Paragraphe 2 : L'intégration
a ) La théorie transactionnaliste
démontre certes de l'importance de l'établissement et du
renforcement des relations dans tout processus d'intégration. Mais, il
demeure que cette approche accorde une trop grande place au processus
d'intensification des relations comme seul vecteur de l'intégration.
Stanley Hoffmann pense à cet effet que l'étude du processus
d'intégration devrait inclure d'autres variables telles
l'idéologie, les institutions, les processus de décisions qui ne
sont pas facilement analysables seulement en terme de réseaux de
communication (Bussy (De) M-E et Al, 1971 :625).
Une autre limite de l'approche de Deutsch réside dans
le fait qu'elle établit, dans le processus d'intégration, une
préséance obligatoire entre la naissance d'une communauté
et la création d'institutions d'intégration politiques. En effet,
et ainsi que nous le démontre l'histoire de l'intégration
européenne et même celle de l'Afrique centrale, il est possible
qu'une instance et des structures institutionnelles d'intégration
naissent d'abord et qu'ensuite apparaisse l'esprit de communauté. Que
dire de la théorie fonctionnaliste ?
b ) Les théories fonctionnaliste et
néo-fonctionnaliste
Les développements nouveaux de l'intégration
régionale ont fait apparaître des lacunes dans l'approche
fonctionnaliste et dans sa reformulation néo-fonctionnaliste. Aussi
adresse-t-on à ces approches deux principales critiques.
La première est le fait des économistes tels
Bela Balassa (1961) qui démontre dans son ouvrage the theory
of economic integration que les avantages procurés par un
grand marché peuvent être obtenus sans qu'il soit
nécessaire de créer des institutions nouvelles. Ainsi, le
marché régional affranchi de toute emprise des institutions
régionales se régule mieux grâce à l'action d'une
« main cachée » qui assure la coordination des
politiques et est dirigée par le mécanisme du marché.
Cette critique relève en fait de l'adaptation au niveau régional
du concept de l' « invisible hand » cher aux
adeptes de l'économie libérale. Dans cette approche, le
processus d'intégration est perçu comme se limitant à la
convention d'une libre circulation des biens et services entre certains Etats,
ces derniers gardant cependant leur souveraineté pour ce qui est de la
politique douanière. Ainsi, selon cette approche, une meilleure
intégration signifie une absence d'institutions régionales
communautaires et envisage juste une approche intergouvernementale.
Le deuxième reproche fait aux méthodes
réalistes autant que néo-réaliste est le fait
d'internationalistes qui récusent l'assimilation faite par Mitrany et
Haas entre les questions économiques et politiques. En effet, Stanley
Hoffmann par exemple établit une distinction radicale entre les
questions d'ordre économique et sectoriel qu'il juge calculables et les
questions politiques qui relèvent de la souveraineté de l'Etat et
qui sont ainsi moins évidentes, moins prévisibles et moins
calculables. L'auteur préconise donc de réduire l'application de
la logique de l'intégration fonctionnelle aux questions
économiques et sectorielles seulement. Ainsi, sans remettre en cause la
valeur de l'approche fonctionnaliste et de sa reformulation ces critiques
amènent à envisager le passage automatique, dans ces
écoles, de l'intégration fonctionnelle à
l'intégration politique avec plus de précautions et de
prudence.
c ) La théorie systémique
comme les autres n'est pas exempte de critiques. Ainsi, la principale
limite décelée dans cette approche est le fait qu'elle ne
permette aucune lisibilité des différentes contraintes internes
à la structure organisée et qui orientent son action dans un
domaine plutôt que dans l'autre. Ainsi que nous le préconise
l'approche stratégique conceptualisée par Crozier et Friedberg
dans l'acteur et le système, l'action organisée est
soumise à des contraintes résultant de l'interférence des
stratégies des différents acteurs qui recherchent parfois la
maximisation de leur propre intérêt personnel au détriment
l'atteinte des objectifs de l'organisation. Relativement à la
théorie de l'intégration, la limite découle du fait que
les acteurs du processus d'intégration peuvent, selon leurs
quêtes, agir dans des logiques qui compromettent le processus
d'intégration. Il en est ainsi, par exemple, du rôle des Chefs
d'Etat qui, en même temps qu'ils escomptent des avantages de
l'intégration, recherchent néanmoins et avant tout à
maximiser les intérêts nationaux. Ainsi, le reproche fait à
la théorie fonctionnaliste de pêcher parfois par trop
d'idéalisme peut aussi être dans une certaine mesure
adressé à l'approche systémique. Peut-on pour autant
conclure à l'inefficience de ces méthodes ?
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