c - L'enrichissement sans cause
299 - Nul ne doit s'enrichir sans cause aux dépens
d'autrui, une règle coutumière qui n'est pas réglée
par le Code civil français contrairement au Code des obligations et des
contrats libanais qui lui a attribué le titre 3 livre 2 (Les articles
140, 141, 142, 143, 144, 145, 146 COC). Cette règle, qui a
été consacré par la jurisprudence française dans
divers arrêts(137), a été invoquée comme
fondement du recours entre coresponsables tenus in
solidum(138). Le responsable solvens en payant la
totalité du dommage a payé plus que sa part. D'une part, le
solvens s'est appauvrit sans cause, et, d'autre part, l'autre coauteur
s'est enrichit par « une perte évitée, une
dépense épargnée >>(139). Se basant
sur ces deux conditions le recours du solvens se fonde sur
l'enrichissement sans cause.
300 - Cependant, celui qui désintéresse la
victime ne s'appauvrit pas sans cause, il paie ce qu'il doit envers la victime,
donc il exécute une obligation légale(140). Et,
L'action de in rem verso est une action subsidiaire qu'on exerce en
dernier lieu lorsqu'il n'y a d'autre moyen. Le recours à cette action ne
peut être autorisé en exécutant une obligation
légale.
301 - Contre ces objections(141) il a
été répondu que la cour de cassation a admis
l'enrichissement sans cause même si on est en présence d'une
obligation légale de paiement. Une analyse détaillée faite
par certains auteurs rejette l'argument adopté pour repousser
l'enrichissement sans cause.
302 - Ceux qui admettent, que le coauteur doit une obligation
légale est inexacte. Il faut distinguer entre le rapport victime
coauteurs et les rapports coauteurs entre eux. A l'égard de la victime
le coauteur solvens paie une obligation légale qui est sa
propre dette d'après les règles de la responsabilité
civile(142), il y a donc une cause légitime à ce
paiement(143). Mais à
(137) Req., 15 juin 1892, D.P. 1892.1.596 ; Civ., 2 mars 1915,
D.P. 1920.1.102.
(138) Patrick Canin, ouvrage précité, n° 116-118,
page 141-147 ; Wahl, S. 1909.2.129. Contra ; Rouast, D.P. 1936.1.25, et
chronique : L'enrichissement sans cause et la jurisprudence civile,
RTDC 1922.35 ; Ripert, note D.C. 194418.
(139) J. Carbonnier, Droit civil, t. IV, Les
obligations, P.U.F. 22e éd., p. 544 : Selon l'auteur
L'enrichissement se réalise lorsqu' « Autant que dans un gain
positif, l'enrichissement peut consister dans une perte évitée,
une dépense épargnée >>.
(140) J. Boré, Le recours entre coobligés
in solidum, article précité ; Rouast, note D. 1936.1.25 ; J.
Vincent, article précité, RTDC 1939, p. 601 et s.
(141) Patrick Canin, ouvrage précité, n° 117, p.
143
(142) Patrick Canin, no 117, page 144
l'égard des autres coauteurs, le solvens a
payé la part qu'il a causée et leurs parts(144). Il y
a donc appauvrissement injustifié dans le patrimoine du responsable
solvens(145). Il a payé la dette d'autrui sans aucune
obligation légale qui lui impose à lui seul le support de la
dette(146).
303 - Reste un obstacle à l'admission de
l'enrichissement sans cause, C'est son caractère subsidiaire. Le
caractère subsidiaire de l'action de in rem verso est un
obstacle au solvens. L'action fondée sur l'enrichissement sans
cause ne peut être utilisée que lorsqu'il y a un obstacle de fait
et non pas du droit, et une relation juridique entre trois
personnes(147). Tout obstacle légal ne permet pas d'exercer
l'action d'enrichissement sans cause et tout faute de la part du demandeur
exclu l'action de in rem verso. Pour que le responsable
solvens puisse exercer l'action fondée sur l'enrichissement sans
cause il faut qu'il y ait un obstacle de fait et non pas de droit. Parfois la
subrogation est inadmissible soit qu'un article particulier reste
réservé à la victime, soit en raison du droit en cas de
prescription ou de la renonciation faite par la victime à ses droits
contre l'un des coauteurs. Dans ces hypothèses l'action de in rem
verso est acceptable.
304 - Cependant la condition de subsidiarité,
d'après un auteur(148), n'est pas exigée pour
l'exercice du solvens du recours. Dans cette optique, il a
écrit que « s'il faut fonder ainsi le recours personnel sur
l'idée d'enrichissement injuste, d'aucuns se demanderont sans doute si
ce recours doit être"subsidiaire" c'est-à-dire
n'être ouvert que quand la subrogation est exclue, ou si on peut
l'admettre en option avec le recours subrogatoire dans les cas oft ce dernier
est possible. Il n'y a pas lieu de s'étendre sur ce point, la question
ne se posant pas dans l'hypothèse de l'espèce. On peut toutefois
remarquer que les motifs de notre arrêt n'impliquent en rien
l'idée de subsidiarité; et nous ne voyons pas pourquoi celle-ci
s'imposerait dès lors qu'il ne s'agit pas techniquement, de
l'action de in rem verso ».
Malgré que cette proposition s'avère la plus
logique pour expliquer le recours du solvens, le caractère
subsidiaire est infranchissable il serait préférable de tourner
vers un autre fondement : celui de l'équité.
(143) M. Behar-Touchais, Le fondement des recours
contributoires entre conducteurs ou propriétaires de véhicules
coïmpliqués dans un accident de la circulation après la loi
du 5 juillet 1985, JCP 1988.I.3339.
(144) Patrick Canin, loc. cit.
(145) N. Dejean de la bâtie, note sous Civ.
1re, 7 juin 1977, JCP.II.19003.
(146) M. Behar-Touchais, loc. cit.
(147) P. DRAKIDIS, La "
subsidiarité", caractère spécifique et
international de l'action d'enrichissement sans cause, RTDC 1961, p. 577 :
« si le demandeur dispose d'une autre voie de droit l'action
d'enrichissement est inopérante, et s'il dispose la voie de droit commun
de même il ne peut intenter l'action d'enrichissement sans cause
».
(148) N. Dejean De La Bâtie, note sous Civ.
1re, 7 juin 1977, JCP 1978.II.19003 ; Cf. Patrick Canin,
ouvrage précité, no 118, page 146.
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