I -Contexte
Jusqu'à la fin de la première moitié des
années 80, le Cameroun a connu une hausse continue de son taux de
croissance réelle, qui est passé de 4,5% entre 1970 et 1978
à 8% entre 1979 et 1985(PNUD, 1993). Le secteur agro-industriel,
bénéficiaire d'importants volumes d'investissements publics et le
secteur pétrolier furent les principaux moteurs de cette croissance.
Pendant cette période, la politique économique du Cameroun fut
principalement gouvernée par deux impératifs : d'une part,
développer au maximum la production sous toutes ses formes, en
exploitant les ressources naturelles et en créant des industries de
substitution ; d'autre part, veiller au strict équilibre du budget
de l'Etat pour ne pas être contraint des manipulations monétaires
qui pourraient avoir de fâcheuses répercussions sur l'ensemble de
l'économie.
Ainsi, à la veille de la crise, l'économie
camerounaise alignait les atouts de l'autosuffisance alimentaire et de
l'indépendance énergétique, de la bonne santé des
finances publiques et du faible niveau d'endettement extérieur.
Grâce aux revenus tirés des exportations agricoles et
pétrolières, le pays entretenait par ailleurs d'importants avoirs
extérieurs. Mais à partir de 1985/86 intervint un retournement
de tendance de grande ampleur, qui se traduisit par une croissance moyenne
négative de l'ordre de 4% sur la période 1986/87-1990/91(PNUD,
1993).
Face à cette tendance déclinante, le
gouvernement camerounais mit en oeuvre un ensemble de mesures de politique
économique visant à assainir les finances publiques et à
remettre l'économie sur le sentier de la croissance. En dépit de
ces réformes, la situation économique continua à se
dégrader et les taux de croissance du PIB restèrent
négatifs jusqu'en 1994(Touna et Kamgnia, 2000). Pour faire face à
cette situation et compte tenu des exigences des bailleurs de fonds
internationaux, les pouvoirs publics s'engagèrent dans un vaste
programme de réformes structurelles parmi lesquelles la poursuite des
réformes institutionnelles. C'est dans cette optique que, au cours des
années 90, le gouvernement camerounais a entrepris de promouvoir dans le
pays le renforcement de la bonne gouvernance, plus de démocratie dans le
fonctionnement de la société politique et des institutions de la
république et d'organiser avec efficacité la mise en oeuvre de la
stratégie de réduction de la pauvreté. A cet effet
plusieurs actions ont été entreprises et parmi lesquelles la
promulgation en janvier 1996, de la loi portant révision de la
constitution. Cette loi légitime ainsi le point de départ d'une
nouvelle réforme de l'administration publique camerounaise en
général et de l'administration territoriale en particulier, car
la réalisation du voeu collectif qu'est la décentralisation
appelle un bouleversement profond de toutes les structures du pouvoir de
l'Etat. Plus récemment, dans sa composante
« décentralisation », le programme national de
gouvernance(PNG), approuvé et rendu exécutoire par le
Président de la République le 29 juin 2000, a retenu cinq
grands objectifs parmi lesquels :
- le renforcement des libertés des collectivités
locales ;
- la conception d'un programme de réformes,
basé sur le principe de subsidiarité et adapté au
progrès de la décentralisation.
Pour sa part, le document de stratégie de
réduction de la pauvreté (DSRP) réaffirme l'engagement du
gouvernement :
- à assurer une meilleure participation des citoyens
à la gestion quotidienne des affaires publiques au niveau des
collectivités territoriales décentralisées ;
- à accélérer la mise en oeuvre de la
décentralisation.
Le document de stratégie globale de mise en oeuvre du
PNG et de lutte contre la corruption, quant à lui, rappelle que la
décentralisation est une option politique majeure. Après avoir
déploré que « les pratiques actuelles comportent
quelques aspects contradictoires et réducteurs qu'il apparaît
nécessaire de corriger », ce document
annonce « la mise en oeuvre des mesures novatrices, mais
réalistes, susceptibles d'assurer le fonctionnement harmonieux des
structures décentralisées de l'Etat. »
La décentralisation est donc un processus qui touche
à priori tous les aspects de la gestion de l'action publique. Il
s'agit cependant d'un processus qui doit prendre corps avec la
société au rythme de l'évolution des mentalités.
Ainsi, au-delà de la définition d'un cadre législatif et
réglementaire susceptible de favoriser la mise en oeuvre effective de la
décentralisation, il paraît indispensable d'inscrire dans la
durée et de manière progressive les aménagements
nécessaires à la construction d'un équilibre durable et
cohérent entre l'Etat et les collectivités territoriales
décentralisées.
Une bonne mise en oeuvre de cette politique nécessite
une étude préalable de la situation actuelle, une
évaluation des coûts de nouveaux transferts des compétences
et la détermination des modalités pratiques de ces transferts et
si possible la définition de quelques mesures d'accompagnement à
l'effet de garantir le succès de la réforme. Ainsi face aux
difficultés de l'Etat centralisé à répondre aux
besoins sans cesse croissants des populations, il est admis qu'une
décentralisation bien pensée et efficacement mise en oeuvre sera
porteuse d'une plus value démocratique et de développement. Pour
ce faire le financement est la condition sine qua non pour atteindre les
résultats escomptés à travers la décentralisation.
C'est fort de cette réalité que le thème de la
présente recherche est orienté vers la
problématique du financement de la décentralisation territoriale
au Cameroun.
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