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Le rôle du Commissaire aux Comptes dans l'acte uniforme OHADA

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par Malam Petel YOUSSOUFA
Université de Ngaoudere Cameroun - Master 2 2009
  

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SECTION II : LA FACULTE D'EXERCICE DU CONTROLE PAR LES ACTIONNAIRES : L'EXPERTISE DE GESTION

Le législateur OHADA est venu au secours des actionnaires minoritaires en instituant l'expertise de gestion. C'est ce que souligne à juste titre M.H.D.MODI KOKO BEBEY,50(*) quand il affirme que l'expertise de gestion est l'une des innovations les plus remarquables de la reforme du droit des sociétés commerciales en Afrique. Elle est réservée aux associés qui s'estiment moins éclairés sur la gestion sociale.

Pour sa mise en application, elle requiert certaines conditions relatives à l'objet et à la qualité pour agir (P.1) ; mais au-delà, lorsqu'elle aboutit, elle a une portée qui s'apprécie sur différents plans (P.2).

PARAGRAPHE I : LES CONDITIONS DE L'EXPERTISE DE GESTION

Les contours de l'expertise de gestion renferment la qualité pour agir (A), l'objet de la demande et la désignation de l'expert (B).

A- La qualité pour solliciter une expertise de gestion

L'expertise de gestion peut être sollicitée par les actionnaires minoritaires (1) et qu'en plus, c'est une action qui est ouverte au groupement des actionnaires (2).

1- Une action réservée aux seuls actionnaires minoritaires

A la différence de son homologue français qui donne la latitude pour agir à d'autres requérants comme le ministère public, le comité d'entreprise ou encore la commission des opérations de bourse,51(*)le législateur africain a estimé qu'il fallait réserver cette prérogative aux seuls associés minoritaires. Il aurait alors été préférable de parler d'«expertise de minorité» comme tel fut le cas en France, avant la loi 84-148 du 1er Mars 1984 qui ouvre les portes de l'institution aux demandeurs autres que les associés.

En utilisant l'expression «expertise de gestion», on aurait pu s'attendre à ce que le législateur de l'OHADA donne la possibilité à l'ensemble des protagonistes sociaux (ministère public, représentant des salariés, bourses des valeurs sous régionale) de s'informer sur la gestion sociale de telle sorte que par exemple les salariés qui constituent la dimension sociale et humaine de l'entreprise puissent avoir un véritable pouvoir de contrôle sur la gestion de la société.52(*)

Pour bénéficier de cette action, le requérant doit remplir deux conditions: il doit être associé ; c'est-à-dire bénéficier du titre mais également, de tous les droits qui sont attachés à sa qualité. C'est du moins ce qu'a retenu la cours d'appel de Versailles dans une affaire en date du 11 Mars 1999. En plus de cette condition, il faut que le requérant détienne un pourcentage minimum du capital social de 20%. «L'associé ayant des parts sociales qui représentent plus d'un cinquième du capital social peut demander avec succès une expertise de gestion des comptes(...)».53(*)

Alors que la loi française, dans ses articles L 225-231 et L 223-37 du code de commerce fixe respectivement à 5% dans les sociétés par action et 10% dans les sociétés à responsabilité limitée le pourcentage minimum à détenir, le législateur de l'OHADA quant à lui n'opère aucune distinction quant aux diverses formes sociales sur la qualité minimale de capital à détenir. On voit bien là que les rédacteurs du texte africain n'ont pas voulu créer une inégalité entre les acteurs sociaux.54(*)Les rédacteurs du traité ont sans doute pensé qu'un pourcentage très faible, même s'il offre la possibilité au plus grand nombre de minoritaire d'exercer un droit de contrôle sur la gestion, entrainerait par la même occasion des demandes abusives. La Cour d'appel d'Abidjan a eu l'occasion de statuer sur le pourcentage qu'un actionnaire pouvait détenir pour provoquer une demande d'expertise de gestion.

Dans cette affaire qui opposait la polyclinique AVICENES à M. BASSIT ASSAD, la Cour a décidé qu'en application de l'article 159 du traité relatif au droit des sociétés commerciales, un associé ne détenant que 8% du capital social ne pouvait obtenir la nomination d'un expert de gestion. Mais au delà des seuls actionnaires, cette action peut également être ouverte au groupement d'associés.

2- Une action ouverte au groupement d'actionnaires

Il ressort de l'article 159 de l'AUDSCGIE qu'un ou plusieurs associés représentant au moins le cinquième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander au président de la juridiction compétente du siège social la désignation d'un ou de plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.

L'action dont bénéficient les groupements est au centre d'un débat. Un auteur55(*) pense qu'il faut envisager à ce niveau deux approches possibles du groupement. Soit le groupement n'agit que comme mandataire des associés, la règle nul ne plaide par procureur oblige alors chacun de ceux-ci à figurer nominativement dans la procédure, avec l'inconvénient que les associés seront présents, et qu'aucun désistement ne se produira ; soit, le groupement se prononce en son nom propre, et le problème est alors de savoir s'il serait autorisé à exercer individuellement, ou encore qu'il puisse détenir le minimum de pourcentage requis, ce qui peut entrainer un risque de cession massif des droits sociaux au profit du groupement.

Pour cet auteur, il faudrait voir dans cette autorisation donnée au groupement des minoritaires un simple moyen pour le législateur de faciliter l'exercice de l'action et non un mécanisme visant à opérer un regroupement quelconque des associés minoritaires. Pour le législateur de l'OHADA, il s'agit là de confirmer sa volonté d'assurer aux petits actionnaires les moyens de se défendre. Il doit en être ainsi, si l'on entend encourager l'actionnariat populaire et, par conséquent, pousser vers la bourse ceux qui n'ont que des moyens modestes, et qui seront nécessairement des petits actionnaires minoritaires. Il faut dans la conjoncture africaine actuelle leur donner une sécurité.

B- L'objet de la demande et la désignation de l'expert

Il ressort de l'article 159 de l'AUDSCGIE que l'expertise de gestion doit porter sur une opération de gestion pour qu'elle puisse être admise (1), et l'opération aboutirait par la désignation d'un expert(2)

1- La notion d'opération de gestion

L'expertise de gestion tend à obtenir des informations sur «une ou plusieurs opérations de gestion». Le droit de l'OHADA tout comme le législateur français n'a donné aucune définition de la notion d'opération de gestion.

Que faut-il entendre par ce silence? Est-ce à dire qu'il reviendra au juge d'apprécier au cas par cas? Cette absence de détermination précise de la notion peut, surtout avoir pour explication le fait que le législateur africain n'ait pas souhaité ni voulu enfermer cette notion aussi fluide, dans une définition qui l'aurait sans doute rendue difficile dans son application. Cependant, le fait de ne donner la possibilité de demander une expertise qu'aux minoritaires laisse penser qu'on pourrait se référer à un critère organique pour délimiter la notion. Ainsi, seront des opérations de gestion celles accomplies par des organes d'administration et de direction de la société, ce qui exclurait toutes celles accomplies par les organes délibérants. Il est évident qu'une telle appréciation restrictive de l'article 159 présente des avantages par sa simplicité de mise en oeuvre, surtout dans la mesure où la répartition des compétences entre l'assemblée et les organes de direction est bien délimitée.

La délimitation du domaine de l'institution sera nécessaire pour éviter des difficultés. En seront donc exclu à priori, les décisions prises par l'assemblée générale des actionnaires, car en principe, les informations données par l'assemblée générale des actionnaires doivent normalement suffire à faire la lumière sur les décisions prises par la société.

Il faut également exclure les décisions relevant de la seule compétence des actionnaires. Ainsi, la régularité de la tenue des assemblées générales ou encore, celle des décisions d'augmentation du capital, ne pourront fonder une expertise de gestion même s'il en est différemment d'une demande relative à une convention réglementée, ou de la critique d'une délibération spéciale des dirigeants.

Enfin, il faut aussi souligner que l'expertise de gestion ne devrait pas en principe enquêter sur l'ensemble de la gestion, et que sa mission ne devrait pas se confondre, ni empiéter sur celle du commissaire aux comptes. La demande des minorités ne doit pas mettre en péril l'ensemble de la gestion sociale. C'est ainsi que comme le demandait M. BASSIT ASSAD56(*), la demande d'expertise ne pouvait porter sur l'ensemble des comptes des trois derniers exercices. Qu'en est-il maintenant de la désignation de l'expert.

2- La désignation de l'expert

Il ressort de l'article 159 de l'AUDSCGIE que la juridiction compétente est le président de tribunal du siège social, et la procédure civile vraisemblablement, celle d'une assignation en référé dans le souci de maintenir le caractère contradictoire de l'expertise. Ceci même si les rédacteurs du texte ne l'ont pas précisée.

Le juge ainsi saisi peut designer un ou plusieurs experts. Malgré la terminologie utilisée, la personne chargée de présenter le rapport en question n'est pas un véritable expert. Le juge reste libre dans son choix et peut s'adresser à un expert judiciaire, un expert comptable, un commissaire aux comptes, un dirigeant de société spécialement averti des problèmes, ou toute autre personne qu'il estime compétent. Toutefois, il faut préciser qu'il serait moins conforme aux textes que le commissaire aux comptes en fonction dans la société soit désigné en qualité d'expert de gestion.57(*)

Le législateur ne précise pas non plus le régime procédural de l'institution. Le laconisme du texte conduit à se demander s'il est possible d'appliquer à titre subsidiaire les principes régissant les expertises judiciaires des différents Etats parties au traité. On peut raisonner comme en droit français en optant pour l'affirmative. En l'absence de règles spécifiques, il parait utile de se référer aux droits nationaux sans oublier cependant que l'expertise de gestion, présente un particularisme certain, et que les missions des deux experts sont différentes de nature.

Quant à la mission confiée à l'expert, elle doit être relativement générale puisqu'elle peut porter sur l'examen d'un point de droit. Cependant, celle-ci parait assez étroite. Ce qui n'est ici que la conséquence de son caractère complémentaire par rapport aux autres moyens d'information et de contrôle dont dispose l'associé.

L'expert de gestion doit être doté des pouvoirs déterminés par le président du tribunal du siège social. Sa mission ne devant pas faire double emploi avec celle d'autres organes chargés eux aussi d'informer les actionnaires. Le législateur facilite davantage le déroulement de la procédure de l'expertise de gestion en interdisant à la société de s'opposer à celle-ci, et surtout, en lui faisant supporter les frais.

Au delà de ce qui vient d'être évoqué, l'institution de l'expertise de gestion est une innovation importante consacrée par le législateur OHADA. Enfin de compte, elle a une portée qu'il convient d'examiner.

* 50 H.D.MODI KOKO BEBEY, La reforme du droit des sociétés commerciales dans l'OHADA, Rev. Soc. Avril-Juin 2002, p.225.

* 51 V. Loi n° 2003-706 du 1 aout 2003 de sécurité financière de l'Autorité de Marchés Publics.

* 52 Rock David GNA HOUI, Intérêt de l'entreprise et droit des salariés, Rev. Sénégalaise des affaires, 1, Janvier- Juin 2003, in B. Y. MEUKE, « L'information des actionnaires minoritaires dans l'OHADA : réflexion sur l'expertise de gestion » www.juriscope.org ou www.ohada.com, p. 6.

* 53 Cour d'appel d'Abidjan, 2 Mars 2004, arrêt 376- Société Metalock. Process c/ Tourreguitart, www.ohada.com (ohadata j. 04-489).

* 54 B.Y. MEUKE, op .cit. p.7.

* 55 B.Y. MEUKE, op. cit, Ibid.

* 56 V. Cour d'appel d'Abidjan, 5e ch., A, n° 10, 02 janvier 2001, www.ohada.com.(ohadata J- 02-113)

* 57 B. Y. MEUKE, op. cit, p.12.

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