B. La fraude électorale
Parler de la fraude électorale au Cameroun
apparaît comme un exercice bien simple. Elle se manifeste sous plusieurs
formes et emporte des conséquences incalculables.
Comme pour la corruption, les enquêtés de Douala,
Edéa, et Yaoundé n'ont pas hésité à nous
affirmer lors de nos entretiens que la fraude électorale est la chose la
plus partagée au Cameroun. Ainsi, 79,48% ont soutenu l'existence de ce
fléau comme l'indique le graphique ci-dessous.
Graphique n°7 illustrant l'existence de la
corruption politique au Cameroun
(Source : graphique établi par l'auteur)
L'un d'entre eux a déclaré :
« c'est comme si l'Administration savait ce qu'elle faisait.
C'est à dessein qu'elle a autorisé l'utilisation de l'encre non
indélébile car, cela a favorisé de nombreux citoyens
détenteurs de plusieurs cartes de vote, de voter plusieurs
fois ». Un autre plus précis a ajouté que :
« parmi les cas de votes multiples par le même
électeur, le cas le plus frappant a été celui de M. Blaise
Sama, président du centre de vote `'Ecole privée
petit monde''. Cet électeur a voté quatre fois dans le bureau
dont il avait la supervision, notamment les bureaux de vote n°285 b, 286
c, 284 a, et 292 i situés dans l'enceinte de l'école
précitée à Douala ». De tels exemples sont
légion. Ils sont si nombreux qu'il est difficile dans le cadre d'un
travail comme celui qui nous intéresse de s'y étendre
abondamment. Ce serait en tout cas risquer de traiter de la fraude
électorale au Cameroun.
Il convient simplement de relever que ce fléau
constitue une véritable préoccupation tant les
conséquences qu'il génère sont dommageables pour la
société toute entière. Empêcher la fraude devient
ainsi un objectif fondamental de tout système de réglementation
des partis politiques et des candidats. Lorsqu'elle est
généralisée, elle jette le doute sur le sérieux du
processus électoral et terni la démocratie elle-même. Elle
est d'autant plus dangereuse que si l'on n'y prend garde, elle s'intègre
dans les habitudes des citoyens, traverse le cadre électoral pour
affecter tout le tissus social. Le Cameroun faut-il le souligner, en souffre
très profondément. Il n'y a qu'à voir ce qui se passe
aujourd'hui dans les lycées et les universités. Le mérite
a cédé la place à la médiocrité qui se
nourrit abondamment de la sève que lui sert gracieusement la fraude.
Au-delà, l'institutionnalisation de la fraude pousse
à choisir des dirigeants moins doués, des gouvernants peu
expérimentés au grand dam des objectifs globaux que la Nation
s'est fixés et qui requièrent aux hommes appelés à
les réaliser une bonne dose d'expertise et de savoir-faire. La fraude
tue ni plus ni moins l'ensemble de la société et peut aboutir
à la fracture sociale, aux revendications de toutes sortes, à
l'instabilité voire à la guerre civile à cause du profond
décalage entre les gouvernants et les gouvernés.
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