Avant d'examiner la théorie du parallélisme des
formes(3) et la théorie du pouvoir spontané de
révision(2), nous allons d'abord appréhender quelques notions sur
l'organe de révision de la constitution(1).
1. NOTION
20 Philippe ARDANT, Op Cit, P 77
21 Idem
Il ya une grande variété de situation
possibles, qu'on peut cependant ramener à deux catégories
comportant des nombreuses variantes. Dans une première série des
situations, ce sont des représentants élus qui sont investis,
seuls et de manière exclusive, du pouvoir constituant
dérivé. Mais on peut subdiviser selon une premier
modalité, ces représentants peuvent avoir été
élus spécialement pour procéder à la
révision, ils composent alors ce qu'on appelle une convention,
d'après une terminologie d'origine américaine. Selon une autre
modalité, il s'agit tout simplement des représentants composant
les assemblées parlementaires mais on doit supposer que pour la
révision, ils siègent dans la formation différente de
celle prévue pour le vote des lois ordinaires.
En effet, dans le cas contraire la constitution serait
souple. Dans une seconde série, sont investis du pouvoir constituant
dérivé d'une part, ces mêmes représentants
élus dans les conditions qui viennent d'être
évoquée, d'autre part, soit le peuple se prononce par
référendum de ratification, soit dans le cas des Etats
fédéraux, les Etats membres, qui se prononcent par
l'intermédiaire de leurs assemblées. Ces formules rendent la
constitution rigide22.
2. Théorie du pouvoir spontané de
révision
Cette théorie a été l'objet d'une
polémique ; certains ont soutenu la thèse de
l'illégitimité d'une désignation préalable des
organes de révision ou de la détermination de la
procédure. Selon SIEYES, le peuple ne saurait faire abandon de son
pouvoir constituant à une autorité quelle qu'elle soit. A lui
seul appartient le droit de changer, en dehors même de toute forme,
l'acte constitutionnel.
Accepter les entraves d'une règle positive serait
l'exposer la liberté sans recours « car il ne faudrait qu'un moment
de succès à la tyrannie pour dévouer les peuples, sous
prétexte de la constitution, à une forme
22 Pierre PACTET, Op Cit, P 76
telle qu'il ne leur serait plus possible d'exprimer librement
leur volonté et, par conséquent, se secouer la haine du
despotisme .>>23
L'exercice de la volonté de la nation est libre et
indépendante de toutes règles civiles. De quelle que
manière qu'une nation veuille, il suffit qu'elle veuille. Toutes les
procédures lui sont bonnes. La nation a le droit imprescriptible de
changer sa constitution24.
3. Théorie du parallélisme des formes.
Selon d'autres auteurs, le pouvoir constituant
dérivé est soumis à la règle dite du <<
parallélisme des formes >>. C'est un principe
général du droit, aussi bien de bon sens, que celui qui est
compétent pour accomplir un acte est aussi compétent pour le
modifier ou l'abroger25.
En conséquence, le pouvoir constituant
dérivé appartiendrait au même organe que le pouvoir
constituant originaire et suivrait la même procédure que celle-ci.
J.J. ROUSSEAU, admet que la constitution puisse imposer pour sa révision
l'emploie des formes dont elle a usé pour sa confection : << Il
est contraire à la nature du corps social de s'imposer des lois qu'il ne
puisse abroger, mais il n'est ni contraire à la nature, ni même
solennité qu'il met pour les établir >>26. Mais
sans que le parallélisme soit absolu, il y aura souvent des grands
analogues entre les modes de révisions et ceux d'établissement.
On distinguera, de même que pour ces derniers, des modes
démocratiques(a), monocratiques(b) et mixtes(c).
a. Les formes démocratiques de révision
De très nombreuses combinaisons sont possibles pour
compliquer la procédure ou pour modifier les organes. Les unes portent
sur la représentation (1°) et les autres sur le caractère
semi -direct (2°).
1°. La nature représentative ou semi
-représentative
23 Marcel PRELOT et Jean BOULOUI, Op Cit, p 243
24 Idem
25 V. Joseph-BARTHELEMY, La distinction des lois
constitutionnelles et des lois ordinaires dans la monarchie de
juillet, Paris, RDD, 1909, P.7.
26 Idem
Elle comporte :
· Soit la désignation d'un organe particulier :
l'assemblée de révision constituante, convention sans
compétence législative, de façon tantôt absolue,
tantôt hors de cas d'urgence ;
· Soit l'élection des assemblées normales
renforcées, soit par réélection des assemblées
ordinaires avant la révision ;
· Soit l'utilisation des assemblées existantes, la
réunion en congrès des chambres ;
· Soit l'attribution préalable à leur
élection, du pouvoir constituant aux assemblées ordinaires.
2°. Le caractère semi- direct
Le peuple intervient comme organe de ratification, ou encore
il prend l'initiative. Celle-ci consiste en une demande présentée
par un nombre déterminé des citoyens ayant le droit de vote et
réclamant l'adoption d'un nouvel article constitutionnel ou l'abrogation
ou la modification des articles déterminés de la constitution en
vigueur, la demande d'initiative pouvant revêtir la forme d'une
proposition conçue en termes généraux ou celle d'un projet
rédigé de toute pièce.
Mais aussi, une structure fédérale peut
permettre encore d'autres complications. Ainsi l'amendement d'une constitution
dans un Etat fédéral suppose l'intervention non seulement du
congrès, mais encore du corps législatif des Etats.
b.Les formes monocratiques de révision
Comme pour le pouvoir originaire, il y a lieu de distinguer
les chartes établies par l'octroi d'un pouvoir traditionnel (1°) et
les constitutions issues de dictatures de fait (2°).
1°. L'octroi
Il comporte en principe un caractère irrévocable :
le pouvoir absolu abandonné ne peut être ressaisi. La charte
concédée l'est à toujours. En
revanche, rien n'empêche l'octroi des nouvelles
libertés. Celle-ci pourrait perdre l'aspect extraordinaire d'une
nouvelle charte, mais il est plus aisé de recourir à l'accord des
trois pouvoirs : le roi, les paires et les députés
c'est-à-dire la voix législative ordinaire. La charte
octroyée se modifie alors comme la charte- pacte.
2°. La concession dictatoriale
Elle se heurte aux mêmes difficultés de
révision que la concession par l'octroi. Généralement,
cherche à voiler son action personnelle derrière des
sollicitations ou interventions extérieurs. Pour modifier la
constitution, il utilise le sénat-consulte, c'est-à-dire il
recourt à l'assemblée la plus dépendante de luimême.
Ce sénatus-consulte est une improvision comme le suggère
TALLEYRAND qui fait l'objet d'une utilisation systématique qui lui
permet de transformer une constitution souple en constitution rigide.
c.Les formes mixtes de révision
Comme dans l'exercice du pouvoir constituant originaire, il y
a combinaison possible de la monocratie avec la démocratie semi-direct
et même semireprésentative. Le sénatus-consulte se combine
avec le plébiscite lors des modifications importantes conduisant du
consulat à l'Empire.
La révision constitutionnelle fait appel à la
fois à une habilitation par les élus (forme
semi-représentative), à une rédaction et à une
promulgation par l'exécutif (forme monocratique) et à une
acceptation par le peuple (forme semidémocratique)27.
Toutes ces différentes formes de révision suivent
une certaine procédure.