A. Une harmonisation des règles au niveau
communautaire
L'existence de règles juridiques communes à tous
les Etats membres de l'Union européenne s'est
révélée nécessaire à la réalisation
de fusions transfrontalières (1). Un long travail d'harmonisation des
règles juridiques a donc été entrepris pour donner jour
à la directive 2005/56/CE du Parlement européen et du Conseil du
26 octobre 2005 relative aux fusions transfrontalières de
sociétés de capitaux (2). Malgré tout, cette harmonisation
conna»t des limites (3).
1. L'existence de règles juridiques communes: une
nécessité
La mise en Ïuvre des fusions transfrontalières
exige l'accord des lois des Etats de toutes les sociétés
participantes, ce qui signifie que les Etats doivent reconna»tre la
technique en cause.27 Or tous les Etats de l'Union européenne
n'autorisaient pas, jusqu'à la transposition de la directive 2005/56/CE,
les fusions transfrontalières. Certes, en France, les fusions
26 J. Boucourechliev, Les voies de l'Europe des
Sociétés, JCP E 1996, 560.
27 M. Menjucq, Droit international et
européen des sociétés, Domat droit privé,
Montchrestien, 2008, § 313.
transfrontalières étaient théoriquement
possibles, aucune disposition n'ayant jamais interdit,
28
directement ou in directement, les fusions
transfrontalières,mais Ç seule une fusion au profit
29
d'une société nationale pouvait en pratique se
réaliser ».De plus, en Allemagne, le courant
30
dominant de la doctrine interdisait les fusions
transfrontalières, ce qui les rendait en pratique irréalisables.
Cette interdiction a été réaffirmée par la
décision du tribunal allemand de Neuwied, chargé de la tenue du
registre de commerce, qui avait refusé l'inscription de la fusion par
absorption de la société absorbée luxembourgeoise Security
Vision Concept SA avec la société absorbante allemande Sevic
Systems AG, empêchant ainsi la réalisation de la fusion
transfrontalière (CJCE, 13 décembre 2005, aff. C-411/03, Sevic).
Le tribunal s'était fondé sur l'article 1 al 1 Nr 1 de la loi
allemande sur les transformations dont les termes exacts ne désignent
que la fusion entre sociétés ayant leur siège en
Allemagne, et non les fusions transfrontalières. Le tribunal avait ainsi
opté pour une interprétation littérale de l'article,
suivant le courant doctrinal majoritaire, bien qu'une partie de la doctrine
plus libérale estimait que les fusions transfrontalières devaient
être autorisées, l'article 1 reposant sur la théorie du
siège selon partie ait son Allem agne. 31
laquelle il suffisait qu'une siège en
La France comme l'Allemagne avaient certes transposé la
directive 78/855/CEE, adoptée par le Conseil le 9 octobre 1978, mais
celle-ci n'harmonisait que les règles portant sur fusions internes, et
ne faisait nullement allusion aux fusions transfrontalières. Or chaque
Etat est libre dans l'élaboration de ses règles. Seule
l'intervention d'une règle au niveau communautaire pouvait harmoniser le
régime des fusions transfrontalières.
On peut bien sür noter que les opérations de fusions
transfrontalières pouvaient être
32
réalisées par l'application des règles de
conflits de lois du droit international privé.Mais l'application de
règles de conflit suppose une reconnaissance réciproque dans la
législation des Etats membres des sociétés participant
à la f usion, et l'absence de dispositions hostiles aux fusions
transfrontalières.33 L'Allemagne s'opposant à de
telles fusions, elles ne pouvaient alors pas être réalisées
en pratique par l'application des règles de conflits de lois.
Cependant,
28 H. Le Nabasque, Les fusions
transfrontalières après la loi n° 2008-649 du 3 juillet
2008, Revue des sociétés 2008 p. 493.
29 M. Luby, Impromptu sur la directive n°
2005/56 sur les fusions transfrontalières des sociétés de
capitaux, Droit des sociétés n° 6, Juin 2006,
étude 11.
30 S. Kulenlamp, Die grenz·berschreitende
Verschmelzung von Kapitalgesellschaften in der EU, Nomos, 2009, S51 ;
Kindler in: M·nch Komm BGB, IntGesR Rn 878.
31 S. Kulenlamp, Die grenz·berschreitende
Verschmelzung von Kapitalgesellschaften in der EU, Nomos, 2009, S51 ;
Kallmeyer in: Kallmeyer, UmwG, §1 Rn 13.
32 J-J. Caussain, Des fusions
transfrontalières dans l'Union européenne, droit bancaire et
financier, Mélanges AEDBF-France II, Banque éditeur, p113s,
§42.
33 J-J. Caussain, Des fusions
transfrontalières dans l'Union européenne, droit bancaire et
financier, Mélanges AEDBF-France II, Banque éditeur, p 113 s,
§43.
lÕinterdiction allemande de réaliser des fusions
transfrontalières pouvait etre contournée gr%oce
à dÕautres mécanismes, comme les financial
merger par lesquelles, suite à lÕéchange des actions,
le cercle des actionnaires des deux sociétés était
regroupé autour de la société mere. Ce mécanisme
conduisait à un résultat comparable à celui dÕune
fusion. On peut prendre
34 35
lÕexemple des concentrations RhTMne -Poulenc/Hoechst et
Daimler -Benz/Chrysler .
Malgré lÕexistence dÕautres
mécanismes, il devenait nécessaire de remédier à
cette situation, Ç les fusions transfrontalieres, en tant que moyen de
restructuration, constituant un outil privilégie de regroupement des
firmes pour dompter les dimensions du marché unique ».36
En effet, des demandes pressantes des milieux économiques étaient
formulées par lÕentremise de lÕUnion des Confederations de
lÕIndustrie et des Employeurs dÕEurope et de la Chambre de
Commerce et dÕIndustrie de Paris. De plus, la volonté de la
Commission européenne de faire avancer le droit des
sociétés, et ses actions ciblées sur la restructuration et
la mobilité des entreprises,37 ont conduit à un long
travail dÕharmonisation qui a abouti à lÕadoption de la
directive 2005/56/CE.
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