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Le processus électoral au Cameroun

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par Mbassi BEDJOKO
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master droit de l'Homme et Action Humanitaire 2004
  

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CHAPITRE 4

LES ENTRAVES SOCIOLOGIQUES A L'EXERCICE DU DROIT DE VOTE

L'élimination de toutes les formes de discrimination en matière d'exercice du droit de vote doit être inscrit comme le principal objectif des citoyens et des formations politiques ainsi que de la société entière. Mais pour de diverses raisons cela n'a pas toujours été le cas.

Section 1. LES ENTRAVES INHERENTES AUX CITOYENS ET AUX FORMATIONS POLITIQUES

La responsabilité des citoyens en matière de limitation de leur droit électoral s'affirme à toutes les élections. Il en est de même de celle des formations politiques.

Paragraphe1. La responsabilité des citoyens.

Les entraves au droit de vote par les citoyens eux-mêmes se lisent à travers l'attitude qu'ils affichent individuellement ou collectivement, attitude caractérisée par la résignation et l'illettrisme.

A. La résignation .

La résignation est une attitude de renonciation à quelque chose, à un droit. Appliquée en matière électorale, c'est la décision prise par un citoyen de renoncer à exercer son droit de vote. Cette décision est, dans nombre des cas, provoquée par les difficultés qui émaillent la mise en oeuvre du droit électoral, elle même consécutive des abus de d'Administration, de la justice et de l'idée selon laquelle le droit de vote est un droit superflu.

De nombreux citoyens interrogés ont donné à l'Administration et à la justice Camerounaise une image plutôt négative. En posant la question à plusieurs personnes de savoir ce qu`elles font lorsqu'elles se rendent compte que leurs noms ne figurent pas sur la liste électorale ou qu'elles n'ont pas reçu leur carte de vote, 28,20% contre 2,56% ont répondu qu'elles se résignaient car toute réclamation n'avait aucune chance d'aboutir, ni devant les autorités administratives, ni devant le juge (Cf. graphique ci-dessous).

Graphique n°6 illustrant l'absence de neutralité de la justice en matière électorale selon les enquêtés

(Source : graphique établi par l'auteur)

Mais il n'est pas utile de tirer aveuglément sur les autorités judiciaires dont le travail au cours des élections du 30 juin 2002 est apparu au fond remarquable. Il n'y a qu'à considérer d'une part, l' annulation des élections dans neuf circonscriptions qui illustre que les recours introduits dans le strict respect des conditions de forme et de fond n'ont eu aucune peine d'aboutir et qu'aucune raison ne saurait justifier les manquements du juge constitutionnel de dire le droit. Il convient de relever que 51,28% des enquêtés n'ont pas confiance à la justice contre seulement 28,20%. Pour les premiers, la justice n'est pas indépendante et ne saurait l'être en matière électorale. A l'opposé la minorité pense que le juge statue sur la base des documents qui lui sont présentés. Cette deuxième position est celle qui se rapproche de notre vue. Il serait par conséquent juste de chercher l'échec des recours chez les recourants eux-mêmes. C'est davantage dans leur infantilisme juridique qu'il faut situer le problème. Qu'on se souvienne des multiples recours rejetés par le Conseil constitutionnel lors des élections du 30 juin 2002. Comme dans les Affaires Undp c/ Etat du Cameroun (Minat)93(*), Ufdc c/ Etat du Cameroun (Minat)94(*), Undp c/ Etat du Cameroun (Minat)95(*). Dans cette dernière affaire, le Conseil constitutionnel a rejeté le recours tendant à l'annulation des élections municipales dans le Mbam et Inoubou car il n'est pas compétent pour connaître du contentieux des listes qui relève des Commissions mixtes statuant en premier ressort et des Cours d'Appel statuant en second ressort en cas de non satisfaction du recourant devant la Commission. Le Conseil constitutionnel est demeuré constant, en tout cas sur cette question . Il l'avait déjà affirmée dans l'espèce Kago Lélé rappelée plus haut96(*).

Quoiqu'il en soit, le prestige du juge Constitutionnel s'est renforcé aux lendemains du 30 juin 2002 en annulant, entre autres résultats, les élections dans la circonscription de la Sanaga Maritime pour fraudes dans l'Affaire Sdf et Undp c/ Etat du Cameroun.97(*) Cela n'a pour autant pas dissipé le manque de confiance que lui témoignent bon nombre de citoyens. Ce sentiment n'est pas nouveau. Il s'est plutôt renforcé face aux multiples atteintes au droit de vote, en tant que droit de l'homme, dont la protection n'est pas pleinement garantie. Un sondage publié par L'Effort Camerounais  remarquait déjà que « les jeunes Camerounais des classes de première et terminale ne croient pas en l'existence des droits de l'homme » 98(*). Selon ces jeunes «  les droits de l'homme s'attribuent à certains et sont indéfiniment bafoués par d'autres donc, ils n'existent pas... »99(*).

Il est cependant exagéré de penser que les droits de l'homme en général, et le droit de vote en particulier n'existent pas au Cameroun. Ces droits sont reconnus par la Constitution révisée de 1996 à tous sans discrimination. Mais il serait plus élégant et honnête de poser le problème de leur mise en oeuvre effective au regard des écueils qui jonchent leurs parcours.

Au-delà de la résignation qui est une réponse à ces questions, l'illettrisme et l'analphabétisme apparaissent aussi comme deux causes qui empêchent aux citoyens d'exercer leur droit de suffrage.

* 93 Arrêt n° 18/ CE 01-02 du 17 juillet 2002 dans laquelle la Cour a déclaré le recours irrecevable pour non respect des délais de saisine.

* 94 Cf. Conseil Constitutionnel, Arrêt n°96/CE du 17 juillet 2002

* 95 Cf. Conseil Constitutionnel, Arrêt n° 58/CE 01-02 du 17juillet 2002

* 96 Cf. Supra, p. 44.

* 97 Cf. Conseil Constitutionnel, Arrêt n° 28/ CE 01-02 du 17 juillet 2002

* 98 Cf. L'Effort Camerounais, n°10/1007 du 30 octobre au 12 novembre 1994, p. 7.

* 99 Ibid.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille