Le rôle du Commissaire aux Comptes dans l'acte uniforme OHADA( Télécharger le fichier original )par Malam Petel YOUSSOUFA Université de Ngaoudere Cameroun - Master 2 2009 |
SECTION II : L'ACCENTUATION DES SANCTIONS APPLICABLES AUX DIRIGEANTS DE LA SOCIETE ANONYMEQue ce soit la société anonyme in bonis ou dans la société anonyme en difficulté, l'hétérogénéité des sanctions résulte de la conséquence de la nature diversifiée des fautes commises par ces dirigeants. Dans le cas spécifique de l'OHADA, l'article 5 du traité met à la charge des Etats membres la détermination du quantum des peines applicables, chaque Etat déterminant les sanctions dans sa sphère en raison des critères qu'il aura défini. C'est sans doute ce qui a justifié la mise en oeuvre de la loi camerounaise numéro 2003/008 du 10 juillet 2003 relative à la répression des infractions contenues dans certains actes uniformes OHADA140(*). Dans le nouveau droit des affaires, issues de L'OHADA, les sanctions des applicables aux dirigeants sociaux peuvent résulter de la violation des actes de gestion, tout comme elles peuvent résulter de la violation d'autres dispositions ayant une autre origine (P.1). Mais, de l'autre côté, lorsque la société anonyme est en difficulté, un régime spécial de sanction est réservé à ses dirigeants sociaux (P.2). PARAGRAPHE I : LES SANCTIONS APPLICABLES AUX DIRIGEANTS DE LA SOCIETE ANONYME IN BONISLa sanction des dirigeants sociaux varie selon qu'elle résulte de la violation des actes de gestion (A), tout comme il peut s'agir des sanctions ayant une autre origine (B). A- La sanction de la violation des actes de gestion La gestion de la société s'effectue au travers des actes et des décisions que prennent les dirigeants au jour au jour. Ceux-ci sont astreints à une obligation de loyauté envers les associés, tant ils sont dépositaires du patrimoine social et se doivent de le gérer en « bon père de famille ».C'est ainsi que le dirigeant est tenu de cultiver les vertus du civisme à l'égard des associés et de la société, faute de quoi les actes de gestion faisant grief sont annulés purement et simplement (1). A défaut d'annulation, le juge saisi peut sommer le dirigeant à rétablir le droit (2). 1- L'annulation des actes faisant grief Lorsque cette annulation se produit, elle produit des effets. Les civilistes parleront de l'existence d'une faute en amont, d'un préjudice en aval et de l'existence d'un lien de causalité. Il s'agit de prouver que l'on a subi un préjudice. Sur le fondement de l'article 1382 du code civil, tout dirigeant social, dont les actes préjudicient aux associés engage sa responsabilité. Une fois le préjudice prouvé, le juge procédera, à la diligence des parties à l'annulation des actes litigieux. Les manquements les plus courant sont : le défaut d'autorisation du conseil d'administration dans le cas des conventions réglementées; le défaut de consultation de celui-ci, et même le refus de donner son autorisation. De façon préventive, certaines conventions sont interdites par la loi141(*). Toute convention passée en violation de cette interdiction s'expose à une annulation. L'annulation peut porter par exemple sur les délibérations des assemblées dont les conditions n'ont pas été respectées, du défaut de convocation, de l'atteinte au droit de communication des actionnaires etc. lorsque la violation de ces dispositions cause préjudice à la société ou aux actionnaires, le juge les annule. De même, l'annulation des actes faisant grief s'étend aux actes pris par un dirigeant de fait. Quant aux effets de l'annulation, ils sont multiples. A l'égard des dirigeants, l'annulation des actes est la preuve même de leur responsabilité. Pour ce qui est des actionnaires, l'annulation de l'acte litigieux peut donner lieu à dommages et intérêts. Les actes concluent avec les tiers dans le cadre des conventions interdites peuvent également faire l'objet d'annulation. Il y a lieu d'évoquer la notion de faute détachable des fonctions.142(*) 2- La sommation judiciaire de conformité des dirigeants au droit La sommation est un acte d'huissier enjoignant à un débiteur de payer ce qu'il doit ou d'accomplir l'acte auquel il s'est obligé.143(*)Dans le cadre de la gestion d'une société anonyme, les dirigeants sont tenus d'accomplir des actes normaux de gestion. A défaut, d'annulation des actes faisant griefs, le juge peut simplement sommer les dirigeants à se conformer au droit, et cela produit surement des effets. La sommation fait intervenir le juge dans la vie de la société en cas de litige. Il en est ainsi, lorsque par exemple, le dirigeant présente des états financiers de synthèse inexacts. Le juge peut le condamner sous astreinte à présenter aux associés la traduction fidèle des comptes sociaux. De même les dirigeants faisant obstacle à la désignation du commissaire aux comptes peuvent subir le même sort. La sommation fait intervenir le juge de manière indirecte en laissant le soin aux dirigeants de régulariser eux-mêmes les anomalies de la gestion constatées. La sommation concerne à la fois les actionnaires et les dirigeants. A l'égard des actionnaires, elle produit un effet sécurisant. Ceux-ci sont rétablis dans leurs droits sans passer par la phase très couteuses et complexe d'un procès. Elle permet aussi aux actionnaires de bénéficier de leur investissement, et semble être un facteur d'encouragement de l'investissement. A l'égare des dirigeants, ces effets sont mixtes. Négativement, le dirigeant échappe à un procès afflictif et infamant, cela sans préjudice de la réparation du dommage subi par l'actionnaire. Et positivement, la sommation est un véritable préalable à une action en justice, elle caractérise la mauvaise foi des dirigeants. B- Les autres sanctions applicables aux dirigeants de la société anonyme Le patrimoine des dirigeants est le gage commun des créanciers sociaux.144(*)Il en résulte que leur patrimoine est de nature à répondre des dettes sociales dans le cadre des sanctions patrimoniales(1), les dirigeants pouvant aussi être sanctionnés sur leur personne physique ou civile par le biais de l'action extra patrimoniale(2). 1- Les sanctions patrimoniales Les sanctions patrimoniales tendent à protéger les actionnaires contre une gestion frauduleuse des dirigeants sociaux, toutefois, la preuve de la mauvaise foi des dirigeants doit préalablement à la sanction être rapportée par le demandeur. La preuve ainsi rapportée ouvre les portes des sanctions dont l'exposé conditionne les effets. L'AUDSCGIE incrimine les fautes des dirigeants se rapportant à la gestion. Il s'agit de l'abus des biens sociaux et du crédit de la société. La loi camerounaise du 10 juillet 2003 relative à la répression des infractions contenues dans certains Actes uniformes OHADA punit dans son article 9 d'une amende de 2000000 à 20000000 F, le gérant de la société à responsabilité limitée, les administrateurs et tous les autres dirigeants de la société anonyme qui de mauvaise foi ont fait des biens ou du crédit de la société un usage qu'ils savent contraire à l'intérêt de la société, à des fins personnelles matérielles, ou morales ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement. Pour ce qui est des sanctions civiles, elles sont relatives à la réparation du préjudice subi par les actionnaires. Il s'agit de l'octroi des dommages et intérêts qui vont profiter, tantôt à l'actionnaire si le préjudice est personnel, tantôt à la société si le préjudice est social. Il peut même arriver que la responsabilité fiscale des dirigeants soit engagée, surtout lorsque par des manoeuvres frauduleuse, ils ont rendu ce paiement impossible.145(*) Pour ce qui des effets produits par ces sanctions, ils sont préventif ou curatif. A titre préventif, ces sanctions permettent d'éviter la fraude en amenant le dirigeant à agir avec prudence. Le durcissement des ces sanctions vise à assainir le milieu des affaires et à moraliser le secteur économique pour protéger les investissements étrangers et nationaux. Les dirigeants seront plus vigilants et surveilleront mieux leurs faits et gestes, quand on sait que même une simple abstention est sanctionnée.146(*) Il faut ajouter à cela que même le fait de faire courir un risque au patrimoine de la société est constitutif d'acte abusif pour les dirigeants. Enfin, si malgré les menaces que constituent ces sanctions, les dirigeants ont failli, ils doivent à titre de sanction verser les amendes et dommages et intérêt. Ceci pour combler les pertes subies par la société et les actionnaires. 2- Les sanctions extrapatrimoniales Ces sanctions visent non le patrimoine des dirigeants, mais leur propre personne. Elles sont de deux ordres ; l'emprisonnement, les interdictions et les déchéances. L'article 7 de la loi camerounaise de 2003 précitée sanctionne les dirigeants auteurs de la répartition des dividendes fictifs d'une peine d'emprisonnement de 1 à 5 ans. L'article 8 de la même loi sanctionne d'une peine identique la présentation par les dirigeants d'une image infidèle de l'entreprise. L'article 7 de la même loi sanctionne d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et quant à l'article 12 de cette loi, il punit d'un emprisonnement de trois mois à trois ans tout refus de faire bénéficier aux actionnaires de leur droit préférentiel de souscription alors que celui-ci n'a pas été supprimé. L'abus des biens et crédits sociaux entraine une peine d'emprisonnement d'un à cinq ans dans la législation sénégalaise, et une sanction identique est prévue à l'article 9 de la loi camerounaise de juillet 2003. Quant aux interdictions et déchéances, les articles 40 et suivants de l'AUDSCGIE organisent leur régime. Ainsi, nul ne peut exercer une activité commerciale directement ou par personne interposée s'il a fait l'objet d'une interdiction prononcée par une juridiction professionnelle, et dans ce cas, l'interdiction ne concerne que l'activité commerciale exercée. Il faut aussi rappeler que nul ne peut exercer une activité commerciale s'il a fait l'objet d'une condamnation définitive à une peine d'au moins trois mois d'emprisonnement non assorti de sursis pour un délit contre les biens, ou une infraction en matière économique ou financière. Ces sanctions de manière générale, vise à punir les dirigeants de mauvaise foi et permet de protéger l'intérêt public. Ces sanctions extrapatrimoniales permettent même de renforcer la protection des droits des actionnaires, et la consécration de la sécurité juridique des affaires.147(*) En somme, la mise en oeuvre de la responsabilité des dirigeants sociaux est nécessaire dans un contexte économique marqué par la recherche de la compétitivité économique. C'est d'ailleurs pour cette raison que même lorsque la société anonyme est en difficulté, ses dirigeants sont sanctionnés par un régime spécial que seul, l'exercice véritable d'un contrôle permet de mettre en oeuvre. * 140 M. LOZIAN, A. VIANDIER, Fl. DEBOISSY, op. cit, p. 147. * 141 V. art. 507 AUDSCGIE. * 142 G. AUZERO, L'application de la notion de faute personnelle détachable des fonctions en droit privé, Droit des affaires, 1998, p.502. * 143 Lexique juridique, Dalloz, 12e éd, 1999, p.495. * 144 Voir art. 2092 du code civil. * 145 Voir art. 267 du livre camerounais des procédures fiscales. * 146 Cass. Crim., 15 mars, 1972, rev. soc, 1973, p. 357. * 147 W.J.NGOUE, op. cit, p. 203. |
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