La gestion transfrontaliere des ressources naturelles: l'accord relatif a la mise en place du tri-national de la Sangha (TNS) et son protocole d'accord sur la lutte contre le braconnage( Télécharger le fichier original )par Florantine Mapeine ONOTIANG Université de Limoges - France - Master droit international et comparé de l'environnement 2006 |
9.6 SECTION 1- LA CONSTATATION DE L'INFRACTION DE BRACONNAGE TRANSFRONTALIERIl est important avant que ne soit décrite la procédure de constatation de l'infraction de braconnage transfrontalier dans le TNS que le terme « braconnage transfrontalier » soit définit. 9.7 PARAGRAPHE 1 : LA DÉFINITION DE BRACONNAGE TRANSFRONTALIERDes 3 pays du TNS, seul le législateur camerounais a définit l'acte de braconnage en précisant qu'il s'agit de « tout acte de chasse sans permis, en période de fermeture, en des endroits réservés ou avec des engins ou des armes prohibés »49(*). Ainsi l'exercice de l'acte de chasse dans les conditions prévues ci-dessus constituera l'infraction de braconnage. Cette définition du braconnage peut être étendue aux deux autres pays du TNS car les dispositions législatives réglementant les conditions d'exercice de la chasse sur leur territoire, sont semblables, à quelques détails prêts, à celles en vigueur au Cameroun, et leur violation est pénalement réprimée. D'ailleurs, lors de la Rencontre Trinationale qui s'est tenue à Yokadouma au Cameroun le 30 octobre 2000, soit moins de deux mois avant la signature de l'Accord TNS le 07 décembre 2000, rencontre qui a réuni, entre autres personnalités des 3 pays concernés par le TNS, les responsables des aires protégées de Dzanga-Sangha, Nouabalé-Ndoki et Lobeké, le braconnage a été définit comme « tout acte de chasse illégale ou illicite par rapport à la législation et la réglementation en vigueur des états concernés »50(*). Quant à la notion de « braconnage transfrontalier » elle est nouvelle et a été introduite par le Protocole d'Accord sur la lutte contre le braconnage, qui malheureusement ne la définit pas. Cependant, en retenant le désir des 3 pays, au moment de la signature dudit Protocole d'Accord, d'assurer une bonne coordination des interventions dans le domaine de la lutte contre le braconnage au niveau de leurs frontières internationales respectives51(*), l'on comprend que le braconnage transfrontalier a la même définition que le simple braconnage, avec cette nuance toutefois qu'il ne concerne plus un seul pays mais en implique plus d'un. Ainsi le braconnage devient transfrontalier dans le TNS lorsqu'il implique le transport d'un produit illicite ou l'acte illégal d'une personne qui traverse les frontières internationales52(*) entre les 3 pays. Le braconnage transfrontalier implique donc que l'auteur de l'infraction de braconnage, résident ou originaire de l'un des pays du TNS, soit étranger sur le territoire inclus dans le TNS où il a commis l'infraction. L'action de traverser la frontière afin de commettre un acte de braconnage est déterminante pour la qualification de l'infraction de braconnage transfrontalier, car si l'étranger réside régulièrement dans le pays où l'infraction de braconnage est commise, ceci relèvera purement et simplement des lois nationales et en aucun cas les structures du TNS ne sauront intervenir, raison pour laquelle les membres du CTPE ont eu à déterminer quatre grands cas de braconnage transfrontalier dans le TNS53(*) justifiant une collaboration transfrontalière afin d'en réduire la menace: - Les braconniers d'un pays qui commettent des infractions dans le pays voisin et retournent dans leur pays - Les braconniers étrangers dans le pays où ils résident régulièrement et qui commettent l'infraction dans leur pays d'origine - Les braconniers qui commettent l'infraction dans leurs pays et se réfugient dans un pays voisin - Les braconniers ayant commis des infractions dans les pays voisins et sont mis en état d'arrestation dans un autre pays. A titre d'illustration le cas du braconnier Komba Jesper, qui, surpris en flagrant délit de chasse dans le parc national de Lobéké (Cameroun), s'est réfugié à Kabo (Congo) où il a été arrêté et transféré à Yokadouma(Cameroun). L'embarcation du braconnier Sangobo André, de nationalité congolaise a été saisie dans le parc national de Lobéké et le braconnier Mbouala Alain, alias Arizo, a été interpellé à Kabo suites aux menaces proférés à l'encontre du personnel du parc national de Lobéké basé à Djembe(Cameroun)54(*). Paragraphe 2- La procédure de constatation de l'infraction de braconnage transfrontalier dans le TNS La constatation de l'infraction de braconnage transfrontalier est la phase qui précède celle de la mise en mouvement de l'action publique. Lors de cette constatation doivent être pris en compte le lieu de la commission de l'infraction, les personnes chargées de constater l'infraction et leurs missions. A- Le lieu de commission de l'infraction En général, le lieu de la commission de l'infraction est importante parce qu'il est l'un des critères de détermination de la juridiction compétente en cas de répression de cette infraction. Mais dans cette partie, le lieu de la commission de l'infraction de braconnage transfrontalier revêt une importance autre. Ainsi, pour qu'un braconnier soit poursuivi pour avoir commis un acte de braconnage transfrontalier dans le TNS, l'on ne devra pas retenir uniquement son statut d'étranger originaire d'un pays du TNS qui aura traversé la frontière pour commettre l'infraction, mais l'on devra s'assurer que l'acte de braconnage a été commis dans les limites de la zone TNS, c'est-à-dire l'ensemble formé par les parcs nationaux de Lobéké, Dzanga-Ndoki et Nouabalé-Ndoki ainsi que leurs périphéries telles que décrites précédemment. Alors, si l'infraction a été commise par un étranger dans le parc national André Félix en République Centrafricaine ou Boumba Bek au Cameroun par exemple, il ne pourra pas être poursuivi pour braconnage transfrontalier dans le cadre prévu par l'Accord TNS et son Protocole d'Accord sur la lutte contre le braconnage. B- Les personnes chargées de la constatation de l'infraction de braconnage transfrontalier dans le TNS et leurs missions Les officiers ou agents de police judicaire et les agents assermentés ou non des Eaux et Forêts sont chargés de constater les infractions à la législation sur la faune au niveau national dans les 3 pays concernés par le TNS. Implicitement, la compétence de ces personnes est étendue à la constatation de l'infraction de braconnage transfrontalier dans le TNS lorsqu'elles font parties des détachements ponctuels, sont présentes dans des postes de contrôle frontalier, ou sont membres des patrouilles nationales. Leurs missions diffèrent en fonction de leur statut55(*).
Dans les 3 pays du TNS, les officiers de police judiciaire, auxquels la législation centrafricaine en matière de faune associe les agents de police judiciaire, ont compétence, dans le cadre de l'exercice de leur mission de police, pour procéder à la constatation des infractions braconnage transfrontalier dans la zone TNS.
Les agents assermentés ayant pouvoir de constater les infractions de braconnage transfrontalier dans le TNS sont de deux sortes : - les agents des eaux et forêts qui après prestation de serment acquièrent la qualité d'officier de police judiciaire. Au Cameroun il est précisé qu'ils sont des officiers de police judiciaire à compétence spéciale. - Les guides de chasse et les gardes des parcs et réserves assermentés
Cette catégorie comprend les guides de chasse, les gardes des parcs et réserves, les écogardes encore appelés gardes forestiers d'appui (au Cameroun) qui n'auront pas régulièrement prêté serment devant un tribunal. En principe, les écogardes font partie du personnel civil recruté par les projets de conservation et ne sont pas astreints à la prestation de serment avant l'exercice de leurs fonctions. Dans les aires protégées du TNS au Cameroun et en RCA, ils sont recrutés et rémunérés par World Wide Fund for Nature (WWF) et placés sous la responsabilité directe des chefs de poste forestier et chasse. Par contre en République du Congo, ils sont certes recrutés par Worldlife Conservation Society (WCS) pour la zone comprise dans le TNS et placés sous la responsabilité du Ministère de l'Economie Forestière et de l'Environnement, mais sont des agents publics et font partie intégrante du corps des Eaux et forêts56(*). Quelques uns d'entre eux ont été assermentés. 2- Les missions Les missions des personnes chargées de la constatation des infractions de braconnage transfrontalier consistent essentiellement en la recherche, suivie de la constatation proprement dite de l'infraction, et sa consignation. La suite réservée aux constats faits n'est pas à négliger. a- la recherche et la constatation de l'infraction Dans le cadre de l'exécution des activités de lutte contre le braconnage dans le TNS, les officiers et agents de police judiciaire, les agents des eaux et forêts, les guides de chasses, les gardes de parcs, les écogardes ou gardes forestiers d'appui, tous assermentés ou non, qui composent les patrouilles bi ou tri-nationales, ont le pouvoir de visiter tout local, navire, aéronef et autre engin, et fouiller toute personne, susceptibles de transporter ou cacher des produits de chasse illégalement obtenus lorsqu'il existe de juste motifs de suspicion, afin de rechercher et constater des infractions de braconnage transfrontalier. Ils détiennent ce même pouvoir de contrôle et de fouille lorsqu'ils sont présents dans les postes de contrôle frontalier. Ils peuvent également requérir si nécessaire, l'appui de la force publique de l'Etat sur lequel ils se trouvent pour la recherche et la saisie du matériel ayant servi à la commission de l'infraction et des produits issus de cette infraction, ainsi que l'appréhension des délinquants. Le bilan des activités du semestre écoulé, c'est-à-dire les deux derniers mois de l'année 2005 et les quatre premiers mois de l'année 2006, démontre que lors des 7 patrouilles bi-nationales organisées (Cameroun-République Centrafricaine, RCA-Congo, Congo-Cameroun), 4 braconniers ont été arrêtés, 1 arme AK 47, 1 fusil de fabrication locale, 49 munitions, 671 câbles métalliques, 2 pointes d'ivoire et plusieurs Kilos de viande de brousse saisis57(*). La recherche et la constatation de l'infraction de braconnage transfrontalier ne se fait pas uniquement lors des missions conjointes organisées dans la TNS. Lors des patrouilles nationales sur la portion du territoire incluse dans le TNS, telles les opérations « Coups de Poing » au Cameroun58(*)ou les « Patrouilles surprises »59(*) au Congo, des infractions de braconnage transfrontalier peuvent être recherchées et constatées par les agents nationaux composant ces patrouilles afin de pallier à l'insuffisance des détachements ponctuels bi ou tri-nationaux limités dans leur rayon d'action ( maximun 5km de part et d'autre des frontières internationales), et à l'handicap que pose la fixité des postes de contrôle frontalier qui ne sont même pas permanents pour beaucoup. En l'absence d'une brigade tri-nationale, seule les patrouilles nationales des différents pays peuvent dénicher les braconniers transfrontaliers établis dans le coeur des forêts du TNS. Toutes les infractions de braconnage transfrontalier constatées lors des patrouilles ou dans les postes de contrôle frontalier doivent être consignées.
b- la consignation des constats d'infraction Un modèle unique de fiches harmonisées de police de chasse pour l'audition des braconniers transfrontaliers n'existant pas encore au sein du TNS, les fiches de patrouilles harmonisées60(*) et les fiches harmonisées61(*) ayant une portée générale, la matérialisation de la constatation des infractions de braconnage transfrontalier se fait par la consignation dans des procès-verbaux. Ces procès-verbaux, qui sont conçus dans le respect des textes en vigueur dans chaque pays, n'acquièrent force juridique que s'ils sont signés par des officiers et agents de police judiciaire ou par des agents assermentés, qu'ils soient agents des Eaux et Forêts, guides de chasse, gardes de parcs ou écogardes. Ils font foi jusqu'à preuve du contraire (RCA) ou inscription de faux (République du Congo). Au Cameroun les procès-verbaux signés par des officiers de police judiciaire font foi jusqu'à preuve de contraire alors que ceux signés par les agents assermentés des Eaux et Forêts font foi jusqu'à inscription de faux62(*). Bien que la République du Congo soit la seule à avoir traité, dans ses dispositions législatives en matière de faune, du pouvoir déféré aux agents non assermentés faisant partie des patrouilles, en disposant que « les agents non assermentés conduisent tout individu en flagrant délit devant un agent assermenté des Eaux et Forêts ou devant l'officier de police judiciaire le plus proche qui dresse procès-verbal. Ils peuvent à cet effet requérir la force publique. En cas d'impossibilité ils peuvent soit rédiger un rapport à l'attention du Directeur Régional des eaux et Forêts, soit dresser un procès-verbal, mais celui-ci sous peine de nullité doit être affirmé devant l'autorité judiciaire la plus proche dans les 15 jours qui suivent la clôture du procès-verbal »63(*), la République Centrafricaine et le Cameroun ont adopté officieusement le même système lors des patrouilles nationales pour la constatation des infractions par les agents non assermentés. En pratique donc, les agents non assermentés qui sont amenés à constater seuls une infraction de braconnage transfrontalier peuvent saisir le matériel ayant servi à la commission de l'infraction, appréhender et conduire le délinquant devant un agent assermenté des eaux et forêts ou un officier de police judiciaire et ensuite dresser un rapport. Le rapport sera adressé au supérieur hiérarchique, qui en sa qualité d'agent assermenté a compétence pour rédiger un procès-verbal sur cette base. c- le sort des procès-verbaux constatant les infractions Au Cameroun tous les procès-verbaux, qu'ils soient rédigés par les officiers de police judiciaire ou par les agents assermentés des Eaux et Forêts, une fois clos doivent être transmis au responsable hiérarchique compétent de l'administration de la faune64(*), qui se chargera alors de saisir l'autorité judiciaire compétente qu'est le Ministère Public. Les agents des Eaux et forêts, les guides de chasse et les gardes de parcs et réserves assermentés centrafricains ont 8 jours après la constatation de l'infraction pour transmettre à l'officier de police judiciaire compétent les procès-verbaux qu'ils auront rédigé et ce dernier se chargera alors de détenir les délinquants appréhendés en attendant leur transfert devant le Procureur de la République65(*). Lorsque l'infraction est constatée par les officiers ou agents de police judiciaire, la loi est muette quant au sort des procès-verbaux dressés par eux. Mais dans la pratique, ceux-ci sont directement transmis au Procureur de la République avec copie à l'autorité administrative chargée de la faune compétente afin qu'elle assure le suivi de la procédure. Tel est également le cas en République du Congo, bien que la législation sur la faune ne fasse pas allusion au sort réservé aux procès-verbaux constatant les infractions de braconnage. * 49 Article 2 Décret n°95-466-PM du 20 juillet 1995 fixant les modalités d'application du régime de la faune. * 50 Rapport de la Commission Lutte Anti-braconnage, Rencontre Tri-nationale du 30 octobre 2000 à Yokadouma (Cameroun). * 51 Voir préambule du Protocole d'Accord sur la lutte contre le braconnage. * 52David Wilkie et al. Projet de rapport sur le TNS, 2004, TNS. * 53 Compte-rendu de la réunion du CTPE qui s'est tenue à Bayanga ( République Centrafricaine) du 26 au 28 novembre 2003. * 54 Compte rendu de la 7ème réunion des conservateurs tenue les 04, 05, et 06 mai à Libongo (Cameroun). * 55Article 51 et suivants Loi n° loi n° 48/83 du 21 avril 1983 définissant les conditions de la conservation et de l'exploitation de la faune sauvage au Congo. Article 121 et suivants Ordonnance n°84.045 du 27 juillet 1984 portant protection de la faune sauvage et réglementant l'exercice de la chasse en République Centrafricaine. Article 68 et suivants Décret n° 95-466-PM du 20 juillet 1995 fixant les modalités d'application du régime de la faune au Cameroun.
* 56 Décret 2002-433 du 31 décembre 2002 portant organisation et fonctionnement du corps des Eaux et Forêts. * 57 Compte rendu de la 7ème réunion des conservateurs tenue les 04, 05, et 06 mai 2006 à Libongo (Cameroun). * 58 Ce sont des patrouilles mixtes de grande envergure organisées dans le souci de déloger les grands braconniers. Au cours de ces patrouilles, les abris des braconniers sont détruits, eux même quelque fois transportés pour le village le plus proche. * 59 Patrouilles envoyées, après réception des informations fiables, pour surprendre les braconniers. * 60 Documents dressés à la fin de chaque mission des détachements ponctuels et contresigné par les chefs d'équipe de chaque partie (article 10 du protocole d'accord sur la lutte contre le braconnage). * 61 Documents dans lesquels sont consignés tous les constats faits dans les postes de contrôle frontalier (article 15 du protocole d'accord sur la lutte contre le braconnage). * 62 Article 142 alinéa 2 Loi n° 94-01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche. * 63 Article 56 Loi n° 48/83 du 21 avril 1983 définissant les conditions de la conservation et de l'exploitation de la faune sauvage au Congo. * 64 Article 143 alinéa 1 Loi n° 94-01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche * 65 Article 127 Ordonnance n°84.045 du 27 juillet 1984 portant protection de la faune sauvage et réglementant l'exercice de la chasse en République Centrafricaine. |
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