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Le rôle du Commissaire aux Comptes dans l'acte uniforme OHADA

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par Malam Petel YOUSSOUFA
Université de Ngaoudere Cameroun - Master 2 2009
  

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PARAGRAPHE II : L'EXERCICE DE L'ACTION SOCIALE CONTRE LES DIRIGEANTS DE LA SOCIETE ANONYME

La mise en oeuvre de la responsabilité des dirigeants de la société se fait par l'entremise de l'action sociale. Le principe de la responsabilité d'un dirigeant envers la société qu'il dirige ou administre est posé par l'article 165 de l'AUDSCGIE en son alinéa 1er en ces termes : « chaque dirigeant social est responsable individuellement envers la société des fautes qu'il commet dans l'exercice de ses fonctions ». Cette action vise à obtenir la condamnation du dirigeant à réparer le préjudice subi par la société.126(*) En quelque sorte, elle a pour objet le maintien ou la reconstitution du patrimoine social. En principe, cette action est intentée par les dirigeants. La difficulté nait du fait que, les dirigeants sociaux sont tenus par le biais de cette action d'engager leur propre responsabilité. En cas d'inertie des dirigeants sociaux, un ou plusieurs associés peuvent intenter l'action sociale après une mise en demeure des organes compétents non suivi d'effets dans un délai de 30 jours. Cette action sociale appelée ut singuli et exercée par les actionnaires au profit de la société en vue de la réparation du préjudice social. Elle se caractérise par les abus des dirigeants sociaux (A), abus liés la plupart de temps à la gestion de la société (B), et ayant une certaine étendu (C).

A- Les abus des dirigeants liés à la gestion de la société anonyme

La société anonyme regroupe d'énormes richesses qui sont laissées à la gestion des administrateurs. Ces derniers sont chargés de gérer ces biens conforment aux textes et statut de la société. Si c'est le cas, on peut sans risque de se tromper dire qu'ils servent l'intérêt de la société. Mais tel n'est pas toujours le cas malheureusement. Ainsi, les dirigeants peuvent abuser des biens de la société pendant qu'ils sont en poste. La faute de gestion consiste en un écart de conduite des dirigeants par rapport à une gestion avisée des affaires sociales. Ainsi, le critère de la faute de gestion préjudiciable à la société réside dans la notion d'intérêt sociale. Tout comportement du dirigeant non conforme à l'intérêt de la société peut à cet égard être assimilé à une faute.127(*)

L'AUDSCGIE détermine les abus liés à la gestion sociale. A cet égard, l'article 891 de ce texte détermine les abus portant sur les valeurs patrimoniales de la société, tel l'abus des biens sociaux et du crédit. Cet article dispose que les dirigeants qui de mauvaise foi font des biens ou du crédit de la société un usage qu'ils savent contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles, matérielles ou morales ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement, commettent l'abus des biens.

Les dirigeants peuvent préjudicier la société, en faisant par exemple obstacle à la désignation des commissaires aux comptes. Ceux-ci ont en effet pour rôle non seulement de contrôler la gestion, mais d'éviter que les dirigeants sociaux ne se livrent à des actes d'aliénation des biens sociaux. Aussi certains dirigeants sociaux sont parfois « désireux d'écarter un contrôle seulement gênant ou franchement dangereux pour eux s'ils ont commis des actes délictueux », alors que d'autres « peuvent y mettre obstacle de manière plus ou moins directes ». Cet obstacle à la désignation du commissaire aux comptes constitue ainsi une faute de gestion.

Le critère de définition de la faute préjudiciable à la société est très large. Cela sans doute pour protéger et an mieux les actionnaires. Cependant, il parait plus judicieux que le législateur définisse les critères de cette faute, pour mieux lutter contre l'arbitraire. L'exercice de l'action sociale par les actionnaires ne souffre d'aucune restriction. Aussi toute clause du statut ayant pour effet de le subordonner à l'avis préalable ou à l'autorisation de l'assemblée des actionnaires, d'un organe de gestion de direction ou d'administration, on d'y renoncer est réputée non écrite.128(*) De même aucune décision des organes précités ne peut avoir pour effet d'éteindre une telle action.129(*) Enfin, pour éviter que l'action ut singuli ne puisse être exercée à cause des frais de procédure, l'AUDSCGIE innove par rapport au droit français en prévoyant que les frais et honoraires occasionnés par l'action sociale, lorsqu'elle est intentée par un ou plusieurs associés sont avancés par la société ». Les associés sont donc disposés de faire l'avance des frais dès lors qu'il s'agit de poursuivre les dirigeants dans l'intérêt de la société.130(*)De même l'action sociale peut être intentée soit contre les dirigeants en fonction, soit contre les dirigeants retirés. Pour les dirigeants retirés, le régime de l'action est variable.131(*) Qu'en est-il de l'abus relatif à la comptabilité de la société anonyme ?

B- Les abus relatifs à la comptabilité de la société anonyme

Aux termes de l'article 889 de l'AUDSCGIE « encourent une sanction pénale, les dirigeants qui, en l'absence d'inventaire ou au moyen d'inventaire frauduleux, auront sciemment opérés entre les actionnaires ou les associés la répartition des dividendes fictifs ». Il ressort de ces dispositions deux préjudices distincts. D'une part, le préjudice de la société, étant donné que c'est le capital social qui serait amenuisé en cas de distribution de dividendes fictifs, puisqu'il n'y a pas de bénéfice à partager. D'autre part, le préjudice direct causé aux actionnaires. Cet acte caractérise la mauvaise foi des dirigeants. Celle-ci consiste dans la connaissance par l'auteur du caractère fictif des dividendes que de l'inexactitude de l'inventaire, ou du bilan et conditions dans lesquelles la distribution des dividendes a été décidée.132(*)

De même, au nombre des fautes liées à la comptabilité, il faut préciser que l'article 890 de même Acte sanctionne les dirigeants sociaux qui auront sciemment même en l'absence de toute distribution de dividendes, publiés ou présentés aux actionnaires en vue de dissimuler la véritable situation financière et, des états financières inexacts. Ces états financiers de synthèse annuelle doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'exercice, conformément à l'article 168 de l'AUDSCGIE. Le contrôle opéré par des organes internes ou externes permet alors de détecter ces abus. Mais, même si strictement tout bilan est inexact, l'infidélité de l'article 890 recouvre les manquements à l'obligation principale de régularité et de sincérité, dès lors que le but est de dissimuler la véritable situation de la société. Cette infidélité résulte donc de toute erreur ou plus exactement de toute irrégularité relative à l'un des postes d'ordre matériel, formel ou moral.133(*)

Il faut aussi souligner que l'élément moral à ce niveau est double, puisque la faute suppose un vol général résultant de l'intention coupable et, d'un vol spécial caractérisé par un but déterminé.

De l'étude de cet abus des dirigeants sociaux, il ressort que celui-ci est aujourd'hui une infraction récurrente. Les fautes des dirigeants sociaux ont pour corollaire des préjudices pouvant être causés directement à la société et indirectement aux associés.133(*)

C- L'étendu du préjudice né des abus des dirigeants sociaux

Le but ultime de l'action sociale est de sanctionner les dirigeants à cause du préjudice causé à la société. Il s'agit du préjudice direct de la société (1). Mais parfois, par ricochet, l'associé peut subir un préjudice (2).

1- Préjudice subi par la société à tire principal

La raison d'être de l'action sociale est la réparation du préjudice subi par la société. Celui-ci pouvant porter sur la gestion sociale ou sur la comptabilité de la société. Il ressort alors clairement que la société est le sujet principal de cette action. D'ailleurs, l'article 167 de l'AUDSCGIE précise qu'en cas de condamnation, les dommages et intérêt sont alloués à la société. L'AUDSCGIE a même facilité l'exercice de cette action, en disposant que les frais et honoraires occasionnés par cette action sont à la charge de la société. C'est donc normal qu'à ce titre que la société soit la principale bénéficiaire des dommages et intérêts. Toujours dans le souci de cette facilitation, l'AUDSCGIE réitère qu'aucune convention ou règlements du statut ne peut s'opposer à l'exercice de cette action.

L'action sociale peut être dirigée contre un ou plusieurs dirigeants. Tout dépend du degré de leur implication dans les actes préjudiciables à la société. De fois, leur responsabilité peut être solidaire.

Par ailleurs, l'article 891 de l'AUDSCGIE sanctionne les abus qui sont caractérisés par un usage contraire à l'intérêt social,134(*) dans ce cas, il est permis à la société d'agir elle-même contre les auteurs de tels actes par le moyen de l'action ut univers,135(*) à travers ses représentants légaux. Les actionnaires sont aussi titulaires de cette action pour agir contre ces auteurs fautifs. Qu'en est-il alors du préjudice subi par les actionnaires par ricochet ?

2- Le préjudice par ricochet de l'actionnaire

Lorsqu'un dirigeant agit de manière frauduleuse pour détourner, masquer ses erreurs ou détourner des biens appartenant à la société, il porte atteinte au patrimoine financier de la société. Mais, la société n'est pas seule à subir ce préjudice. Même les actionnaires en sont victime. C'est ce qu'on entend par préjudice par ricochet, c'est-à-dire un préjudice indirect. Par exemple, l'abus des biens sociaux préjudicie directement à la société, et l'actionnaire peut recourir à l'action individuelle si le préjudice qu'il a subi est personnel et n'entrave pas les intérêts sociaux.

En pratique, l'actionnaire lésé aurait intérêt à intenter l'action sociale. La preuve du préjudice personnel étant difficile à apporter, il importe de préciser qu'un actionnaire peut être admis à exercer l'action sociale même s'il demande par ailleurs la réparation de son préjudice personnel.

De façon générale, le préjudice subi par l'actionnaire est souvent de moindre importance, comme l'a relevé un auteur fort opportunément « rare sont les actionnaires qui assumeraient les frais et les ennuis d'un procès pour un résultat juridiquement symbolique ».136(*)Il reste vrai que, le législateur communautaire prévoit que les frais et honoraires y relatifs sont à la charge de la société.137(*)

L'actionnaire ayant subi un préjudice du fait des dirigeants a deux voies pour agir en justice, soit, il agit par voie d'action directe en saisissant le tribunal compétent pour connaître des affaires commerciales ; soit par voie d'action civile. Les règles de compétence n'étant pas d'ordre public, l'actionnaire peut porter son action devant la juridiction chargée des affaires commerciales dans le ressort de laquelle est situé le siège de la société, ou, si les statuts prévoient une autre juridiction, il doit nécessairement porter son action devant elle. Par ailleurs, que ce soit l'action ut singuli ou l'action ut universi, les deux se prescrivent « par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé dés sa révélation », et par dix ans si le fait dommageable est un crime.138(*)

Les actions ouvertes aux associés tendent à réparer le préjudice causé aux associés et à la société, leur exercice doit normalement aboutir à des sanctions. Ces dernières révélant un intérêt particulier : plus elles sont sévères, mieux les actionnaires sont protégés. Raison pour que la place du législateur et de la jurisprudence soit d'importance dans le cadre de la sommation des dirigeants sociaux.139(*)

* 126 A. AKAM AKAM. Op. cit, p. 219.

* 127 V. cependant, pour une Action sociale non caractérisée, T.G.I de Ouagadougou, jugement du 10 janvier 2000. Revue Burkinabé de droit, n° 42, 2e trimestre, 2002.

* 128 V. art. 694 de l'AUDSCGIE pour les S.A.

* 129 V. art . 694 de l'AUDSCGIE.

* 130 V. art . 694 de l'AUDSCGIE.

* 131 A. AKAM AKAM, op. cit, p. 220.

* 132 P.G POUGOUE F. ANOUKAHA, F.M .SAWADOGO et autres, op. cit, p. 570.

* 133Pour application de droit, n° 42, 2ème semestre 2002, OHADA J-05-248.

* 134 P.G.POUGOUE, F.ANOUKAHA, F.M. SAWADOGO et autres, op. cit, p.892.

* 135 A cet effet, les statuts précisent les organes qui représentent la société en justice.

* 136 V.Y.GUYON, Droit des affaires, droit commercial général et société, op. cit, p. 478.

* 137 V. art. 171 AUDSCGIE.

* 138 V art. 740 de l'AUDSCGIE.

* 139 W.J. NGOUE, op. cit, p.193.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand