un état des lieux complet
du phénomène dans ces trois (03) pays afin d'en saisir l'ampleur
réelle et de dégager des éléments de ressemblance
et de dissemblance entre ces pays. Plus précisément, cette
étude permettra de répondre, dans une optique comparative, aux
interrogations suivantes : quels sont les déterminants du travail des
enfants en milieu agricole au Burkina Faso, en Côte d'Ivoire et au Mali ?
Le constat selon lequel le phénomène du travail des enfants
s'expliquerait par la pauvreté est-il vérifié dans ces
trois (03) pays ? En définitive, cette étude permettra de mettre
en évidence dans ces trois (03) pays, les liens plus ou moins
consensuels8traditionnellement établis entre pauvreté
et travail des enfants d'une part, et entre éducation et travail des
enfants, d'autre part.
6 Source : OIT, se référer à
l'introduction.
7 Se référer à :
Human Development Report, PNUD, 2009.
8 En effet, des auteurs ont remis en
cause ces liens : se référer à la revue de
littérature.