III La remise en cause des grands annonceurs via les
médias numériques
Alors que tout semblait sous contrôle, que les grands
annonceurs régnaient sans partage sur les « temps de cerveaux
disponibles », Internet est venu bouleverser cette hiérarchie.
Le consommateur dispose désormais grâce à Internet d'un
pouvoir de parole (A), et les petits annonceurs grignotent progressivement des
parts de voix aux géants (B).
A) Un pouvoir de dissuasion inédit entre les
mains des internautes
44% des internautes ont déjà renoncé
à un achat après avoir lu une critique négative sur un
blog. Cette donnée a de quoi donner des frissons aux annonceurs soucieux
de maîtriser totalement leur communication.
Comme nous l'avons vu précédemment, les blogs et
autres forums de discussions peuvent être des relais de communication
très efficaces, mais c'est également une arme à double
tranchant. Les blogs, menaces ou opportunités ?
Dans ce début de XXIème siècle, les
entreprises ne peuvent plus rester à l'écart de la
blogosphère, soit elles parviennent à l'utiliser à leur
profit (les exemples sont nombreux), soit elles la subissent.
Pour Sandrine Macé, professeur à
l'ESCP-EAP, ayant participé à l'adaptation
française de Blog Marketing (Jeremy Wright) :
« la principale implication pour les entreprises est l'obligation
d'apprendre à gérer les nouvelles caractéristiques de
l'information imposée par la blogosphère, à savoir :
universalité de l'information (les blogs ont encore de faibles
audiences, toutefois tout le monde a accès à
l'information) ; rapidité, viralité et puissance dans la
diffusion de l'information (chaque blog renvoie vers d'autres adresses
créant ainsi un réseau d'informations presque inextinguible, la
blogosphère) ; et enfin, forte crédibilité des
messages provenant d'autres blogueurs par opposition à une
méfiance vis-à-vis d'une communication
institutionnelle ».
2 exemples peuvent illustrer ce discours : le cas
Kryptonite et l'affaire Coca-Cola / Mentos.
En 2004, un blogueur découvre qu'il est possible de
forcer un modèle d'antivols de Kryptonite avec l'aide d'un
simple stylo bille. Relayée sur son blog avec vidéo à
l'appui, cette information est reprise et diffusée dans des centaines de
blogs (notamment par Engadget, un des blogs américains les plus
visités).
Quelques jours après, l'information était
déjà reprise par le New York Times et l'agence
Associated Press.
Autre exemple mondialement repris dans plusieurs milliers de
blogs : l'expérience Coca-Cola / Mentos.
L'année dernière, l'information a circulé
qu'un enfant serait mort après avoir bu du Diet Coke et
avalé quelques bonbons Mentos. Rumeur ou
réalité ?
Quoiqu'il en soit, l'information a été reprise
par les blogueurs du monde entier. Pour illustrer la réaction chimique
qui serait à l'origine du dramatique accident (qui s'avérera par
la suite être une pure invention), les internautes ont filmé leurs
propres expérience en mélangeant les dragées et la boisson
gazeuse : les résultats parlent d'eux-mêmes...
Ce qui pourrait prêter à sourire pour la
majorité des internautes, a été perçu de
façon très différente selon la direction
générale des 2 acteurs principaux :
Pour Mentos, ce buzz a permis d'économiser 10
millions d'euros en achat d'espace, et aurait regonflé les ventes du
groupe.
Pour le géant américain des soft drinks, le son
de cloche est totalement différent. Chez Coca on ne résonne pas
en terme de vente, mais en terme d'image. Toute cette agitation
médiatique est loin de correspondre à l'image que souhaite donner
l'annonceur à ses produits. En effet, alors que le groupe cherchait
à féminiser son Diet Coke, ce buzz tombe plutôt
mal.
Avec l'avènement du web 2.0 l'internaute s'est
libéré des contraintes techniques et peut désormais
s'exprimer librement sur la toile. Il n'hésite plus à prendre la
parole pour s'exprimer, donner son avis sur le monde qui l'entoure, et par
conséquent des marques qu'il consomme, des services qu'il utilise...
Cette prise de parole est devenue une forme de contre-pouvoir à
l'encontre des discours institutionnels des entreprises. Sans budget ils
peuvent déstabiliser une entreprise, plus que ne pourrait le faire
n'importe quel concurrent, et cela avec une légitimité reconnue
par une majorité d'internautes avec un raisonnement du type :
« pourquoi le blogueur critiquerait-il la marque si ce n'était
pas vrai ? »...
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