4.2. Analyse des trois situations cliniques au regard
des trois processus phénoménologique de la
schizophrénie
Il convient maintenant de tenter d'analyser «
l'être-soi, l'être-au-monde et l'être-avecautrui » d'un
point de vue musicothérapeutique. Cette perception de soi-même, de
se projeter dans le monde et d'en être influencé est musicalement
travaillée au travers de la perception sonore que l'on peut avoir de soi
et de l'autre. Concernant « la perte du contact vital avec la
réalité », ou ce que l'on nomme plus communément le
délire, il pourrait correspondre à l'improvisation musicale
brute, désinhibée, exaltée en musicothérapie. Quant
aux notions de « temps et d'espace modifiés », la musique y
pourvoit étant intrinsèquement une organisation de sons
projetés dans l'espace et structurés dans le temps.
4.2.1. Perception sonore de soi et perception sonore de
l'autre
De même que la perception du monde se modifie au travers
de l'expérience schizophrénique, la perception sonore de soi est
bouleversée par l'expérience ellemême, par les effets
secondaires de la médication, parfois par des troubles hallucinatoires
de type auditif. Qu'en est-il pour monsieur K., monsieur F. et monsieur N. lors
des séances de musicothérapie ?
a) Monsieur K.
Pour rappel, il souffre d'une schizophrénie
résiduelle, forme qui désigne une évolution de la maladie
avec persistance des symptômes négatifs (aboulie, athymhormie,
avolition) et absence des symptômes positifs (délires,
hallucinations, discours désorganisé, etc.). Aux vues du nombre
de médicaments administrés quotidiennement (entre autre deux
types différents de neuroleptiques et deux types de régulateurs
de
l'humeur, ceci signifiant un traitement lourd), de leurs
effets secondaires respectifs touchant aux fonctions musculaire et digestive,
amenant fatigue et confusion, tout en tenant compte de son âge, monsieur
K. est fortement encouragé par le personnel de l'institution à
participer à diverses activités sans y être contraint. Il
vit ainsi à son propre rythme, luttant contre une ambivalence dominante
et des difficultés motrices à la marche.
Au regard du déroulement des séances, on
remarque que la curiosité qui l'amène à appuyer sur tous
les boutons du clavier lui permet de découvrir de nombreux sons qui le
rattachent essentiellement à des événements du
passé, que ce soit un instrument de musique qui lui rappelle son
goût pour la mécanique ou la musique d'orgue qui le lie au
souvenir de sa maman. Etant en phase résiduelle de sa maladie, monsieur
K. n'a que peu d'altération de sa perception sonore. En
général, il conçoit et entend ce qu'il produit, bien qu'il
dise être parfois parasité par des voix qui le persécutent.
Il se montre apte à entendre musicalement l'autre et semble
apprécier d'écouter la production sonore d'autrui, surtout
lorsque celle-ci le soutient dans son phrasé musical. Par ailleurs, il a
découvert le son de sa voix amplifié. Celle-ci semble le charmer,
et il paraît très heureux que les autres puissent également
la percevoir. En ayant l'occasion de choisir la chanson, en sous-entendant un
texte et sa signification, il transmet à l'autre une partie de soi et de
son histoire. Il devient un Soi (sujet) tout en restant une
subjectivité, la subjectivité comprenant le temps vivant musical,
l'espace sonore et le corps par l'intermédiaire de la voix ; le Soi
musical apparaît par la création de sons et son amplification qui
parvient à autrui.
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