SECTION B : ANALYSE CRITIQUE
DES THEORIES EN PRESENCE
Paragraphe 1 : La
prévention des Conflits
Au sortir de cette présentation panoramique des
thèses sur la prévention des conflits en Afrique centrale, il
convient de retenir tout d'abord que les travaux cités dans le cadre de
cette économie des théories sont certes porteurs, chacun à
son niveau, d'une importante marge de vérité et de
crédibilité mais ils restent, sur certains, points assez
critiquables.
Ainsi, s'il est vrai que les travaux de la Commission Carnegie
ont le mérite d'avoir presque fait le tour de la question de la
prévention des conflits, il ne demeure pas moins vrai qu'ils souffrent
d'un manque de pragmatisme marqué par la trop grande
généralité des propositions faites. En effet, comme le
pense David Easton faisant allusion au théories trop
générales, « si nous nous trouvons à une
trop grande distance, nous ne pouvons voir que les grandes lignes et cela n'a
que peu d'intérêt pour une recherche utile »
(Easton D, 1974 :2). Ainsi, bien que résultant d'une analyse
très englobante, les conclusions de la Commission Carnegie
souffrent d'une très grande généralité qui ne
permet pas d'assurer le succès de l'application de ses recommandations
dans certains cas particulier et, notamment au contexte de l'Afrique centrale
qui reste assez exceptionnel. En fait, le modèle conçu par la
Commission tient compte de considérants certes fondamentaux, mais qui
restent assez éloignés de la réalité politique
socio-économique et culturelle de l'Afrique centrale contemporaine.
Ainsi, les conceptions de la démocratie, de la nation, de l'ethnie, de
la justice, de la sécurité, du bien-être, de l'Etat,
facteurs fondamentaux de l'approche de la Commission, n'ont pas la même
connotation à Washington qu'à Yaoundé ou à Luanda
et doivent, pour devenir opératoires, être ajustés aux
schèmes de pensée prévalents dans ces zones. C'est dire
que les conclusions de la Commission ne peuvent s'appliquer au contexte de
l'Afrique centrale sans une adaptation préalable au contexte socio-
économique, politique et même culturel de l'Afrique centrale.
Nos travaux viseront à procéder à une
adaptation des conclusions de la commission au contexte particulier de
l'Afrique centrale afin d'aboutir à une lecture efficace de la
prévention des conflits, lecture efficace parce qu'en parfait accord
avec la réalité locale.
L'oeuvre de Michel Kounou Ph.D ne souffre pas moins de
lacunes. En effet, l'auteur parvient certes à une très belle
lecture des traits caractéristiques de la conflictualité en
Afrique centrale, mais reste assez évasif quant à ce qui est des
voies et moyens de prévenir cette conflictualité. En fait, ces
travaux laissent un arrière-goût d'inachevé en ce sens
qu'ayant procédé à la phase primaire de toute oeuvre
scientifique qui est le déblayage conceptuel de la théorie de la
guerre en Afrique centrale, il n'aboutit pas à la phase utilitaire de
l'usage de ces théories dans la résolution du problème,
ici, dans la résolution de cette conflictualité. Nos travaux se
proposent de remédier à cette situation en partant de cette
caractérisation de la conflictualité en Afrique centrale pour
envisager les moyens les meilleurs permettant de la juguler efficacement.
En ce qui est des travaux de Mwayila Tshiyembe et de Paul Ango
Ela, nous pensons qu'ils s'inscrivent certes avec succès dans une
approche de prévention structurelle, mais qu'ils pêchent aussi par
un excès de structuralisme. En effet, ces travaux envisagent la
prévention des conflits dans le long terme et à travers la mise
en place ou la refondation d'institutions dont le fonctionnement effectif ne
peut s'inscrire que dans le long terme. Qu'il s'agisse du nouveau pacte
républicain de Mwayila ou de l'émergence de la culture de
paix d'Ango Ela, le dénouement reste inscrit dans un avenir assez
lointain. La conséquence en est que ces approches ne permettent pas de
répondre au problème de la conflictualité contemporaine
qui devrait pourtant trouver lui aussi une solution tout aussi
immédiate. Le fait est que ces solutions, qui ne perdent pas de leur
pertinence, ne peuvent être appliquées que dans un contexte
déjà pacifié afin d'assurer la pérennité et
le renforcement de cette paix déjà acquise. Notre apport
consistera, en ce sens, à nous référer au contexte de
l'Afrique centrale dans une approche qui envisage en même temps
prévention à court et à long terme, prévention
immédiate et prévention structurelle.
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