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Les recours individuels dans le système inter-africain de contrôle: la coexistence de la cour africaine et des juridictions des communautés économiques régionales

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par Christian BAHATI BAHALAOKWIBUYE
Université Catholique de Bukavu - Licence 2011
  

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O. INTRODUCTION

O. 1 PROBLEMATIQUE

 Nous sommes aujourd'hui en présence d'un véritable clavier des droits de l'homme qui raisonne quelle que soit la partie du monde concernée, et dont l'existence participe du caractère sacré de la personne humaine.1(*)

Le droit international relatif aux droits de l'homme vise à protéger l'ensemble des droits dont chacun a besoin pour mener une vie pleine, sûre et saine en toute liberté et sécurité. Ces droits nous confèrent, dignité et égalité, ils garantissent la possibilité de répondre à nos besoins fondamentaux que sont l'alimentation, la santé, l'éducation, le travail...La procédure de garantie des droits fondamentaux joue à ce titre un rôle majeur pour veiller au respect de ces droits. Celle-ci se résume à un ensemble de dispositions, et procédés visant à empêcher les violations des droits humains, à les sanctionner par la réparation des dommages subis du fait de ces atteintes.2(*)

Il importe donc que l'application des droits de l'homme (droits civils et politiques, droits économiques, sociaux et culturels, droits de solidarité) déclarés indivisibles par ailleurs et des libertés fondamentales soit garantie par un système de protection efficace, dans le cadre des organisations universelles et régionales, les Etats ayant l'obligation « erga omnes » de les respecter.3(*)

L'universalisation des droits de l'homme postule également l'universalisation des procédures : on ne peut pas prétendre adhérer à un système des valeurs en y soustrayant ce qui apparait en définitive comme la plus grande conquête en matière de défense des Droits de l'homme à savoir la soumission des Etats à des juridictions internationales.4(*)

Ce dernier aspect mérite de retenir l'attention. Il implique également qu'on s'y attarde en raison du fait qu'aussi importants et étendus que soient les droits de l'homme, ce sont les garanties de leur respect ou les réparations qu'impliqueraient leurs violations qui sont déterminantes.

Ainsi, la définition conventionnelle des droits de l'homme, aussi bien sur le plan universel que sur un terrain régional, appelle un système de mise en oeuvre satisfaisant.

Les auteurs conscients de cette nécessité, paraissent unanimes à reconnaitre le besoin d'établir, en même temps que des pactes ou des conventions définissants les droits de l'homme, un système garantissant leur mise oeuvre au moyen de procédures internationales appropriées.

Puis si l'on passe du terrain doctrinal à celui de la pratique, on retrouve en dernière étape, après quelques flottements ou réactions de la part de certains Etats, ce même souci de mise en oeuvre5(*).

L'on sait qu'au plan international, le système de protection des droits de l'homme repose dans son aspect normatif sur la charte internationale des droits de l'homme. La charte se compose respectivement de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 12 décembre 1948, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté en 1966, entré en vigueur en 1976 ; du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adopté et entré en vigueur au même moment que le précédent ; du premier protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques portant sur le recours individuel ; du deuxième protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques , entré en vigueur en 1988 et portant sur l'abolition de la peine de mort. Ces instruments juridiques qui consacrent les normes générales relatives aux droits de l'homme ont été à l'origine de plusieurs autres textes internationaux. Dans son aspect institutionnel, l'on relève le rôle majeur de l'ONU avec ses différentes composantes. Les organes juridictionnels à vocation universelle, s'inscrivent également dans cette logique. Il s'agit précisément de la cour pénale internationale6(*).

Au plan régional, il conviendra de présenter le système de protection des droits fondamentaux dans le continent européen, américain et africain. En Europe, le noyau dur de ce système s'arrime autour de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de septembre 1950 ; de la commission et de la cour européenne des droits de l'homme. En Amérique, le système repose sur la convention américaine relative aux droits de l'homme de juillet 1978 ; de la commission et de la cour inter américaine des droits de l'homme. En Afrique, le système de protection des droits fondamentaux reposait avant janvier 20047(*) sur la charte africaine des droits de l'homme et des peuples d'octobre 1981 ; la commission africaine des droits de l'homme et des peuples ; la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) devenue l' Union africaine (UA).

Au plan sous-régional africain, la Cour africaine n'est pas le seul organe judiciaire supra étatique susceptible de veiller au respect des droits garantis par la Charte africaine et de condamner un Etat pour la violation de ces droits. C'est aussi le cas de certaines Cours de justice des Communautés économiques régionales (CER). Trois des cours de ces CER sur les huit reconnues par l'union africaine (UA) disposent implicitement ou explicitement d'un mandat de systèmes de promotion et de protection des droits de l'homme.

Il s'agit du Tribunal de la SADC et de la Cour de justice de la CEA qui ont compétence pour tous litiges concernant l'application des Traités constitutifs des Communautés, ces derniers engageant les Etats au respect des droits garantis par la Charte africaine. La Cour de justice de la CEDEAO a, elle, une compétence explicite quand au respect des droits de l'Homme. L'article 9(4) de son Protocole supplémentaire (adopté en 2005) donne à la Cour compétence pour connaître des cas de violations des droits de l'Homme commises par un Etat Partie. Tous ces organes judiciaires des CER africaines garantissent le droit de recours individuel.8(*)

D'une manière générale, toutes ces procédures sont identiques : elles ne peuvent être utilisées que dans des cas où les moyens légaux, au niveau national, ont été épuisés. Elles ne peuvent pas être effectuées anonymement et doivent présenter des informations exactes et objectives etc.9(*)

Par ailleurs, il sied de noter que cette justice internationale étant déjà en place, il fallait attendre une période encore plus récente pour que les États acceptent la compétence d'un juge international pour des litiges les opposant à des particuliers. Mais, le système international de protection des droits de l'homme ne fait pas exception à la restriction du droit procédural international en ce qui concerne l'accès des individus à la justice internationale. Que ce soit au niveau des mécanismes de l'Organisation des Nations Unies (ONU) ou des autres systèmes régionaux des droits de l'homme, le droit de recours individuel fait généralement l'objet d'une clause facultative, la compétence de ces organes à examiner des requêtes individuelles étant soumise à la déclaration de la reconnaissance de cette compétence par les Etats concernés.

C'est ainsi que les requêtes ou communications individuelles adressées à la commission africaine des droits de l'homme et des peuples, à la défunte commission européenne des droits de l'homme, à la commission interaméricaine des droits de l'homme, au comité des droits de l'homme de l'ONU ou à la Cour internationale de justice10(*), par exemple, font l'objet d'un filtrage avant leur enregistrement ou leur notification aux Etats contre lesquels elles sont introduites.

Ayant remporté la bataille pour l'entrée en vigueur de la Cour, celle pour son effectivité commence. Elle implique plusieurs facteurs notamment la ratification du Protocole par le plus grand nombre d'Etats et l'acceptation du droit de recours individuel.11(*)

Au cours de cette étude, nous allons nous appesantir essentiellement sur la manière dont le Protocole créant la Cour africaine aborde la question de l'accès des individus à la Cour africaine. Il nous faudra ensuite faire un aperçu de l'application de la Charte africaine par les juridictions sous-régionales et entrevoir les relations qui existeront entre celles-ci et la Cour africaine.

En effet, le Protocole créant la Cour prévoit la compétence obligatoire de la Cour pour toutes les affaires portées devant celle-ci par la Commission africaine, les Etats parties ou une organisation intergouvernementale africaine, et une compétence facultative de la Cour en ce qui concerne les affaires soumises par un individu ou une organisation non gouvernementale. On pourrait bien entendu regretter le caractère purement facultatif de la compétence de la Cour concernant les requêtes individuelles.

Cette compétence n'étant que facultative, elle est soumise à la volonté préalable de l'Etat accusé de violations des droits de l'Homme. En fait, les individus et ONG ayant le statut d'observateur auprès de la Commission africaine peuvent saisir directement la Cour si et seulement si l'Etat en cause, partie au Protocole, a fait une déclaration au titre de l'article 34.6 du Protocole autorisant une telle démarche.

Il s'agit ici d'une des limitations principales du système africain de protection des droits de l'Homme. En effet, l'expérience de la Commission africaine et celle des autres cours régionales, nous a montré que les Etats sont peu enclins à déposer des plaintes contre d'autres Etats. Cette possibilité n'a été que très peu utilisée par les Etats, ceux-ci hésitant à s'attaquer à leurs homologues par peur d'effet boomerang. Un exemple : en 1999, la République démocratique du Congo a porté une communication devant la Commission contre le Burundi, l'Ouganda et le Rwanda pour dénoncer les violations graves et massives des droits de l'Homme et des peuples commises par les forces armées de ces trois pays dans les provinces congolaises de l'est touchées par un mouvement de rébellion depuis août 1998. Elle n'a jamais été utilisée dans le système interaméricain et seulement une vingtaine de fois contre 57100 plaintes individuelles devant la Cour européenne12(*). En d'autres termes, si les Etats parties au Protocole ne font pas la déclaration au titre de l'article 34.6, l'activité de la Cour sera fortement réduite. Et la cour a fait bon usage de cette disposition de l'article 34.6 lors de son premier arrêt et a conclu à son incompétence parce que le Sénégal n'avait pas encore fait la déclaration en vertu de l'article que nous venons de citer13(*).

Or, la capacité de la Cour de recevoir des communications individuelles est fondamentale pour sa crédibilité dans son rôle de lutte contre l'impunité et de protection des droits de l'Homme sur le continent. Pourtant, parmi les Etats ayant ratifié le Protocole, seuls le Burkina Faso, le Mali, le Malawi, la Tanzanie et le Ghana ont fait une déclaration au titre de l'article 34.6.

Alors, à l'aune de toutes ces considérations et notant d'une part, que le principe de création de cette instance judiciaire continentale constitue une avancée relative en matière de protection des droits de l'homme et qu'il est loin d'avoir réglé tous les problèmes liés à l'effectivité de l'autorité et à l'étendue des compétences de celle-ci. D'autre part, que les Cours de justice des CER africaines que ce soit la CJCEDEAO14(*) , la CJCAE15(*) ou le Tribunal de la SADC16(*)se fondent sur les droits garantis par la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples pour rendre leurs arrêts et que plusieurs pays africains étant simultanément membres de plusieurs CER, une possibilité de chevauchement et de conflit de compétences existe, plusieurs questionnement surgissent.

En premier lieu, le droit de saisine des individus et des ONG, étant limité aux Etats l'ayant explicitement accepté, il s'agit ici d'une des limites majeures de la Cour, même si les individus et les Organisations non gouvernementales (ONG) peuvent tenter de contourner cet obstacle par le biais de la Commission africaine en faisant bon usage de l'article 5.2 du Protocole pour les Etats ayant au moins ratifié le Protocole. La capacité de la Cour de recevoir des communications individuelles est fondamentale pour sa crédibilité. Or, il ne faut surtout pas compter sur la bonne foi des Etats. Nous constatons avec l'Association pour la prévention de la torture17(*) qu'avec cette disposition de l'article 34.6 nous ne pensons pas que les Etats vont déborder d'enthousiasme pour se bousculer à faire la déclaration de reconnaissance de la cour à recevoir des requêtes individuelles. En plus, on ne peut non plus s'imaginer que d'un coup les Etats vont sortir de leur léthargie voire de leur complicité passive pour s'indigner devant des violations qui se commettent chez leurs voisins et les dénoncer devant la cour.

En second lieu, à présent, il est difficile d'entrevoir les relations qui existeront entre les Cours de justice des CER et la Cour africaine. La concurrence de ces juridictions pourrait amener des différences d'interprétation de la Charte africaine et ainsi entraîner une protection différente de ces droits.

Sur la base de tous ces développements qui précèdent, nous soulevons les questions suivantes :

- Sous quelles conditions les personnes physiques ou morales africaines et les organisations non-gouvernementales peuvent porter le cas d'une violation d'un droit de l'Homme directement devant la Cour africaine et devant les juridictions des CER?

- Un Etat ne pourrait-il pas accepter la compétence de la Cour pour une affaire donnée. En d'autres termes, l'article 34.6 du Protocole admet-il l'acceptation ad hoc de la compétence de la Cour ?

- Le glissement des juridictions sous-régionales du champ économique vers le champ de la protection des droits de l'homme ne risque-t-il pas de placer les individus dans un désarroi ou de placer la Cour africaine et ces juridictions dans un forum shopping ?

En réalité, affirmons-le, c'est à ces questions que le présent travail se propose de répondre, et eu égard à ces interrogations, quelques hypothèses sont envisageables.

* 1 Karel VASAK cité par Keba Mbaye : Les Droits de l'homme en Afrique, 2ème édition. P.

* 2 Laurence-Herve ETOA, L'avènement de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples : enjeux et défis ?, mémoire de recherche pour l'obtention du diplôme d'université de 3ème cycle en Droit public, université de paris II, Panthéon Assas, 2004-2005, P. 8

* 3 Au sens d'un « obiter dictum » de la CIJ dans l'affaire Barcelona Traction, Light and Power Company Limited, Rec. 1970, arrêt du 05 février 1970 (Belgique C. Espagne)

* 4 MUTOY MUBIALA cité par Ephraïm KAHAMIRE in Les droits de l'homme dans la région des Grands Lacs. Réalités et illusions, (S/Dir MUGANGU Séverin), FIUC, Bruylant academia, UCB- CEGEC, P. 77

* 5 EUSTATHIADES M. C. Th., «  la mise en oeuvre des droits de l'homme sur le plan international » in Annales de la faculté de droit et des sciences politiques et économiques de Strasbourg, La protection internationale des droits de l'homme dans le cadre européen Paris, Dalloz, 1961, P.217.

* 6 L-H. ETOA, Op. Cit.,P. 11

* 7 Le Protocole portant création d'une Cour africaine des droits de l'homme (ci-après le Protocole) été adopté le 9 juin 1998 à Ouagadougou, avant d'entrer en vigueur le 25 juin 2004. Près de deux ans plus tard, la Conférence de l'Union décidait nommait les juges (V. DOC UA/Conférence de l'Union, Décision sur l'élection des membres de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, Assembly/AU/dec.100 (VI), 29 janvier 2006, P.1

* 8 Voir article 10 (d) du protocole relatif à la Cour de justice de la CEDEAO (signé le 6 juillet 1991) entré en vigueur le 5 novembre1996 tel qu'amendé en 2005, article 15 du Protocole portant création du Tribunal de la SADC et ses Règles de Procédures, le Traité établissant la Communauté de l'Afrique de l'est qui prévoit la mise en place de la Cour et qui dispose dans ses règles de procédures adoptées en 2004 que la cour peut être saisie par toute personne physique ou morale.

* 9 Notons à titre indicatif les prescrits de l'article 6.2 du protocole à la Charte créant la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples par renvoi à l'article 56 de la Charte, l'article35 de la Convention européenne des droits et libertés fondamentaux, de l'article 46 de la Convention interaméricaine des droits de l'Homme...

* 10 De celle-ci on peut noter un regain de faveur de ces recours comme le montrent quelques affaires récentes mettant notamment en cause les jugements et condamnations à mort prononcées contre des étrangers par les juridictions des Etats-Unis d'Amérique : dans l'affaire LaGrand ou dans l'affaire Avena et cinquante quatre autres ressortissants mexicains ou encore dans la récente affaire Diallo contre la République démocratique du congo.

* 11 Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), Cour africaine des droits de l'homme et des peuples. « Guide pratique ». ; 2004, P. 1

* 12 Le nombre de requêtes a atteint 57100 en 2009, une augmentation de plus de 500 % par rapport à 2000. Cf. FIDH, Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, édition de 2010 téléchargé sur www.fidh.org consulté le 15/11/2011

* 13 Voir affaire Michelot Yogogombaye C. République du Sénégal, arrêt rendu le 15 décembre 2009 sur requête N°001/2008

* 14 Dans deux affaires importantes, concernant la détention arbitraire d'un journaliste gambien in re Chief Ebrimah Manneh c/ la République de Gambie et la condition de servilité d'une nigérienne in re Dame Hadijatou Mani Koraou contre la République du Niger.

* 15 Dénuée d'un mandat sur les droits de l'homme aussi clair que celui de la cour de la CEDEAO, la Cour de justice d'Afrique de l'Est a cependant un jugement très progressif des droits de l'homme à son crédit.

* 16 Cf. affaire du Forum des ONG zimbabwéennes des droits de l'homme C. Gouvernement du Zimbabwe.

* 17 Association pour la Prévention de la Torture, « la cour africaine des droits de l'homme et des peuples ». Présentation, analyse et commentaire du Protocole à la Charte africaine créant la Cour, Genève, 1999, P.4

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