§ 2 - LA FORME DE LA CONTREPARTIE DE L'OBLIGATION DU
PROMETTANT
La contrepartie est la prestation que reçoit le
promettant pour l'avantage qu'il consent au bénéficiaire. Elle se
présente souvent sous la forme classique d'un paiement à
effectuer, mais elle peut revêtir d'autres formes que celui d'un paiement
pur et simple.
Le bénéficiaire peut s'engager à faire
des études de marché, des sondages de terrains, des
démarches administratives, des études de viabilité ou de
voierie etc. ... toutes ces études représentent pour celui-ci des
charges financières qui ne permettent plus de parler d'option gratuite
et de considérer le contrat de promesse comme un contrat
unilatéral si tant est qu'il en fût jamais un. Elles resteront
acquises au promettant si le bénéficiaire ne donne pas suite
à son projet et lui seront utiles pour une vente ultérieure.
La contrepartie de l'option peut être incorporée
dans des loyers, notamment quand la promesse est jointe à un bail. C'est
d'ailleurs sous la forme de bail avec promesse de vente que s'est
considérablement développée l'utilisation du contrat
d'option dans la première moitié de ce siècle. Ces
contrats représentaient l'essentiel des promesses de vente pendant cette
période. Cette solution présente pour les contractants un
intérêt tant présent que futur : le bailleur est
assuré d'un revenu supérieur à celui que lui aurait
procuré un bail simple, pendant la durée de la promesse de vente
(le loyer est majoré parce que le bien est promis), il conserve son bien
et a « sous la main » un acquéreur
à priori intéressent ; le locataire jouit du bien sans
l'acheter, il a l'assurance de pouvoir s'en rendre propriétaire s'il est
d'un bon rapport. « La somme qui vient s'ajouter aux loyers
correspond à la perte éventuelle résultant pour le
promettant de l'indisponibilité de son immeuble. Elle veut être
également une compensation à un manque à gagner
éventuel, si l'immeuble rendu indisponible n'a pu être vendu
à un prix plus élevé ».
Aujourd'hui, la formule s'est étendue dans le secteur
mobilier avec les locations assorties de promesse de vente. En outre, des
sociétés professionnelles se sont spécialisées dans
une formule dérivée : le crédit-bail mobilier et
immobilier.
Les sociétés de crédit-bail
achètent des biens pour des personnes ou des entreprises dont elles sont
les mandataires, et les leur donnent en location avec une promesse de vente
pouvant être acceptée par une levée d'option au bout d'un
certain délai.
Il est devenu une institution autonome, mais la promesse de
vente est obligatoirement insérée dans le contrat. Les locataires
peuvent devenir, dans un temps plus ou moins long, propriétaire
grâce à l'option d'achat annexée au bail. C'est une
opération extrêmement utile, voir vitale, pour les entreprises en
expansion rapide qui ne peuvent immobiliser de très gros capitaux et qui
ont besoin de disposer de certains biens pour exercer leur activité. Les
industriels qui veulent des locaux ont souvent recours à ce
procédé. Ils n'ont pas à investir immédiatement des
sommes disproportionnées avec leurs capitaux disponibles.
Le loyer du crédit-bail est, d'une façon
générale cher, il est calculé de telle sorte qu'à
la fin du bail, le locataire puisse acquérir le bien à un prix
relativement faible, il faut donc concilier deux impératifs : il
faut que la location s'étende sur une période assez longue pour
qu'une partie importante du prix soit payée, mais il faut
également que le locataire ait une possibilité de choix, sinon il
ne s'agirait plus d'un crédit-bail mais d'une vente à
crédit ou d'une location-vente. Si la location est de courte
durée et que le loyer demandé est élevé,
l'administration fiscale voit dans le contrat conclu une véritable
mutation de propriété susceptible d'être imposée
comme telle. La location doit être fonction de la durée
d'amortissement fiscal des biens.
Lorsqu'il s'agit d'un immeuble, la durée normale
d'amortissement se situe entre 15 et 20 ans ; à ce moment,
l'immeuble est amorti et la valeur résiduelle est approximativement
celle du terrain puisque le terrain ne s'amortit jamais. Le locataire a ainsi
une option valable, il a acheté un immeuble qui ne vaut plus
grand-chose, il lui reste à payer le terrain, qui, lui,
représente une lourde dépense. Sa liberté de choix existe
réellement. Le prix de la promesse de vente dont il
bénéficie est compris dans les loyers payés.
Lorsqu'il s'agit d'un meuble, l'amortissement du bien est
différent, mais le locataire doit également avoir un choix
réel. Sur ce point, l'interprétation des contrats est bien
délicate et certaines décisions sont volontairement
ambiguës : les magistrats estiment que même une valeur
résiduelle peut laisser une possibilité d'acquérir.
Qu'il s'agisse d'un meuble ou d'un immeuble, le contrat doit
laisser, au bout d'un délai variable, une réelle option au
bénéficiaire. Comme en ce qui concerne l'immeuble, le
délai de location ne doit pas être trop bref, sinon il laisserait
supposer une vente déguisée. Mais, la valeur résiduelle
d'un bien mobilier ne peut être un critère déterminant car
elle dépend de son obsolescence : au moment où la
levée d'option est possible en vertu des stipulations contractuelles, le
bien est déjà « techniquement
dépassé », le marché propose des modèles
plus perfectionnés qui dévalent d'autant les modèles
antérieurs. Dans ce cas, la soulte à donner pour devenir
propriétaire sera faible, néanmoins, il doit laisser un choix
à effectuer : acheter ou non un bien à un prix relativement
faible. Le bénéficiaire juge si le bien peut encore lui
être utile, s'il est encore d'un intérêt immédiat ou
s'il est préférable qu'il se procure un modèle plus
perfectionné et plus compétitif.
L'option est de l'essence de la promesse de vente. C'est
pourquoi, certains contrats immobiliers qui prévoient que l'option
pourra être levée pour la somme de 1 dh ne
peuvent être qualifiés de promesse de vente. Il s'agit d'une vente
pure et simple déguisée.
La location assortie d'une promesse de vente est une technique
qui s'est beaucoup répandue ces dernières années notamment
dans le secteur mobilier.
La contrepartie de l'obligation du promettant n'est pas la
réparation d'un préjudice subi par celui-ci, mais le prix de
l'avantage qu'il consent. Elle a, de ce fait, un régime
spécifique.
§ 3 - LE REGIME DE LA CONTREPARTIE
Les problèmes posés par la prestation
donnée dans les contrats de promesse de vente, au sens large du mot, ne
sont pas pour autant résolus. En l'absence d'une volonté claire
et précise des parties, il est nécessaire de qualifier la
prestation qui doit être exécutée par le
bénéficiaire ; inversement la qualification litigieuse aura
une incidence sur cette prestation. Prenons un exemple : un acompte sur le
prix ne se conçoit que dans une promesse bilatérale ;
d'autre part, nous l'avons vu, une clause pénale ne peut pas être
une indemnité d'immobilisation ; enfin une indemnité
d'immobilisation n'existe que dans un contrat d'option de vente et des arrhes
peuvent être versés aussi bien dans un contrat d'option que dans
une promesse bilatérale.
Le régime de l'indemnité d'immobilisation doit
être un régime spécifique distinct notamment de celui de la
clause pénale.
Un prix librement débattu et accepté par les
contractants doit être respecté par le juge. Son montant sert
néanmoins de critère de qualification de la prestation
fournie.
Le contrat d'option a pour objet de permettre au
bénéficiaire de profiter d'un délai de réflexion
pour prendre sa décision finale. Si celui-ci n'a pas une entière
liberté de choix, le contrat est mal qualifié. Nous avons vu que
le délai peut être indéterminé, mais l'option doit
toujours être véritable.
Le bénéficiaire qui ne veut ni acheter, ni
abandonner l'indemnité d'immobilisation demande au tribunal de prononcer
la nullité de la promesse. Le promettant fait valoir que la promesse
valait vente, et que la somme versée était en
réalité un acompte sur le prix. Ou bien encore, le promettant
veut se libérer de ses engagements et soulève cette même
nullité à son profit, le bénéficiaire soutient
qu'il s'agit en réalité d'une promesse bilatérale. Pour
trancher, le juge doit rechercher la volonté des parties au moment de la
conclusion du contrat.
Un dédit peut constituer la compensation de
l'immobilisation du fonds pendant le temps durant lequel la promesse peut
être levée et que cette indemnité n'atteignant pas un
cinquième du prix total, il n'est pas possible de décider qu'elle
avait pour effet de contraindre le bénéficiaire de la promesse
à acheter et de transformer la promesse unilatérale en contrat
synallagmatique.
On peut considérer que la jurisprudence est
désormais constante, la cour suprême rejetant les pouvoirs
exercés contre des décisions ainsi motivées. Ainsi, la
cour d'appel relève à bon droit que
« l'indemnité fixée dont le montant représentait
approximativement le dixième du prix est exclusive de toute contrainte
à l'achat sous une forme détournée et n'altère en
rien la liberté de décision du
bénéficiaire ».
L'interprétation des conventions ne doit viser
qu'à rechercher si le bénéficiaire a eu ou non la
liberté de choix : « la promesse de vente
présente une ambiguïté rendant nécessaire
l'interprétation à laquelle les juges du fond procèdent en
retenant qu'elle ne met à la charge du bénéficiaire aucune
obligation d'acquérir le bien ... ».
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