La stratégie des Etats : La poursuite de
l'intérêt national au détriment de l'efficacité du
COPAX
Pour ce qui est des Etats, la coopération au sein du
COPAX se fait dans des cadres et des objectifs fixés conjointement et
qui s'imposent à ceux-ci. Cependant, au-delà de l'aspect
prédéfini de ce cadre de coopération, il est
évident qu'il « n'y a pas de système social
entièrement réglé ou contrôlé. Les acteurs
individuels ou collectifs qui les composent ne peuvent jamais être
réduits à des fonctions abstraites et
désincarnées » (Crozier et Friedberg, 1977 :
29). Les Etats dans les jeux de coopération disposent donc, à
proximité du cadre relationnel prédéfini, d'une marge de
manoeuvre à laquelle ils font recours pour promouvoir leur enjeu
principal à savoir l'intérêt national. Trois cas de figures
peuvent nous permettre d'illustrer notre propos :
Premièrement, citons l'attitude du Gabon qui, dans le
cadre de sa politique extérieure sous-régionale, n'adhère
pas au projet d'intégration selon le modèle supranational, lui
préfère les rapports de coopération intergouvernementale,
et dont toute l'action diplomatique dans la sous-région vise à
s'assurer que le processus d'intégration ne dépasse pas le seuil
de la coopération intergouvernementale. Cette position explique les
nombreuses entraves posées systématiquement à
l'égard des initiatives communautaires notamment la libre circulation,
le droit d'établissement et les faibles contributions au financement de
la CEEAC (Awoumou, 2005 : 07).
Comme deuxième exemple, citons le Cameroun qui dans son
option de diplomatie apaisée préfère une action
évitant tout engagement direct dans les problématiques
sécuritaires sous-régionales, préfère une
diplomatie faite de dialogue basée sur les acquis du Droit International
et qui évite tout engagement militaire précoce. Cette position
explique les réticences du Cameroun à s'engager dans toutes les
situations appelant une intervention militaire tel que ce fut le cas en RCA.
Au titre du troisième exemple, on peut expliquer
l'implication du Rwanda et du Burundi dans la situation
d'insécurité qui prévaut dans les Kivu comme
résultant des stratégies de prédation de ces derniers,
mais aussi du souci de maintenir le conflit hors de leurs frontières.
(Braeckman 2003 : 281). Au sein du système, cette tentative de
détournement des objectifs du COPAX s'est traduite par des
réticences de ces deux pays à s'engager dans le processus de
résolution de la crise en RDC (Braeckman op.cit). En tout état de
cause, on a là un cas patent de stratégie d'acteurs allant
clairement à l'encontre des principes de l'action organisée du
COPAX. La quête de cet intérêt national au sein des
structures du COPAX, marque d'un détournement et d'une appropriation des
éléments d'incertitude par les Etats, est souvent
renforcée par les querelles de leadership existant entre certains Etats
de la sous région.
Toujours dans la rubrique de l'instrumentalisation des cadres
d'action du COPAX, force est de noter l'existence, au sein du corpus juridique
du COPAX, d'une ambiguïté qui a, dans le passé,
justifié la passivité de certains Etats face au drame qui se
vivait au sein de la sous-région. Cette ambiguïté porte sur
les principes d'action qui guident les interventions du COPAX dans les crises
internes des Etats de la sous-région.
En effet, l'Article 3 alinéa (b) et (d) du Protocole
relatif au COPAX reconnaît explicitement comme principe directeur de
l'action du COPAX, la non-ingérence dans les affaires internes des Etats
et le respect de la souveraineté des Etats, tandis que l'Article 4 du
même Acte précise la compétence du COPAX à
gérer toute situation d'insécurité dans la
sous-région. Mais comment peut-on prévenir, régler et
gérer des conflits qui sont presque tous intra étatiques sans
commettre par là même un acte d'ingérence dans les affaires
internes d'un Etat ? Quand on considère au surplus que ces crises
constituent les menaces les plus graves et les plus récurrentes que
rencontre actuellement l'Afrique centrale, on est plus porté à
penser que le mieux aurait été d'en faire une des raisons
fondamentales d'une intervention rapide. Il faut penser que cette contradiction
peut avoir été la cause du désengagement de certains
Etats-membres dans la résolution de crises qui traversent la
sous-région. Retenons en somme que l'ambiguïté des principes
juridiques d'action du COPAX, parce qu'elle ne permet pas de cerner avec
exactitude le fondement et les moyens d'action du système, peut
constituer une opportunité de détournement des acteurs de leurs
fonctions et de leurs obligations premières dans le système.
Notons cependant que cette incongruité juridique ne suffit pas à
elle seule à justifier l'indécision et le manque d'engagement
dont le COPAX fait montre.
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