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Sacerdoce du Christ comme sacrement de la miséricorde divine

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par Joseph TEMGA
Grand Séminaire de Maroua - Fin cycle deThéologie 2006
  

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III.2.2. Une offrande dramatique et suppliante

« C'est lui qui, aux jours de sa chair, ayant présenté avec une violente clameur et des larmes, des implorations et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort » (5,7a). Par le rappel de la condition existentielle du Christ, l'auteur cristallise notre attention sur ses épreuves, ses souffrances. Jésus prie et supplie celui qui peut le sauver de la mort ; il crie et pleure. L'auteur nous invite à contempler l'angoisse de Jésus devant le mystère de la souffrance et de la mort. Il nous rappelle les évènements de Gethsémani que les synoptiques présentent comme un moment par excellence de la tristesse et de l'angoisse de Jésus (Mt 26,36-56 ;Lc22,39-53 ;M14,32-42). « mon âme est triste à en mourir » (Mc14,334).

Le P. Grelot interprète la présence des trois disciples comme le vouloir de Jésus de les associer à sa prière où il est appelé à opérer un choix libre décisif devant la volonté de Dieu. Toutefois, il ne peut véritablement bénéficier de l'appui affectif de ceux-ci qui ne tardent pas à s'endormir (Mc14,37.40) ; Mt26,40.43 ;Lc22,45). La confiance en Dieu, à travers prières et supplications reste son seul soutien : « Abba, Père ! tout t'est possible : emporte loin de moi cette coupe. Mais, non pas ce que je veux mais ce que tu veux » (Mc 14, 36). Autant est grande la tentation d'échapper à la mort et à l'angoisse ambiante, Jésus opte pour la décision héroïque d'accomplir la volonté de Dieu. « Une telle remise de soi entre les mains de Dieu, à un moment où sa volonté peut sembler la plus incompréhensible, traduit tout ensemble une foi nue et un amour totalement détaché de soi »43(*).

Par ailleurs, les cris et larmes dont parle l'auteur font penser à l'agonie de Jésus en Croix. Ici le témoignage des évangélistes différe. L'orientation johannique tend à superposer la mort de Jésus à son entrée dans la gloire. Ainsi, pour Jean, Jésus domine l'angoisse. Les paroles sont en rapport avec l'acte de sa mort. Dans sa prière sacerdotale (Jn 17), les paroles de Jésus sont imprégnées de certitudes de foi en sorte que sa dernière parole est une conclusion à tout son ministère : « Tout est accompli »  (Jn19,30).

Pour Luc, l'interprétation du cri d'angoisse de Jésus est une remise confiante de soi entre les mains de Dieu. La parole de Jésus se situe au plus profond de la foi : « Père entre tes mains je remets mon esprit » (Lc 23, 46 cf. Ps31,6). L'évangéliste va au-delà de l'expérience douloureuse du Christ. Fidèle à montrer Jésus comme le révélateur de la miséricorde divine, il voit d'une part l'ouverture de Jésus à son Père auquel il remet son esprit et d'autre part il pense aux hommes à qui il désire assurer le pardon de Dieu : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font » (Lc 23,34a).

Matthieu et Marc mettent la prière du Ps22,2 sur les lèvres de Jésus : « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m'as-tu abandonné ? » comme expression de la prière et des sentiments de Jésus en croix ; Marc et Matthieu présentent mieux, l'expérience intérieure de Jésus, en tant qu'expression globale d'une foi qui inclut toujours l'espérance par motif de confiance en Dieu. Dans ce sens, la prière s'inscrit à l'intérieur d'un dialogue. Un dialogue fait dans le plus grand respect envers Dieu qui lui valut l'exaucement de sa prière.

L'exaucement de la prière de Jésus dont mentionne ici l'auteur, est difficile à comprendre . Jésus a-t-il demandé dans sa prière d'être exempté de la mort ou de l'angoisse, de la peur de la mort ? Quel est le contenu de : « Il fut exaucé en raison de sa crainte » ? Harnack trouvant dans l'objet de la prière le fait d'être préservé de la mort, suppose qu'un copiste aurait supprimé, la négation. Pour lui, l'auteur aurait écrit : le Christ « n'a pas été exaucé, bien qu'il fût Fils ». Cette interprétation ne trouvant aucun fondement dans la critique textuelle ne peut être acceptée, remarque VANHOYE. Pour ce dernier, l'auteur ne dit pas que Jésus ait demandé de ne pas mourir, il ne donne aucune précision sur le contenu de la prière et donc il ne faut forcer le texte. Il rejette aussi le point de vue de Jérémias pour qui Jésus a demandé la résurrection. Argument cohérent, mais aplatit le texte.

Pour HARING, le terme «åýëáâåßá» désigne la peur de la mort. Ainsi Jésus a demandé d'être libéré de la peur. Il a été exaucé parce qu'il reçut la force de surmonter son angoisse et d'affronter avec courage la mort. Marc présente Jésus réconforté à l'approche du traître (cf. Mc14,42). Cette position force encore le sens du mot « eulabeia ».

En fait, « åýëÞâåßí» étymologiquement signifie : « bonne compréhension », « attention précautionneuse » avec un sens religieux de « crainte ». Suivi de la préposition « Üðü » : « en raison », on peut ainsi traduire : « il a été exaucé en raison de son profond respect ».

Ce qui permet l'exaucement de la prière est avant tout l'attitude de respect profond de Jésus envers Dieu. Au-delà des douleurs et de l'angoisse que cause la mort menaçante, l'auteur veut souligner que Jésus n'a pas cherché à s'imposer à Dieu, il s'est au contraire, dans sa prière, ouvert à l'action de Dieu, privilégiant ainsi sa relation à Dieu. L'objet de la prière, fruit de l'instinct de vie, se trouve dès lors relégué au second plan : « Cependant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux, toi » (Mt 26,39). La prière transforme ainsi le désir instinctif, pour conformer toute la volonté à celle du Père. Cette prière de Jésus devient une offrande à Dieu. C'est pourquoi Vanhoye souligne que : « Jésus ne renonce pas à demander la victoire sur la mort ; mais il s'en remet complètement à Dieu pour le choix de la route à suivre »44(*). C'est ainsi que présentée avec un profond respect, la prière de Jésus fut exaucée par la victoire complète sur la mort, mais par les biais de la souffrance et de la mort mêmes.

* 43 GRELOT,P., Dans les angoisses l'espérance, coll. Parole de Dieu, Paris, seuil, 1983, p.208

* 44 VANHOYE A, op. cit., P.149

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